Chapitre 21

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Pourtant je restai convaincu d'une chose, la descente aux enfers avait pris fin lorsque le démon qui m'empêchait de trouver sommeil avait perdu la vie. Peut-être était-ce là l'œuvre de toutes mes prières, on m'avait laissé l'opportunité de mettre fin à cette vie de martyr, je l'avais saisi pensant obtenir vengeance mais plus important encore ne m'avait-on pas laissé la chance de pouvoir en terminer en mettant fin à l'existence de ce monstre. Etait-ce dont l'espoir que j'attendais vainement depuis si longtemps ? Une chaleur se répandit en moi, au final peut-être était-ce le début d'une nouvelle vie faite d'espoir. Non. Je retournais encore une fois dans ma naïveté et mon optimisme. Il fallait que je cesse d'espérer car l'espoir entrainait bien trop souvent la déception. Tel un joueur de poker misant son tapis espérant touché sa carte lors de la river*l'espoir, le rêve était permis car avant que celle-ci ne tombe, le joueur pouvait espérer l'emporter ou craindre de tout perdre. Cet exemple nous démontre la dangerosité de cultiver l'espoir. Il avait cette caractéristique de procurer autant de bonheur et de joie que de cruelles déceptions. C'est pourquoi j'ai décidé de m'abstenir de tout rêve, de tout espoir. Arrivera ce qui arrivera mais je ne m'infligerai désormais plus de souffrances inutiles.

*river : terme désignant la dernière carte posée sur la table permettant au joueur de compléter sa main.

La suite allait pourtant me prouver qu'on ne m'avait pas laissé de chance mais bien un aller pur et simple pour l'enfer.

Les heures passèrent, je ne m'en rendis pas compte. Seuls les légers ronflements de mes codétenus m'indiquaient qu'il commençait à se faire tard. Mais seulement mon esprit ne trouvait pas le calme trop occupé à imaginer le lendemain. Je n'avais strictement aucune idée de comment cette journée allait se dérouler en tout cas ce qui était sûr c'est que ce sera déterminant quant à mon futur...

Je n'avais pas pu fermer l'œil de la nuit, rien d'étonnant à cela puisque ma sentence serait définitive dans les heures qui suivront. C'est donc avec une impatience mal contenue que j'attendis les pas trainant de l'officier chargé de m'entrainer pour mon jugement. Après ce qui me sembla des heures une lumière s'alluma on approcha. Il vint frapper de sa matraque réveillant ainsi aux passage les détenus de mon couloir qui grognèrent de mécontentements, quelques insultes volèrent notamment de par la lumière aveuglante désagréable après une nuit de sommeil. Le gardien les invectiva en retour, des animaux... Il ouvrit, en même temps qu'il outrageait mes collègues, ma cellule, ça y est j'étais libre ! Mais me passa aussitôt les menottes. On traversa sans un mot le couloir, le gardien excédé ayant éteint les lumières, dans le plus grand silence de la prison nous avancions, tournions, pénétrions, longions des recoins aussi sordide et vide de chaleur qui faisait la réputation et l'image d'un pénitencier. Une fois éloigné de ma chambre cinq étoiles je décidais de casser ce silence dans l'optique de faire payer ses mots si crus balancer la veille et au passage me jouer une dernière fois de ce gardien véhément un peu trop sur les nerfs. Je n'avais pas oublié, ne jamais relâché l'attention, toujours se montrer fort, il fallait que je réagisse.

- Alors comme ça on s'est réveillé du mauvais pied cher ami ?

- Ferme la numéro douze.

- Votre femme n'a pas voulu vous faire l'amour ? Elle vous a refusé l'ouverture de ses cuisses ? tentai-je.

- Ferme ta gueule numéro 12 tu ne sais pas de quoi tu parles.

- Ohhh allez entre amis on se dit tout. Quelle est le problème ? Elle en voit un autre c'est ça ? Si vous voulez mon avis ce sont toutes les mêmes, toutes des s...

Ni une, ni deux je me retrouvai propulser à deux mètres de là suite à un élan de colère de mon nouvel ami. Je commençai à peine à me relever quand une main vint serrer l'encolure de ma combinaison pour me soulever et me tenir fermement contre le mur.

- Ecoute-moi bien gamin, plus jamais tu ne t'autorise à parler de ma femme sur ce ton, ni même tout court. Fais-moi plaisir et remballe-moi ton air goguenard et arrogant de ta face. Tu crois tout savoir et te permettre de l'ouvrir sur tout ?...

Tandis qu'il me débitait un flot de paroles ininterrompu dont je n'écoutais, je dois bien l'avouer que très peu. Quelque chose provoqua ma curiosité. Il s'agissait de son regard. Selon moi, le reflet de la vérité se trouvait dans la prunelle de nos yeux mais aussi et surtout la réalité. Cette réalité qui sortait, transpirait des yeux de son possesseur. Bien souvent à travers un regard nous avons la possibilité de connaitre l'histoire d'une personne. Eh bien là c'est ce qu'il se passait. Au lieu d'y trouver des prunelles flamboyantes de colère comme je m'y attendais, je trouvais des yeux détruits et inondés par une mince couche d'humidité qui peinait à s'échapper. Je ne vis pas haine et colère mais bien vide, tristesse et de désarroi. J'avais sous les yeux le reflet de ma personne lorsqu'il m'arrivait de me regarder dans la glace. Un doux mélange d'égarement et de mélancolie mêlé à une haine profonde envers ce monde dans lequel je ne trouvais pas ma place et qui ne voulait pas de moi.

CondamnéWhere stories live. Discover now