6. Dommage pour Litz

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Phil n'est pas du genre à s'encombrer du superflu. En fin de matinée, en passant le bras sous la nuque et étirant ses muscles léthargiques entre les draps, il ne pense déjà plus aux meurtres de la nuit ou à cette jeune femme dont la vie ne tient qu'à un fil. Un fil qu'il détient. Il en dispose déjà tant d'autres que c'est tout un métier à tisser qu'il traîne!

Après s'être assis au bord du lit en passant les doigts dans sa courte tignasse, la première chose qu'il fait est de s'allumer une cigarette.

D'ordinaire, il loge dans une petite maison en zone 9, loin de la cité militaire et des résidences des officiers. Sans être huppé, le quartier est propre et tranquille. Chacun y vit sa vie sans interagir avec le voisin.

En l'occurrence, il a passé quelques heures de repos aux dortoirs de la base militaire après avoir vérifié que son escouade apparaisse bien dans les registres d'entrée. Sans surprise, Biture a commis sa dernière erreur en ne rentrant pas. 

Il n'y pense pas pour le moment: le cas du sergent – de son vrai nom – Bature, est déjà scellé.

Phil déploie sa nudité, quelque peu à l'étroit dans cette chambrée d'appoint. Il fait jouer ses épaules endolories. Voilà à quoi il songe: aux courbatures qu'il va se coltiner toute la journée à cause des matelas de merde de l'armée.

La trousse de toilette sous le bras, alternant clope et brosse à dents entre ses lèvres, il quitte la petite pièce pour les douches. Il pose précautionneusement son filtre sur le bord d'un évier et rejoint une des cabines rudimentaires séparées par des murets à hauteur de taille. L'eau glacée qui s'abat fait bondir son cœur et comprime ses poumons. Il aime cette sensation anxieuse que son corps lui inflige sous le choc de l'hydrocution. Un long frisson court sur sa peau. Il frémit et apprécie un instant avant de commencer à se nettoyer vigoureusement.

Il est en train de se rincer quand une voix hèle énergiquement à travers le couloir: « Mes respects, capitaine-commandant Meyer.

— Ouais? »

La voix s'arrête de l'autre côté de la porte. « Sergent Litz, troisième section de la compagnie de zones, gestion du terrain, mon capitaine-commandant. » se présente la femme.

Le reste des paroles se perdent dans le bouillonnement d'eau qui lui court sur les oreilles. Il secoue la tête avec exaspération. « Entrez! J'entends rien. » La femme n'hésite pas. Elle pousse la porte dans un rhétorique « Capitaine-commandant, oui capitaine-commandant. » et se met au garde-à-vous malgré un premier réflexe de se détourner. « Sergent Litz, au rapport, mon capitaine-commandant. »

L'ajout du commandant le fait chier. Mais il ne laisse que ceux de sa compagnie faire l'impasse.

« Rapport de quoi, sergent?

— Vous avez demandé qu'on s'assure que vous soyez éveillé à mille cent trente, mon capitaine-commandant. »

Déjà? Au souvenir de sa demande lui reviennent les raisons pour lesquelles il l'a faite: Biture et le rapport que doit lui faire son escouade.

Phil coupe l'eau et quitte la cabine primitive. La militaire jette un rapide coup d'œil à la large stature toute en muscles et tendons saillants. Les solides fessiers se meuvent au rythme des pas lestes sous le creux délicieux des reins. Il n'en faut pas plus pour qu'une chaleur s'infiltre dans ses veines.

Le capitaine s'essuie à peine les mains pour récupérer sa cigarette étouffée. Quelle plaie ces conneries qui s'éteignent si on ne tire pas dessus! « Repos, fait-il en aspirant à répétition pour tenter de réactiver la combustion du tabac. Vous êtes sur cette base depuis longtemps, sergent?

Black Bag [Terminé]Where stories live. Discover now