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Cellule 276,

Centre Le Panthéon.

Le temps passe, mais je sais que cela va durer encore un certain temps, alors, je prends mon mal en patience et m'occupe... Comme je peux. Je suis, pour le moment, dans une cellule depuis 4 ans. Jusqu'à la semaine dernière, je n'étais pas seul, j'avais un co-locataire correct et sympa, mais son audience est passé, et il a été disculpé. Ravi pour lui... Pour me distraire et parce que je ne sais pas trop quoi faire, j'éprouve le besoin d'écrire. Alors, j'écris mes journées :

Il n'y a rien à faire...

Chaque jour ici est terne, plat... Je ne pourrais même pas décrire cela comme un jour de vacances.

5 heures : un gardien vient voir si nous sommes toujours en vie, parfois je m'amuse à ne pas bouger pendant quelques minutes, jusqu'à ce qu'il me caillasse et que ça me fasse mal, pour me faire réagir.

6 h 30 : on nous dépose au sol, un plateau, chargé d'un bol d'eau chaude, accompagné d'un sachet mélange café + chicorée qui nous est distribué, la veille.

Parfois, le dimanche, nous avons droit à du chocolat et de la confiture, pour parfumer notre pain. C'est aussi ce jour là, que nous donnons nos courriers et bons de commandes externes, si nous en avons. Je n'en fais pas passé souvent, seulement quand je sais que mon seul ami, vient me voir.

Trois fois par semaine, c'est la douche. Les autres jours, c'est la toilette, le plus souvent avec l'eau chaude que je récupère de mon bol d'eau chaude chaque matin... En cellule, nous n'avons que de l'eau froide, que nous pouvons chauffer à l'aide d'un réchaud, mais je préfère économiser ce que j'ai pour des repas chauds.

Je suis toujours opérationnel à 8h, alors, je commence à lire, le même livre depuis 4 ans, puis j'écris...

Le midi, je fais un tour à la cantine, mais mange dans ma cellule, et de temps en temps, vers 14h, je m'autorise une promenade dans la cour.

Comme mes journées ne sont pas excessives, ma fatigue ne se fait pas ressentir, mais à 19h, une fois mon repas pris, je me couche, pour recommencer la même journée le lendemain...

#Jour1460

***

Aujourd'hui n'est pas un jour comme les autres. Enfin une journée où le cours de ma vie risque de changer, même si ce n'est pas quelque chose d'extraordinaire, cela va me permettre de couper cette routine journalière.

A 10h ce matin, j'ai rendez-vous avec Mr Vigor qui est le Directeur Général de ce centre pénitencier et Maître de Balzac qui est un avocat très réputé en Île de France. Ce rendez-vous m'a travaillé toutes les nuits depuis qu'on me l'a annoncé. J'ai peur de ce que l'on va me dire, pourquoi un entretien ? Pourquoi avec un avocat ? Je n'en peux plus de cet enfer, j'ai tenu jusque là, mais si jamais une autre tuile vient à m'arriver... Je pense arriver au bout de mes limites et je ne sais pas comment je pourrais réagir.

Ce sentiment d'injustice qui m'envahissait de jour en jour depuis ces quatre années c'est transformé en lassitude, je n'ai plus la force de me battre. Je n'ai pas ma place ici et personne ne semble en avoir conscience. Mes potes de l'époque on bien essayé de me sortir de ce pétrin mais aucun n'étant présent le soir du drame, leurs témoignages comme quoi "je suis un bon gars malgré mes dérapages en terme de marijuana ou vol de bagnoles" n'ont pas était pris en compte et le temps a fait son job, petit à petit, à force d'échecs, j'ai eu de moins en moins de nouvelles, puis plus du tout. Chacun a repris le cours de sa vie et je ne peux pas leur en vouloir de ne plus tenter de se battre dans le vide.

Mes parents ont été tués alors que j'avais 5 ans dans le crash du jet familial. Ils étaient les riches propriétaires de Harrys & Co, dont les parts ont été racheté par les parent de mon meilleur pote avec qui ils avaient monté l'entreprise de textile si reconnue dans les pays d'Europe, et seul leur fils me rends désormais visite hebdomadairement.

Ce fric qui m'a été reversé au rachat des parts, je m'était juré de ne pas y toucher pour mes conneries, il est bien au chaud et aurait dû me permettre de me financer une baraque plus tard, lorsque j'aurais eu fini mes études d'architecte.

Mais voila ...

Depuis lors, j'ai été balancé de foyers en foyers, des "familles" que, seul le fric donnait par l'Etat pour recueillir un môme pommé intéressait. Je n'ai jamais reçu le moindre signe d'affection de leur part, le moindre encouragement, que dalle, au contraire. Je me souviens notamment de la famille CONRAD, dont le mari, alcoolo, me tabassait dés que j'avais le malheur d'ouvrir la bouche. Pas étonnant avec une telle éducation que j'ai déraillé comme un connard durant mon adolescence. J'imagine que la roue tourne, que les merdes que j'ai pu faire avant, je les payent maintenant, d'une certaine manière je n'ai que ce que je mérite ... Comme on me l'a souvent répété dans ces familles, "je ne suis qu'un bon à rien", je suppose qu'ils avaient raison ... et je n'ai plus la force de lutter.

***


9 heures et 55 minutes,

Le gardien arrive tapant de sa barre de fer sur les barreaux de ma cellule.

-" DEBOUT LA DEDANS !"

-" Je ne suis pas SOURD !" je lui hurle en retour.

-" Un problème Harrys ?" me dit-il en braquant sa longue tige de ferraille vers moi.

Son regard est haineux, il doit être blasé de tout ce qu'il peut voir ici, alors je ne le provoque pas plus, je sais que tous ces gars se feraient le plaisir de nous cracher à la gueule si ils en étaient autorisés. D'ailleurs, ça ne m'étonnerait pas que cette situation ne soit pas déjà déroulée. Je passe devant lui, me prenant un coup dans les omoplates pour avancer plus vite. Je plie sous la douleur mais l'habitude ne me fait pas flancher, je me tiens les côtes et continue d'avancer. Il se place derrière moi, et me menotte des pieds aux mains comme si j'étais le pire des assassins se rendant dans le couloir de la mort.

Enfoiré...

Nous longeons ce long couloir blanc, que je n'ai emprunté qu'une fois dans ma vie, depuis le jour de mon incarcération. Le gardien frappe à grands coups contre une porte. Celle du directeur.

-" Faites le entrer"

-" Tiens, apparemment je suis attendu..." dis-je d'un sourire narquois, qui ne fait qu'envenimer encore plus le maton à mes côtés.

-" Ferme là Harrys !"

Il me pousse d'une force que je ne lui avais pas encore mesurée.

Ouais, je l'ai bien cherché celle là.

Propulsé la tête en avant, j'atterris brutalement sur mes genoux, le nez ensanglanté et mes côtes de plus en plus douloureuses,dans cette pièce, face à trois personnes : Vigor, le boss de la taule, un grand costaud bien taillé en costard, sûrement l'avocat, puis... ELLE.




Temptation Where stories live. Discover now