Ceux qui restent | BTS FF

Prologue

Musique : Beyond the Ghost -
The Sadness of All Things

L'air était lourd, ou du moins il paraissait l'être, si bien que j'avais l'impression qu'il fallait marcher à pas de velours et rester discrète. Depuis le début de l'après-midi, il semblerait que le monde se soit mis à tourner à l'envers et que la moitié de la population soit soudainement devenue folle. Peut-être bien que l'expression « Se lever du pied gauche » prend finalement tout son sens.

Le cœur battant à tout rompre, je serre Yujin un peu plus contre moi, tentant vainement de ne pas laisser poindre une once de frayeur, car je le suis, effrayée, mais ma petite sœur assise à mes côtés ne doit rien sentir de tout ça. Qu'adviendrait-il si jamais elle comprenait la détresse dans laquelle je me trouve à cet instant ? Probablement rien de bon...
Alors je la serre contre moi en essayant de lui faire croire que je cherche simplement à la rassurer elle, mais je cherche en réalité à nous rassurer toutes les deux.

Juste en face de nous, vient s'asseoir un jeune homme avec une petite fille. Elle doit avoir le même âge que Yujin, peut-être même qu'elle est légèrement plus jeune. Cela fait des heures que je traîne dehors, des heures que je suis assise dans cette salle d'embarquement avec l'espoir qu'un avion ne daigne enfin décoller et nous emmener loin de cette anarchie qu'est en train de devenir notre ville, et pourtant, c'est le premier enfant que je croise... C'est à se demander où sont tous les autres, mais peut-être est-ce simplement moi qui n'y ai pas prêté attention avant ça.

Alors que le silence envahissant régnait depuis de longues minutes, je crois entendre une agitation lointaine, et mon cœur se met à s'affoler davantage. Il faut à tout prix que je reste calme...

- Yara, ai-je subitement entendu près de mon oreille.

- Oui, ai-je répondu à ma sœur d'une voix que je voulais douce et sereine, bien que je doute qu'elle n'ait pas perçu le léger tremblement de ma voix.

- Ils arrivent, me dit-elle en me pointant du doigt une petite escouade de militaires qui s'approchait.

À la seconde où j'ai posé mes yeux sur eux, tout mon corps s'est relâché comme si chacun de mes muscles venait de se détendre à l'unisson.
Ça y est, c'est à notre tour de fuir...

Depuis que certains habitants avaient comme qui dirait pété les plombs et étaient devenus incontrôlables, l'armée avait été chargée d'évacuer tout individu ne présentant aucun signe d'agressivité aiguë. Plusieurs groupes d'une petite vingtaine de personnes étaient redirigés vers différentes villes, de façon à éviter qu'une seule ne se retrouve surpeuplée.
Je ne sais pas quelle est notre destination, mais tout ce qui m'importe c'est que ma petite sœur soit à l'abri.

Alors que les quelques militaires s'approchaient de nous, le léger brouhaha que je croyais imaginer, se fait bien plus présent, bien plus fort que tout à l'heure, comme si l'origine de cette cacophonie était progressivement en train de se rapprocher. Lorsque le bruit s'est fait plus distinct, les militaires se sont immédiatement mis en garde pour nous défendre. C'est eux... Les « batailleurs », comme les appellent les soldats.

- Yara, m'appelle Yujin, clairement effrayée par ce qu'elle entendait et apercevait.

- Ça va aller, la rassurai-je. Ne t'inquiète pas.

Aussitôt que les mots ont passé la barrière de mes lèvres, les coups de feux se sont mis à fuser. Je me suis levée avec Yujin et me suis précipitée vers la porte d'embarquement auprès de laquelle nous étions, sous les indications -ou plutôt les ordres- d'un soldat qui nous sommait d'y entrer au plus vite.
Évidemment, la petite foule qui, plus tôt, attendait sagement d'être appelée à l'embarquement, est tout de suite moins patiente, et tout le monde court, se rentre dedans au point de se coincer les uns et les autres en passant la porte.