Epilogue

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La douleur. Un mot que beaucoup pensent comprendre. Qu'on pense tous avoir ressenti au moins une fois dans notre vie. Mais ils avaient tort. Moi aussi j'avais eu tort de croire que je connaissais ce mot. Bien sûr, je m'étais déjà cassée quelques doigts durant mon enfance. Bien sûr, j'avais connu le plaisir du harcèlement scolaire qui avait suscité une souffrance profonde. Bien sûr, j'avais connu la souffrance de la disparition d'un proche. Une disparition involontaire avec le décès de ma grand-mère. Et pleinement volontaire pour mon père qui avait fait le choix de nous abandonner. Mais j'avais eu tort. Tort de croire que tout ceci suffisait à me rendre apte à donner une définition de ce mot.

Je me mordis la lèvre, jusqu'au sang, le goût du liquide envahissant ma bouche sans que je ne m'en alarme. Mon esprit torturé ne pouvait se concentrer sur une si petite chose, une chose si insignifiante qu'était ma lèvre ouverte. Les jours se confondaient. Je ne savais plus depuis combien de temps j'étais là. Peut-être un mois. Peut-être plus. Peut-être moins. Je ne savais pas. Je savais juste que chaque jour se ressemblait. Que chaque jour la douleur devenait de plus en plus insupportable.

Mon regard se perdit devant moi, ne rencontrant qu'un mur de brique grisâtre et sombre. Aucune fenêtre. Aucun rayon de lumière naturelle. Pas d'issue. Pas d'échappatoire. Juste un mur froid et uniforme. Je tournai vaguement la tête pour rencontrer le regard du démon qui se tenait dans un coin de ma cellule. Il ne se salissait jamais les mains mais assistait systématiquement à mes « séances ». Mes yeux, ternis, le regardaient sans expression, sans émotion. Ni colère. Ni haine. Le vide les avait envahis depuis longtemps désormais. Peut-être dès l'instant où il avait refermé la porte de ma geôle, le premier jour. Depuis que j'étais dans l'ignorance de savoir si Maël était vivant ou non. J'étais convaincue qu'il ne l'était pas mais une part de moi se refusait à y croire.

La haine revint étinceler dans mon regard. C'était lui. C'était lui qui l'avait tué.

- Je constate que tu n'es pas encore totalement brisée, souffla-t-il, son sourire s'étendant sur ses lèvres. Je suis assez impressionné, peu de nos invités ont été apte à supporter tout ce que tu as encaissé.

Je ne répondis pas. Je n'avais plus parlé depuis plusieurs jours à ces hommes. Je n'en voyais plus l'intérêt, ce n'était que les motiver un peu plus à me torturer. Une fée aux ailes rouge sang posa sa main sur mon front et je me cambrai sur la chaise où j'avais été attachée. La vague de douleur me submergea sans surprise. Elle descendit sournoisement, déversant dans tout mon corps une sensation, brûlante, vive, déchirante. C'était comme si une centaine d'aiguilles, que l'on venait de faire chauffer, s'enfonçaient en moi. Elles brûlaient ma peau, la transperçaient, entraient dans mes veines pour en faire bouillir le sang. Et je perdais systématiquement pied en quelques secondes, ne réalisant même plus lorsque je commençai à tressauter dans des spasmes violents.

- Tu n'es toujours pas disposée à nous dire ce que nous voulons savoir ?

Aucun son ne sortit de ma bouche hormis un gémissement de soulagement lorsque les mains de la fée s'écartèrent de mon front. La sensation disparaissant dès qu'elle s'écartait. Mes dons s'activèrent, tentant de limiter les dégâts mais j'étais trop faible. Sans que je ne comprenne pourquoi, mes dons semblaient bien moindres dans ce lieu. J'étais même incapable d'user des quatre éléments. Je parvenais tout juste à me soigner et à pratiquer une vague télépathie mais elle me demandait trop d'énergie quand je devais, sans cesse, me soigner.

- On arrête pour aujourd'hui, souffla le démon, agacé. On recommencera demain.

- Bien, maître, répondit la fée dont le visage terne n'avait jamais exprimé la moindre pitié à mon encontre. Je suis à votre disposition si nécessaire.

Water LilyWhere stories live. Discover now