4

2.7K 288 6
                                    


Nous sommes vendredi soir. Et à ma grande surprise papa rentre du boulot plus tôt que d'habitude, alors que je viens de terminer la préparation du diner.

Mon visage s'égaye d'un large sourire et je me précipite vers l'entrée pour l'accueillir. J'attrape le porte-document qu'il tient entre ses mains et je l'enlace dans mes bras.

J'adore son odeur, je me sens tellement en sécurité quand il est là.

Il me sourit après avoir déposé un baisé sur ma chevelure.

— Comment tu vas ma puce? Me demande t-il en frottant mon dos de sa large main.

— Très bien. Tu m'as manqué papa.

Mon père m'observe, je perçois une forme de regret dans ses yeux. Mais je ne veux pas le rendre plus malheureux qu'il ne l'est.

— Dépêche toi de me rejoindre. J'ai preparé des spaghettis à la bolognaise.

Je lui lance en m'éloignant vers la cuisine.

Papa dépose sa veste sur le porte-manteau, il se débarrasse de ses chaussures puis il me suit sans un mot.

Minutieusement il lave ses mains dans l'évier de la cuisine. Et je le fixe du coin de l'oeil.
Il frotte le bout de ses doigts comme il doit le faire avant d'opérer ses patients.

Je l'admire mon papa. Parce que chaque jour, il fait de belles et grandes choses.

Il s'asseoit autour de la table. Toujours à la même place. Celle qui donne face au frigo.

Je le vois s'attarder sur la photo de maman. Et son regard se glace. Il inspire profondément.

Je le regarde impuissante.

Deux ans après, il ne parvient pas à aller mieux.

— Voilà pour vous Docteur Maillard.

J'emprunte une voix joyeuse en lui servant des spaghettis.

Il me sourit de nouveau en portant ses beaux yeux verts sur moi.

— Merci ma chérie.

Je me sers à mon tour avant de m'installer en face de lui.
Cela fait trois jours que nous ne nous sommes pas vus. La dernière fois c'était mercredi matin, pendant le petit déjeuner et il n'avait même pas pu boire le café que je lui avais préparé, car une opération urgente s'était programmée à la dernière minute.

— Comment s'est passé cette semaine de cours? Me demande t-il en s'y intéressant vraiment.

— Parfaitement. Monsieur Hernandez m'a confirmé que l'année prochaine je l'aurai bien en professeur principal. Je suis très contente.

— Tu sembles vraiment apprécier ton professeur. S'anime mon père.

Et bien plus. Monsieur Hernandez est un homme génial, et savoir que c'est vers lui que je devrais me tourner pour toutes les questions que je me poseraient, me remplie de joie. Mon année de première semble prendre la meilleure des voies.

— J'aimerai bien que tu le rencontres un jour. Il aurai aimé faire ta connaissance lors de la rencontre parents-professeurs.

— J'y assisterai l'année prochaine. Je t'en fait la promesse Noémie.

Papa me dit ça avec sérieux alors je le crois. J'aimerai bien qu'il entende des éloges me concernant, peut être qu'après ça il me considèrera davantage et qu'il aménagera du temps pour moi.

Enfin.

— Oh fait ! J'espère que tu n'as pas oublié le mariage du père d'Agathe samedi prochain.

Mon père se fige. J'ai l'impression qu'il a oublié.

— C'était pas prévu en juillet?

— C'est bien ça. Nous serons en juillet la semaine prochaine.

Papa repose sa fourchette et crispe son visage.

— Quelque chose ne va pas?

— Je suis de garde ce samedi. Je risque de terminer tard ma puce.

Je ne parviens pas à dissimuler ma déception. Papa le remarque.

— Je sais que tu tenais à ce que je sois présent Noémie. Me dit il en posant sa main sur la mienne.

Bien sur que je voulais qu'il vienne. Pour une fois qu'on allait faire quelque chose ensemble. J'étais fière d'enfin le presenter à Agathe et à son père.

Nicolas m'a déjà vu des dizaines de fois, alors que mon père n'a jamais dégagé du temps pour rencontrer ma meilleure amie.

Et puis pour couronner le tout, Agathe sera surement au bras de Mathis. Et j'ai bien peur de me retrouver seule.

Savoir que papa allait être présent m'encourageait beaucoup.

Sans lui, j'ai peur.

— C'est pas grave.

Je lâche ça en me levant alors que mon assiette est en partie pleine. Je me dirige vers le plat de spaghetti et vide le contenu de mon repas dedans.

Mon père m'observe sans un mot.

Il me fait de la peine.

Mais moi aussi j'ai mal au coeur.

— Tu sais papa...

J'ai toute son attention.

— Tu ne peux pas être triste toute ta vie. Il va falloir que tu t'obliges à être heureux.

Il reste silencieux et m'observe remplir le lave-vaisselle.

— Je pense que tu devrais refaire ta vie toi aussi. Trouver une femme et donner un sens à ta vie.

Je ne sais pas par quel courage je suis parvenue à lui dire ça.

— Je n'en ai pas la force Noémie. Finit il par avouer en fixant la photo de maman.

Je m'approche de lui et l'enlace avec émotion.

— Tu dois vivre papa. Il faut que tu le fasses. Je ne peux plus supporter de vivre avec un père à demi-vivant.

Je sais que mes paroles sont dures mais deux ans...

C'est beaucoup trop long.

J'attrape le visage de mon père et le fixe avec sérieux.

— Je veux te voir rire à nouveau papa. Tu me manques terriblement.

Je vois ses yeux s'inondaient de larmes mais aucune ne coule. Papa déglutit puis il me caresse la joue en souriant douloureusement.

— Tu es bien la fille de ta mère. Elle m'aurai adressé les même paroles.

Je souris à mon tour sans le lâcher du regard.

— Promet moi de faire un effort papa? Un effort pour être heureux.

Mon père prend le temps d'y réfléchir et puis il hoche la tête.

— Je le ferai pour toi Noémie. Parce que je t'aime inconditionnellement.

Ses paroles me font un bien fou. Je dépose un baisé sur sa joue avant de foncer vers le frigo pour en sortir un plat de tiramisu.

— J'ai préparé votre dessert préféré Docteur Maillard.

Je pose sur la table le dessert à la saveur café et lui en découpe une part.

Mon père attrape l'assiette que je lui tend et n'attend pas que je sois assise pour dévorer sa part de tiramisu.

— Alors? Je lui demande avec intérêt.

— Très mauvais. Lâche t-il en grimaçant.

Je me fige.

Et rapidement, il éclate de rire.

— Je plaisante. Il est délicieux. Je ne sais même pas ou tu as appris à cuisiner ma puce. Entre nous deux, tu es de loin la plus talentueuse.

Je ris à mon tour, avec soulagement. Que c'est agréable de le voir rire.

Oh papa je t'en supplie, sois heureux ! Sois le pleinement...

Noémie - A jamaisWhere stories live. Discover now