𝚂𝙸𝚇

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\𝚒.𝚗ɛ.𝚏𝚊𝚋𝚕\ 𝙸𝚗𝚎𝚏𝚏𝚊𝚋𝚕𝚎
(ajd.) Qui ne peut être décrit par des mots en raison de son intensité ou de sa complexité.

EGON
Par le passé

Canning Town, Angleterre, septembre 2008 (14 ans)

— Juste... Je t'en supplie, juste arrête.

Je lui arrache la seringue des mains tout en retenant le déferlement de mes larmes.

— Tu vas mourir si tu continues de...

— Mourir, c'est ma seule issue.

Cecylia, ma sœur est assise sur le canapé miteux de notre appartement. C'est toujours le même habitat, toujours le même putain de placard qui me rappelle qu'elle m'y a toujours enfermé.

Je me souviens de la première fois qu'elle m'a isolée dans cette pièce obscure.

J'avais tellement peur.

J'ai peur du noir.
J'ai toujours eu peur des ténèbres que portent ce monde et elle le savait.

Elle le savait et ça ne l'a pas empêché de me laisser crever dans ce putain de placard à chaque tombée de nuit.

Mais que faire lorsqu'on aime si fort une personne qu'on est déchiré entre l'envie de la blâmer pour chacune de nos peines et celle de la prendre dans nos bras, lui informant que, malgré le mal causé, on l'aime toujours ?

— Si tu meurs, je ne te le pardonnerai jamais. Tu comprends ça ? Jamais.

Pantelante, elle dit après deux inspirations difficiles :

— Je n'arrive plus. C'est comme si quelque chose me poussait à en finir maintenant. Il faut que...

Subitement, elle se redresse et se jette sur moi. On aurait dit le diable quand ses ongles griffent mon visage. Ses doigts agrippent la chair de mon visage, précisément mes joues et elle tire si bas que je crains qu'elle me dévisage pour toujours. J'éloigne la seringue de sa portée et cette fois, sa main attrape mon pull qu'elle tire vers elle.

Je viens à peine de rentrer de la boulangerie que je dois contenir les pulsions de ma sœur.

— Donne- moi ça ! Donne-moi ça putain !

Son autre main libère mon visage et j'aurais parié qu'elle était sur le point de me crever les yeux si son attention ne s'était pas portée sur la dose d'héroïne.

Comme je l'ai toujours fait, je laisse retomber la seringue par terre et à son habitude, elle tente de s'abaisser pour la prendre sauf que j'entoure son corps de mes bras, la pressant contre moi.

Elle me frappe et me griffe, mais je sais qu'elle finira par s'épuiser.

Elle finit toujours par s'endormir. Je sens cet instant s'approcher quand son cœur tambourine lentement contre le mien et que ses coups sont moins brutaux. Elle renifle une multitude de fois et l'instant suivant, j'ôte de la poche arrière de mon pantalon une nouvelle seringue contenant un sédatif.

— Je suis si fatiguée, Egon.

Je sais.
Je suis fatigué, moi aussi.

— Je veux dormir, pleure-t-elle dans mes bras. Je veux dormir pour toujours.

C'est le signal.

Je glisse l'aiguille dans sa chair et lui injecte le sédatif.

— Je suis tellement désol...

Le volume dans sa voix diminue à mesure que les mots s'échappent de ses lèvres et que son corps pèse plus lourd dans mes bras.

Je la porte jusqu'à sa chambre, dans le lit à même le sol et l'y allonge délicatement, glissant la fine couverture sur son corps amaigri par ses consommations.

BURST HEARTSWhere stories live. Discover now