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Jisung marchait dans la rue, il esquivait les corps, il esquivait les regards plein de compassion quand les passants observaient sa mine torturée, cernée, son corps trempé. Il ne savait même plus ce qu'il était capable de ressentir, la honte, c'était secondaire, tout à coup.

Quand il atteignit son bâtiment, il se sentit soulagé, mais pas assez pour laisser échapper ne serait-ce qu'une bribe de son contentement. Il passa mécaniquement son pass contre le capteur et escalada les marches, comme si son corps pesait des tonnes, c'était le cas, l'eau qui imbibait ses vêtement le faisait se sentir si lourd, il peinait à trouver la force nécessaire pour arriver au sommet de ces trois étages. Quand il attrapa sa clé pour la glisser dans la serrure, il remarqua ses tremblement compulsifs, il mourrait de froid, il était épuisé, il l'avait ignoré, mais seul ici, ça le frappait.

Il tenta de la glisser dans la fente, mais ses clés s'échappèrent, elles s'écroulèrent dans un bruit métallique au sol, et après les avoir observé une bonne dizaine de secondes, c'est ton son corps qui suivit. Il se laissa tomber sur ses genoux, il abandonna tout son poids, et à l'instant où il s'abandonna, ses larmes suivirent. Il plaqua ses deux mains sur son visage, comme s'il se cachait du monde, comme si c'était suffisant pour lui ôter la vue, lui ôter ses souvenirs les plus douloureux. Il n'y arrivait plus, fuir, se vider la tête, il n'en était plus capable, il était bel et bien là, et il souffrait, et il ne savait plus faire comme si ce n'était pas le cas.

Sa tête tournait, c'était comme s'il était soudainement assailli de tout ce qu'il avait ignoré. Demain, il allait se réveiller avec cette même douleur dans la poitrine, et le jour d'après encore, et ça, jusqu'à ce qu'on lui ôte la vie. Ou peut-être qu'il sera destiné à ressentir ça encore dans l'au-delà, comme Sisyphe, destiné à porter le poids de ses maux jusqu'à l'éternité. Les dieux l'avaient puni, et lui, il ne savait pas qui le punissait, mais il se demandait ce qu'il avait fait de si mal pour que la foudre s'abatte sur lui. C'était injuste, tellement injuste, s'il devait vivre pour ressentir tout ça, peut-être qu'il ne le voulait plus, il n'en avait pas les épaules. Il sentait les gouttes qui s'échappaient de sa chevelure trempée dévaler le long de sa nuque, comme si ses larmes étaient un torrent tel qu'il enveloppait tout son corps, ses yeux pleuraient, mais tout son corps aussi.

Il ne remarqua même pas les pas dans l'escalier,  ceux qui faisaient craqueler le bois des marches, ceux qui s'approchaient de plus en plus. C'était comme s'il était seul, cloîtré dans sa douleur, dans une bulle noire, là où personne n'aurait pu l'extirper. C'était comme la première fois qu'il faisait face à tout ça, tout ce qu'il avait enfoui, cette sensation de n'avoir sa place nulle part, cette sensation d'être la victime de ceux qu'il aimait, et quand il en prenait conscience, il voulait disparaître, il ne voulait pas vivre, pas comme ça.

« - Jisung ? Il entendit résonner, et il lui avait fallu un long moment pour se reconnecter à la réalité, au son de cette voix. »

Il releva doucement son regard en direction de Minho, debout, sur la dernière marche, il ne voyait que son visage, le reste était flou. Les yeux de Jisung étaient encore embués, ses mèches trempées tombaient devant ses paupières, elles alourdissaient ses cils. Il papillonna des paupières, dans l'espoir de pouvoir éclaircir le tableau face à lui. Minho s'était approché, doucement, confus, il s'était accroupi devant lui, un sourcil relevé.

« - Ça va..? Il s'essaya, et après un instant, Jisung hocha négativement la tête, noyé dans des sanglots qui l'étouffaient. Tu... Il déglutit, visiblement à la recherche de ses mots, il attrapa alors ses clés encore au sol et se releva rapidement. Mets-toi au chaud, ok ? Prends une douche, je te ramène des vêtements, tu peux faire ça ? »

Jisung acquiesça, pourtant, c'était comme s'il était figé, comme s'il n'avait même plus la force de se relever, ses tremblements étaient puissants, il le remarqua seulement quand il observa ses doigts. Une main se présenta alors à lui, il redressa son regard vers le haut, comme complètement perdu, pour observer son colocataire, debout, le surplombant, et c'est l'ombre de ce sourire encourageant qu'il lui avait fait comprendre qu'il souhaitait l'aider à se relever. Il s'en saisit, et la chaleur de sa poigne forte avait presque agi comme un remède sur ses tremblements. Tout à coup, il savait qu'il ne pouvait plus tomber, que le sol et aucune profondeur n'aurait pu venir le chercher. C'était ce dont il avait besoin, tout de suite, quelqu'un pour le soutenir, pour lui dire quoi faire, quelqu'un pour le sortir de là. 

FEEL THE PAIN, SO GOOD; ᵐⁱⁿˢᵘⁿᵍOù les histoires vivent. Découvrez maintenant