61. Sans regret

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Mercier opine à la requête: « Il faut deux témoins.

— Grégoire! interpelle aussitôt Philotas avec complaisance. Convie Fabien à nous rejoindre. »

Le garçon traverse la salle au pas de course sous l'observation anxieuse d'Abelone. « Que se passe-t-il? » Elle tourne sa question vers son clopeur au moment où il pose un écrin recouvert de velours noir entre eux. Son cœur soubresaute tel un moteur qui broute. Son sang et le temps figent. Merde!

Ses yeux mettent des plombes à se décrocher du coffret pour dévisager son compagnon. Mais l'inexpression du sociopathe ne lui vient pas en aide. Il lui pointe simplement la boîte d'un coup de menton.

Une salive huileuse descend dans sa gorge. Ses doigts sont gourds en allant à la rencontre du tissu. Le couvercle pivote sans mal. La lumière artificielle jette des éclats argentés sur des alliances et une troisième bague sertie d'un diamant vert solitaire.

« Les promesses n'engagent que ceux qui y croient, déclare Phil comme elle ne retrouve toujours pas le contrôle de sa voix. Ceci est un contrat, plus une promesse. Tu es prête à ça? »

Son corsage se soulève et se tend d'une profonde inspiration. L'air réoxygène son corps parcouru de picotements et elle ferme les paupières le temps d'un étourdissement. Elle ne l'avait pas cru si proche ou si concret, mais le moment est là.

Elle acquiesce. Elle accepte. Elle a accepté d'unir leur vie à l'instant où elle a accepté d'unir leur corps.

Le chef de cuisine se plante gravement à côté, pas serein, tandis que le serveur dispose café et digestifs devant les convives. « Un problème avec le repas, monsieur?

— Non, expédie Meyer. Restez là tous les deux. Monsieur le Maire? Au plus court, je vous prie. »

Mercier s'éclaircit la voix et débite aussitôt: « Veuillez répéter après moi: je déclare solennellement que je ne connais aucun empêchement légal à ce que moi, Philotas Meyer, je m'unisse à Abelone Nielsen par les liens du mariage. »

Les deux employés partagent un haussement de sourcils surpris, mais ne pipent mot. Le militaire se plie au rite avant que la maire ne se tourne vers la jeune femme pour qu'elle en fasse autant. Sa voix à elle est bien moins neutre, chevrotante.

« Je demande à ces personnes ici présentes de témoigner que je te prends, Philotas Meyer, pour être mon époux légitime, fait ensuite réciter le représentant de la ville, à l'une puis l'autre en adaptant, perroquets dociles.

» Veuillez à présent placer l'alliance à l'annulaire de la main gauche de mademoiselle, commandant, et répétez après moi. »

Phil présente sa paume à sa compagne, en invitation à lui offrir la sienne. Aby soulève l'avant-bras et pose une main inerte sur les callosités sensuelles. Il lui passe la bague de fiançailles dont la pierre scintille surréellement. Il retire la plus petite des alliances du coffret, et le quinquagénaire récite le texte: « Par cette alliance, je t'épouse. Je t'aimerai, t'honorerai et te chérirai, et cette alliance est le symbole de mon amour. »

Meyer est irrésolu pour la première fois. Il tique: « Je ne peux pas prononcer ces mots: je ne mens pas à Aby.

— Euh... C'est adaptable. À votre guise, commandant.

— Bien. Par cette alliance, je t'épouse, déclame le militaire en glissant l'anneau à son doigt. Je te soutiendrai, t'honorerai et te chérirai, et cette alliance est le symbole de mon engagement solennel.

— À vous, mademoiselle. »

Elle met plusieurs secondes à parvenir à sortir la bague restante de l'écrin. Celles qu'elle porte alourdissent ses gestes d'un poids invraisemblable. L'argent, l'acier, et la pierre, la lestent aussi lourdement que du plomb.

Black Bag [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant