Qu'est-ce que je suis ?

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J'ouvris péniblement les yeux, un mal de crâne tonitruant battant contre mes tempes. Jamais je n'avais eu la chance de pouvoir estimer à quel point le cerveau était sinueux, mais j'en avais un avant goût cuisant. Tout bas, je maudis toute personne ayant fait de moi une humaine plutôt qu'une quelconque créature ne possédant que quelques cellules grises. Je me redressai avec difficulté, me hissant sur mes coudes alors que mon esprit vaseux résumait mon état d'esprit général. La dernière chose dont je me souvenais était une douleur violente parcourant la totalité de mon corps. Mais là rien. Hormis le mal de crâne mon corps était dès plus léger.

Tout à l'inverse, je me sentais étrangement forte et apaisée. C'était un sentiment déstabilisant quand, quelques minutes auparavant, je me sentais juste comme une pauvre petite chose fragile, dévorable à la première occasion. Je ressentais chaque chose autour de moi avec une précision surprenante. Le vent à peine perceptible glissait sur mes doigts, chauds et humides. Au loin, j'entendais le martèlement de sabots, couplé à une odeur peu définissable. Ni agréable, ni désagréable. Rien de familier. Peut-être y avait-il un cerf dans les environs ? L'image de l'animal se formait très clairement dans mon esprit, m'affirmant que ma supposition était la bonne. Tout s'imposait à mon esprit dans une clarté effrayante.

Un peu plus nerveuse, je finis par remarquer quelque chose qui, jusque là, ne m'avait pas interloqué plus que le reste. Pourtant j'aurai dû m'en alarmer. Je n'étais plus dans le château. J'écarquillai les yeux à face à l'étendue bleutée  qui s'offrait à moi, se déployant majestueusement dans tout mon horizon. Du sable sous mes pieds. Un ciel bleu qui s'étendait à perte de vue. Ou en somme, la définition même de la pensée qui claquait seulement dans mon esprit : « pas le château du tout ». Je levai les yeux au ciel, suppliante, priant le Dieu des céréales de sa clémence. Qu'est-ce que je faisais ici ? Comment étais-je arrivée ici ? La panique me gagnait. Et si le coquatrix était parvenu à m'enlever ? Non. Cela n'aurait aucun sens. Pourquoi m'emmènerait-il sur une île paradisiaque ? Mais d'ailleurs. Où étais-je concrètement ? Dans mon dos, une large forêt verdoyante. Devant moi, l'océan. Voilà tout ce que je savais. Voilà tout ce qui pourrait m'indiquer quelque chose. Je me mordis la lèvre violemment. J'étais perdue au milieu de nul part.

- Redresse-toi, Keylinda.

Je sursautai lorsque cette voix résonna dans mon dos, déboulant soudainement dans mon champ de perception. Je bondis sur mes jambes, méfiante. La voix ne m'était aucunement familière. Et me confirmant mon inquiétude l'homme qui me fit face m'était parfaitement inconnu. Je fronçai les sourcils, reculant prudemment quand il esquissa le mouvement de s'avancer. Il se stoppa aussitôt, m'adressant un vague sourire se voulant rassurant.

Je le détailla attentivement. Plus âgé que les marqués que j'avais déjà rencontrés, j'estimai malgré tout qu'il en était un. Pourquoi ? Ses longs cheveux blonds tombant en cascade ondulés sur ses épaules. Et ses immenses yeux vert qui me fixaient trop intensément, me donnant une sensation que je commençai à saisir : il lisait en moi.

- Tu commences à comprendre le fonctionnement de notre magie, affirma-t-il en souriant un peu plus encore.

- Qui êtes-vous ? Interrogeais-je, crispée. Et surtout, où sommes-nous ?

- C'est à toi qu'il faut poser la question. C'est toi qui as choisis cet endroit.

- Moi ? Fis-je, surprise.

- Nous sommes dans un de tes rêves, m'affirma-t-il dans un hochement de tête négligé. Si tu souhaites changer de décor, c'est à toi d'en décider.

Pendant une courte seconde, j'eus envie d'éclater de rire au nez de ce type. Il était cinglé. Mais le rire s'étouffait avant de naître. Comme je l'avais pensé d'Andrew. Les choses qui me semblaient folles étaient bien trop souvent réelles pour que je ne me permette de me moquer de cet homme. Je soupirai, contrite. Alors ceci n'était qu'un rêve ? J'aurai dû en éprouver un sentiment de soulagement, mais ce n'était pourtant pas le cas. Je me laissai retomber au sol, m'asseyant lourdement dans le sable chaud. Tout se bousculait. Je ne savais plus où s'arrêtait la réalité et le rêve, ne parvenant toujours pas à me faire à l'idée que tout ceci n'était pas qu'un gigantesque cauchemar.

Water LilyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant