Pitié, pas de rat.

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Chapitre 1 à 3 corrigés par  lune-noire ! 

Et Chapitre 1 à 7 corrigés par MarinePtoux !


Impossible. Hors de question. Nada. Niette. Ie. Não. Jamais. Plutôt mourir. Je regardai ma mère, les bras croisés sur ma poitrine puis rivai mes yeux sur mon bol de céréales, espérant secrètement que celles-ci aillaient soudainement lui sauter à la gorge en la menaçant d'une mort imminente si elle obligeait sa fille à se rendre dans cette école. Je battais du pied nerveusement, le carrelage froid de la cuisine glissant sous ma voûte plantaire m'enveloppant d'un sentiment rassurant qui ne suffisait pourtant pas à m'apaiser. Je ne savais pas ce qui me mettait plus mal encore : le silence pesant qui enveloppait la petite cuisine, dont la décoration semblait être restée coincée dans les années soixante dix, ou son regard vert qui pesait sur moi avec mécontentement. Finalement, je finis par éliminer les deux options. Il y avait quelque chose de bien pire. Ses pensées étaient pires que tout.

« - Quand va-t-elle grandir ? Depuis que son père est parti... »

Je tentai de couper net cette voix qui s'imposait à mon esprit alors que ce n'était pas la mienne. Mais je n'y parvins qu'à demi. Les bribes de ses pensées me parvenaient toujours mais de façon tamisées, comme si le réseau était mauvais et que les grésillements constants m'évitaient d'entendre des mots que je trouvais injustes. Ce n'est pas depuis que mon père est parti que je suis bizarre, maman. La phrase me brûlait les lèvres. Je crevais d'envie de tout lui balancer, de lui dire qu'elle avait tout faux. Mais je me contentai de me renfoncer dans ma chaise, mes bras se resserrant un peu plus contre ma poitrine.

Je n'étais pas ainsi à cause du départ de mon père. Non. C'était à cause de ces voix que j'entendais sans cesse. De ces voix qui n'étaient jamais la mienne. Et j'avais fini par admettre l'inévitable. J'entendais les pensées des autres. Heureusement, j'avais aussi fini par comprendre que cette capacité ne se développait qu'après un contact physique. Peau contre peau. Et je m'en sentais incroyable heureuse car je n'aurais clairement pas supporté entendre mon professeur de math fantasmer sur les tenues sexy de Stéphanie Bernard. Je frissonnai d'un dégoût partagé pour l'un et pour l'autre. Autant j'étais partisane de l'idée que chacun devrait pouvoir s'habiller comme il le souhaitait sans qu'un regard déplacé ne vienne se poser sur eux, ou qu'aucun comportement ne soit justifié par une tenue, autant je trouvai le comportement de Stéphanie Bernard tout aussi détestable. Elle n'était pas dupe et usait clairement de ses charmes pour en tirer profit, sans réaliser à quel point elle pénalisait d'autres filles qui, elles, ne souhaitaient clairement pas vivre une telle situation.

Et puis de toute façon, je la détestais tout simplement elle et son teint qui passait du blanc à l'orange foncé du jour au lendemain. Je refoulai une nausée profonde. Je ne savais pas qui avait inventé le fond de teint, mais il aurait dû laisser un mode d'emploi très explicite afin d'éviter que certaines ne se prennent pour un mur à repeindre.

Mes pensées dérivaient, tentant de se focaliser sur toute autre chose. Mais c'était vain. Son nom avait claqué dans mon esprit malgré mes tentatives pour ignorer les pensées de ma mère. Mon père. Cet homme qui avait disparu, alors que je n'étais qu'une gamine, ne me manquait pas vraiment, contrairement à ce qu'imaginait ma mère. Il était vrai que nous avions été proches. Que je l'avais aimé comme toute petite fille adorant son père. Mais il était parti en emportant chaque souvenir, chaque bribe de bonheur, chaque morceau de ce quelque chose qui aurait pu me manquer. Avant de partir, il avait brûlé les photos, prit toutes ses affaires, puis il avait disparu dans la nature. Sans un mot. Pourquoi ? C'était la question que ma mère se posait chaque jour. Ils se disputaient ? Non. La seule fois où je les avais entendus élever la voix, la dispute n'avait duré qu'une dizaine de minute avant qu'ils ne tombent dans les bras l'un de l'autre. Dette de jeu ? Non plus. Mon père passait le plus clair de son temps à la maison et le peu de temps qu'il ne nous accordait pas, il travaillait durement pour nous permettre de mener une vie normale. Pour combler son incompréhension, ma mère disait souvent qu'il était probablement parti avec une femme plus jeune ou qu'il était parti en quête de liberté, que sa vie de famille l'enchaînait à la banalité. Mais je n'avais jamais été convaincue par ces mots. Néanmoins, aucune autre explication n'avait trouvé grâce à mes yeux. Il fallait se rendre à l'évidence, nous ne comprendrions jamais. Et c'était peut-être mieux ainsi.

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