51. Enchaînement d'évènements aléatoires

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« Comment ça, "en rupture de stock"?! » s'énerve l'homme face au factionnaire de la Masse d'équipement. Il hausse les épaules: « On a fouillé toutes les réserves, mais y'a plus de sac noir réglementaire, lieutenant. Avec une telle intensification des rafles, c'est étonnant qu'on ait tenu jusque là.

— C'est inadmissible! » Son interlocuteur soulève les épaules derechef, l'air de dire qu'il ne pourrait pas les chier même si la couleur y était. « Y'en avait des milliers. Où sont-ils tous passés, bordel?!

— Vos sous-off' les jettent.

— Pardon?!

— Ils disent que les réemployer n'est pas hygiénique, fait-il avec une pointe de sarcasme, en reprenant la fiche d'inventaire pour y dissimuler un sourire en coin assez large pour contenir un éclat de rire. »

Le lieutenant se pince l'arête du nez pour endiguer le mal de crâne qu'il sent poindre. Pas hygiénique! C'est la pire ou la meilleure! « Ils ont entendu parler de la blanchisserie de la base?

— Ils doivent croire qu'il n'y ait que le blanc qui puisse y être lavé, se moque-t-il ouvertement à présent. »

Il va faire un breakdown. C'est pas possible d'être aussi abruti. Ni étonnant que leur division soit moquée par la O.R.D.E.

« Lieutenant! » l'interpelle-t-on urgemment depuis l'autre bout du couloir. Bras levé, téléphone en vue, un soldat se fraie un chemin parmi les unités revenues de mission ou faisant la file devant la Masse. « Un appel du major. » dit-il, et comme par magie une voie s'ouvre. Lorsqu'un gars de la Rafle parle "du major", tout le monde l'entend en majuscules. Loin d'être haut gradé, le garant de la gestion de la Rafle n'en est pas moins d'une influence colossale.

Le smartphone change de main et il porte aussitôt l'écouteur à son oreille. « Major, salue-t-il.

— Nous avons un problème, lieutenant. » fait la voix qui a perdu ses intonations guillerettes habituelles et tend instantanément son corps. « La fille. Où est-elle?

— En train d'être enregistrée à la prison.

— Empêchez cela. »

Le ton impérieux atteint son tympan qu'il a déjà tourné les talons. Au bout du corridor, il est passé à la marche active; à la fin de l'explication du major, il court. « Le haut commandement souhaite retrouver mademoiselle Brown. Pour un service d'amitié, comme qui dirait. Il n'a jamais été question de la rafler.

— Mais...

— Oui, je sais. Il y a eu incompréhension quelque part dans la chaîne. Ça n'aurait pas dû arriver et elle ne doit pas être enregistrée. Faites ce qu'il faut, lieutenant. »

Autrement dit, il est bon pour une séance de destruction de documents.

Il s'engage trop tard dans le virage et s'amortit d'une épaule pour ne pas se manger le mur. Il grimace de douleur mais ralentit à peine au milieu de la foule inhabituelle des soldats qui sursautent à son passage hystérique. Il repère un visage connu et oublie complètement le téléphone dans sa main. « Trend! » hurle-t-il. La bleusaille s'immobilise et ses yeux s'agrandissent comme s'il était une biche prise dans les phares d'un camion. Il finit en glissade devant lui. « Qu'est-ce que tu fiches? Où est-elle?!

— Euh... Mission accomplie, lieutenant.

— Déjà?!

— J'en avais marre d'attendre dans la file d'enregistrement, alors j'ai dit que c'était une prisonnière V.I.P. Ils l'ont emmené séance tenante. »

Le lieutenant pâlit à vue d'œil. « Oh non! Non, non, non, NON! V.I.P. pour nous, pas pour la prison, bordel! s'écrie-t-il.

— Qu'est-ce que ça change?

Black Bag [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant