Rentrée 1944

61 12 0
                                    

Les classes ont pu réintégrer l'école du boulevard Victor Hugo. Je suis chargée du CE1 ; quelle joie de retrouver mes petites du CP de l'année précédente ! Une vraie classe maintenant puisque les familles dispersées sont revenues. La classe à l'angle du boulevard Victor Hugo et de la rue des Écoles est spacieuse, pourvue de larges fenêtres sur deux côtés ; un gros poêle essaie de réchauffer l'atmosphère, malgré la neige qui s'infiltre à travers les planches qui remplacent les vitres cassées lors des bombardements ; le seau de charbon quotidien monté de la cave par la pauvre Mme Petit, la concierge-femme de ménage chargée du chauffage, est vite englouti.

Bientôt il faudra même partager le local avec l'institutrice de la classe de CE2 ; une aubaine pour la débutante sans formation qui profite de l'expérience pédagogique de son aînée qui n'a pas eu la même chance ! Mais il a fallu se serrer, aménager les emplois du temps.

Nous habitons sur le même palier, ce qui nous permet de partager les « plaisirs » d'un hiver très rigoureux, aller chercher de l'eau à 200 ou 300 mètres de l'école en patinant sur le verglas et, de temps en temps, lorsqu'un ticket de rationnement est « honoré », emprunter la brouette du charbonnier Renoult pour transporter les 25 kg de boulets de charbon, remporter la brouette, descendre les sacs à la cave.

Le printemps 1945 amène le retour des papas prisonniers : joies mais aussi perturbations dans les familles ; « C'est qui celui-là ? Il va bientôt repartir ? ».

Le groupe scolaire Roux-Calmette « accueille » bientôt la cantine des filles : une longue table sur tréteaux... Dans le couloir ! Les semelles de crèpe glissent facilement sur le carrelage de grès cérame les jours de pluie. La brave Mme D., plus très jeune, en fait les frais : une chute avec la bassine pleine de purée, le plat principal. Que faire ? Avec la bouche, elle récupère ce qui n'a pas touché le sol... Les enfants doivent manger.

Petit à petit, les conditions vont s'améliorer ; on peut choisir :

« Veux-tu de la salade ou veux-tu un sucre ?

- Ceux qui auront de la salade y z'auront pas de sucre ? »

Pas encore question de diététique !

10 novembre 1939 - InstitutriceWhere stories live. Discover now