Chapitre 10

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Flavie

Le bruit de la circulation me sort doucement de mon sommeil. Ma tête bercée par un coussin chaud au mouvement régulier, je peine à émerger complètement. J'entrouvre les yeux et les souvenirs de la veille refont surface. Je m'aperçois que le coussin n'est autre que le ventre de Ben qui se soulève au rythme lent de sa respiration endormie. Je me redresse lentement mais il se réveille aussi. Je souris en coin lorsqu'il s'étire en baillant, la tête aussi fraîche que s'il avait fait la fête toute la nuit. La position inconfortable dans laquelle il a dormi n'a sans doute pas aidé.

- Bien dormi ? me demande-t-il d'un ton ensommeillé.

- Mieux que toi visiblement, j'étais littéralement affalée sur toi, pouffé-je pour alléger l'ambiance que je trouve assez particulière.

Je devrais être un peu gênée par cette situation, mais je m'aperçois que ce n'est absolument pas le cas. Voilà longtemps que je n'avais pas aussi bien dormi contre quelqu'un.

- Petit-dèj ? m'invite-t-il avec le sourire.

J'acquiesce et vient m'installer sur l'un de ses tabourets qui longent son plan de travail. Alors qu'il prépare du café, je passe lascivement mes doigts dans mes cheveux pour y remettre un peu d'ordre, tout en observant la mezzanine baignée de lumière.

- Tu veux aller voir ? me propose-t-il.

- Je ne voudrais pas avoir l'air envahissante non plus, me défilé-je.

- Pas de soucis, si je te propose c'est que ça ne me dérange pas.

Je me laisse finalement tenter et gravit l'escalier presque aussi raide qu'une échelle pour atteindre ce lieu mystère qui, je dois bien l'avouer, m'intrigue un peu depuis que je l'ai aperçu.

Le plateau de la mezzanine est plus grand qu'il n'y paraît d'en bas. Un trépied sur lequel est fixé un appareil photo semble attendre patiemment son propriétaire. Des panneaux de couleur sont rangés contre une cloison, servant certainement de fond uni pour les portraits. Des sortes de parapluies de différentes tailles sont disposés à divers endroits certainement stratégiques. Les pieds enfoncés sur le tapis moelleux au milieu de la pièce, je glisse mes mains dans les poches arrière de mon jean et observe ce qui est accroché aux murs. Des photos en tout genre ont été disposées avec goût et harmonie. Des paysages, des animaux, des monuments et quelques portraits de personnes qui me sont inconnues. Ce pêle-mêle donne une impression d'ouverture à cette pièce qui n'a pourtant pas de fenêtre sur le monde extérieur.

Clic.

Je tourne la tête vers le son familier de l'appareil photo. Seule dans la pièce, je ne comprends pas comment il a pu se déclencher. J'incline la tête en observant l'objet devenu soudain mystique, qui me répond par un nouveau « clic »caractéristique.

Le petit rire de Ben parvenant jusqu'à mes oreilles, je m'approche de la balustrade pour l'apercevoir en contrebas. Il agite un petit objet noir, m'indiquant la source de son tour de passe-passe.

- C'est un déclencheur à distance, très pratique pour saisir l'instant naturel dont je te parlais l'autre jour, s'amuse-t-il.

- C'est de la triche, répliqué-je faussement boudeuse. De toute façon elle va être floue je suis sûre, le nargué-je en tirant la langue.

- Y'a des chances effectivement. Mais ça valait le coup que j'essaye, conclue-t-il dans un clin d'œil.

Je le rejoins à la cuisine et manque de louper une marche dans l'escalier tant je sens qu'il m'observe. Je lui souris maladroitement et m'installe sur le tabouret face à lui, comme la veille. Le regard chaleureux qu'il pose sur moi me détends instantanément, me donnant le courage nécessaire pour le taquiner :

- Je pensais que tes abdos étaient moins moelleux que ça.

- Je ne pensais pas que tu avais un avis sur mes abdos, rétorque-t-il avec un plaisir évident à me malmener.

Je suis prête à parier que mes joues se parent de rouge quand son sourire satisfait se dévoile. J'avale mon café d'une traite, quitte à me brûler le palais puis file boucler ma valise pour notre départ en avion quelques heures plus tard.

Une fois chez moi, je me laisse tomber sur mon lit pour délasser mes muscles qui me font payer ma position entortillée de la nuit passée. Le regard perdu sur la peinture blanche du plafond, j'entortille machinalement une mèche de cheveux autour de mon index. Mes pensées s'affolent comme une balle de flipper, perdues entre l'envie de poursuivre sur cette voie avec Ben et la crainte que mon frère désapprouve complètement.

Même s'il ne l'a pas verbalisé, je sens que Ben est aussi surpris que moi par la fluidité avec laquelle nous interagissons. Une frustration s'installe en moi et je décide de détourner mon attention en préparant ma valise pour notre départ en vacances. Nous avons convenu de prendre l'avion pour nous rapprocher au maximum de notre destination, puis nous achèverons le voyage en voiture de location.

Romain a déjà passé ses vacances dans la maison de famille de Ben. Pour ma part, ce sera une première.

***

Au volant de la voiture de location, je m'extasie devant la splendeur du paysage de bord de mer. Le contraste entre les roches ocres et les nuances de bleu de la mer méditerranée m'enchante. Après quelques kilomètres, nous approchons enfin de notre destination. Nous empruntons un chemin en petits cailloux blancs, bordé de pins parasol et de pieds de lavande.

Je gare la voiture dans la petite allée pavée de la maison de style provençal, ancienne mais bien entretenue. Sa façade rose agrémentée de volets bleus me donne la sensation de plonger dans le décor d'un roman que je me souviens avoir lu à plusieurs reprises par le passé.

La bâtisse comporte un étage, et un porche aux tuiles rouges devance une porte d'entrée en bois. Le doux parfum de lavande qui m'accueille me donne le sentiment authentique d'être enfin en vacances.

En attendant que les garçons arrivent, nous faisons le tour de l'extérieur avec Jane, qui a proposé de faire une voiture filles et une voiture garçons. Je suis le chemin de pierres plates jusqu'à l'arrière de la maison en veillant à ne surtout pas toucher l'herbe, comme je le faisais chez ma grand-mère quand j'étais enfant.

Les voilà enfin, cette vue mer imprenable et la piscine à l'eau bleutée qui me donne envie d'y plonger. Je m'étire pour savourer pleinement ce paysage et l'air marin qui s'en dégage. Alors que je replace mes mains sur mes hanches, une poussée soudaine dans mon dos me déséquilibre, me faisant chuter dans l'eau tout habillée. Le rire tonitruant de mon frère parvient jusqu'à moi lorsque je remonte à la surface, les cheveux entravant en partie ma vue.

- Idiot ! Tu vas me le payer ! le menacé-je sur le ton de la plaisanterie.

Prête à en découdre, je me rapproche de mon frère qui se tort de rire au bord de la piscine. J'ai juste le temps de me décaler quand je comprends que Ben le pousse à son tour au bouillon.

Tout le monde éclate de rire et finit par nous rejoindre dans l'eau. Mouillés pour mouillés, on s'arrose gaiement comme des gamins de sorte à fêter dignement le point de départ de nos vacances.

En sortant de la piscine quelques minutes plus tard, je gratifie malgré tout mon frère d'un baiser sur la joue, comme j'en avais l'habitude par le passé pour faire la paix avec lui.

À deux pas de chez toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant