12 # L'école pour tous

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Depuis tout petit, j'ai toujours suivi un parcours scolaire « normal », c'est-à-dire dans des établissements publics avec des élèves tout à fait lambda. Bien que ma pathologie, dégénérative, aurait dû poser plus de problèmes vers la fin de ma scolarité qu'au début, cela n'a pas du tout été le cas : à chaque époque ses épreuves.

Mes parents ont dû faire face à de nombreux soucis, parfois matériels, parfois logistiques, mais souvent affligeants. Ils n'ont jamais cédé à la tentation de la scolarité à domicile, et ont toujours tenu à m'incorporer dans un modèle de vie que n'importe quel gamin a en temps normal.

Tout a commencé lorsque j'ai eu l'âge d'entrer en petite section de maternelle. À ce moment-là, j'avais à peu de choses près les mêmes « capacités physiques » que les autres enfants, à ceci près qu'il était tout de même nécessaire que je bénéficie d'une attention particulière car j'étais bien évidemment plus sujet à des accidents, comme des chutes par exemple. Ma bonne vieille ville d'Auvers-sur-Oise, se voulant parangon de culture simplement parce que Vincent Van Gogh y est mort (en ayant vécu seulement trois mois, et pourtant les cars de Chinois vous donnent l'impression qu'il y a passé toute sa vie et que la commune entière est encore imprégnée de sa présence), a signifié à mes parents que ma venue dans la maternelle nécessitait trop d'attention pour moi seul par rapport au nombre d'employés... et j'ai donc été purement et simplement recalé ! Comme quoi, même en bas âge, on peut se faire tej ! Mon père travaillant, ma mère a donc été obligée de m'emmener dans l'école maternelle qui m'acceptait la plus proche, à 15 km. Chaque matin et chaque soir elle se coltinait le trajet, cumulant perte de temps et dépenses en essence. Je me demande aujourd'hui comment elle a fait pour ne pas se débarrasser de ce problème en me jetant dans l'Oise...

J'ai fini ma maternelle sans me retrouver au fond de la rivière, et l'étape suivante a donc été l'école primaire. D'entrée, il y avait un hic : pour accéder aux classes, les élèves étaient obligés de passer par des escaliers extérieurs au bâtiment. Non seulement il n'y avait pas d'ascenseur, mais en plus de cela, les marches étaient dépourvues de rampes. Mes parents ont donc fait la demande auprès de la mairie pour qu'une adaptation soit effectuée. Pas quelque chose de grandiose, absolument pas : il me fallait juste une simple rampe pour que je puisse utiliser les escaliers en toute sécurité. L'école primaire, ça dure cinq ans si on ne redouble pas. Devinette : combien de temps a-t-il fallu à la mairie pour installer une rampe ?

Le temps que je finisse ma classe de CM2 ! Et oui, après tout, j'étais le seul élève handicapé, c'était pas un petit morveux boiteux qui allait commander une installation pour lui tout seul. Ce n'était pas comme si cela pouvait s'avérer utile pour le commun des mortels, que ce soit du personnel un peu âgé ou même d'autres enfants. Mais bon, trêve d'ironie ! Ramenons les choses au réel cœur du problème : l'argent. Après tout, une rampe ça coûte extrêmement cher pour une ville qui jouit d'un tourisme attractif. Ça doit chiffrer dans les... je ne sais pas, 200, 500 € peut être ? Bordel de merde, une simple barre de fer fixée au mur aurait suffi, mon propre père aurait pu l'installer lui-même en moins de deux heures !

La petite ironie de l'histoire, c'est que je n'ai même pas fini ma classe de CM2 dans l'établissement puisqu'à mon 11e anniversaire, je me suis fait opérer des pieds et j'ai donc fini ma scolarité à domicile pour les quatre mois qu'il restait. Mais c'est à ce moment-là que la municipalité a enfin jugé nécessaire d'installer ce que je réclamais depuis presque cinq ans. Tu parles d'un temps de latence...

L'étape suivante fut le collège, et pour le coup, l'établissement répondait aux normes. Il faut dire qu'il venait à peine d'être bâti, ce qui explique probablement son accessibilité. Ceci dit, il y a des rames de métros qui ont été construites encore plus récemment et qui ne disposent pas d'ascenseur, donc je suppose que le caractère récent n'est pas une explication toujours valable. Du coup, on va vite passer sur ses quatre années de collégien.

Confessions InfirmesWhere stories live. Discover now