Water Lily

Ou comment se retrouver sur le cul.

Sur le cul. Je n'aimais pas cette formulation un peu trop vulgaire mais très sincèrement ce fut la seule capable de me traverser l'esprit. Ok. Il n'y aurait probablement pas de rats dans ma chambre. Ni de créatures rampantes d'autre nature. Quand le directeur Cernunnos, que j'avais bien du mal à appeler Andrew devant son air imposant et charismatique, m'avait fait franchir les deux grosses portes en bois bien grinçantes. J'avais eu envie de fermer les yeux et de prier le Dieu des céréales pour sa clémence. J'étais persuadée de voir s'étaler devant moi un bâtiment délabré, dans un état plus que pitoyable. Mais pas de morceaux, pas de débris, pas de moisissures. Les murs en brique grise autour de moi semblaient dans le meilleur état possible et étaient décorés avec grand soin.

J'étais restée plantée là une longue minute, la bouche entrouverte et ma voix bloquée au fond de la gorge. Je m'étais vite reprise en remarquant que dans le hall, gigantesque, se trouvait un grand nombre de personnes. Je grimaçai aussitôt. Mes possibles futurs camarades. Ou mes futurs potentiel bourreau. Je me crispai imperceptiblement face à eux et tâchai au mieux de paraître normal. Mais comment l'être en découvrant cet endroit envoûtant ? L'aspect lugubre de l'extérieur tranchait radicalement avec ce que j'avais sous les yeux. Les immenses verrières laissaient passer les rayons du soleil qui venait s'écraser sur ma peau dans une douce chaleur, le décor un peu chargé donnait un aspect assez chaleureux et l'immense escalier appelait à l'exploration.

- Tu n'avais pas imaginé cela, n'est-ce pas ? M'interpella le directeur en me gratifiant, au passage, d'un coup de coude amical qui me fit sursauter. Et détends-toi. Je te l'ai dis, Dacer n'est pas un lycée comme les autres.

- Je veux bien vous croire, murmurai-je en le faisant soupirer par mon vouvoiement.

Je n'osai pas faire le moindre pas, comme si ce que je pensais un cauchemar, quelques minutes auparavant, allait le redevenir si je rompais le charme. Où avais-je mis les pieds ? C'était quoi cet endroit ? En tournant le visage vers la salle, curieuse d'en découvrir d'autres détails, je croisais un regard d'un vert clair et pourtant étrangement sombre. Un garçon, au teint mâte et aux cheveux couleur nuit, me regardait fixement. Je me détournai brutalement. Ne te crées pas d'ennuis dès le premier jour, Keyli. J'expirai nerveusement et ramenai ma tresse bien en avant pour tenter de me camoufler derrière.

Heureusement pour moi, le directeur décida de me sauver tandis que je sentais parfaitement que le regard de ce type restait rivé sur moi. D'un bref signe de tête, il m'invita à le suivre et je le laissai me guider vers le grand escalier que je n'avais pu que remarquer. Rapidement, il m'indiqua différents couloirs me menant exclusivement aux chambres des élèves de Dacer. Je dus donc me rendre à l'évidence. Le château n'était que le dortoir. Cette immense bâtisse n'était que le dortoir. A quoi allait ressembler l'établissement scolaire en lui-même ? Je n'étais pas certaine d'être impatiente de le découvrir. Mais je dus réaliser un autre détail. Un minuscule autre petit détail. Un dortoir commun. Un dortoir qui n'était pas séparé. Un dortoir où filles et garçons se mélangeaient. Ma mère savait-elle cela ? J'en doutais très sincèrement. Quoi que. Elle aurait pu être capable d'approuver une telle décision pour sa chère petite-fille bien trop réservée.

Le directeur de Dacer. Enfin. Andrew. Finit par m'expliquer que le bâtiment dédié aux cours se trouvait un peu plus loin dans la forêt et m'affirma ainsi qu'il me le ferait visiter ultérieurement. Sa priorité actuelle étant de me conduire à ce qui serait ma chambre pour les prochains mois de ma scolarité. Après plusieurs étages gravis, il se stoppa donc devant une porte en bois, assez similaire à celle de l'entrée. Il me tendit une petite clé rouillée qui cadrait bien plus avec l'idée que je m'étais fait du lieu. Elle semblait aussi vieille que le château lui-même et je fus surprise de sa lourdeur une fois qu'il la logea dans le creux de ma paume.