14 # La mule

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On a tous au moins une fois dans notre vie été contrôlé par des gendarmes ou des policiers, que ce soit dans un véhicule ou même à pied. Ça m'est personnellement arrivé plusieurs fois, notamment quand j'étais plus jeune. Et oui, il y a les contrôles au faciès, mais il y a aussi les contrôles à l'âge, surtout quand les jeunôts sont suspectés simplement parce qu'ils ont une longue tignasse de cheveux, voire pire, des dreadlocks (cliché, quand tu nous tiens...).

Avec mes potes, comme chaque vendredi ou samedi soir, nous nous rendons dans notre habituel et charmant pub pour y boire abondamment afin d'oublier notre terrible quotidien d'étudiant de 20 ans. La route pour aller au troquet est toujours la même, incontournable car c'est la seule à enjamber l'Oise sur des kilomètres à la ronde. C'est évidemment le spot parfait pour la flicaille qui veut faire du chiffre en se postant entre une heure et cinq heures du matin pour contrôler tout ce qui passe.

On va pas se mentir, mes amis et moi aimons bien partager quelques cônes de ganja, en plus des divers cocktails dont nous nous abreuvons toutes les soirées. Forcément, le retour au bercail est toujours un peu dangereux, mais bon, comme dit mon ami Joe, la voiture elle connaît la route ! OK, OK, je l'admets, ce n'est pas forcément exemplaire de raconter ça, seulement ce serait mentir que de ne pas narrer les choses ainsi.

À cette époque, je marche avec une canne, mais il faut préciser que depuis mon opération dont j'ai parlé dans une confession précédente, je porte des attelles à l'intérieur de mes chaussures qui m'aident à maintenir mon pied dans un certain angle. Ces attelles sont très basiques, en plastique, absolument pas gênantes ni difficiles à mettre. Ceci dit, vous connaissez la chanson : tout ce qui sort de l'ordinaire peut vite passer pour quelque chose de délicat, d'embêtant, etc. La plupart du temps, c'est à mon détriment. Mais parfois, cela peut devenir un avantage...

C'est un samedi soir comme les autres, et il est trois heures du matin. Nous sommes six jeunes majeurs complètement saouls (le capitaine de soirée l'est moins, m'enfin il ne vaut mieux pas quand même qu'il souffle dans le ballon !), et nous avons tous des looks de hippies sauvages avec nos cheveux longs et nos fringues complètement destroy. Et en plus de ça, pour faire profil bas un maximum, les enceintes de la vieille ZX crachent à fond du bon vieux System of a Down.

Nous empruntons la longue route qui coupe à travers champs et tout en chantant comme des gros tarés (THEY'RE TRYIN' TO BUILD A PRISON THEY'RE TRYIN' TO BUILD A PRISON THEY'RE TRYIN' TO BUILD A PRISON FOR YOU AND ME TO LIVE IIIIIIIN) et au loin, nous apercevons une voiture qui nous fait des appels de phares. Nous nous arrêtons à hauteur du véhicule, et le conducteur à l'intérieur baisse sa vitre pour nous avertir : « les mecs, il y a des poulets au carrefour, je vous préviens, ils arrêtent toutes les bagnoles. Si vous avez quoi que ce soit, balancez-le ! » nous avertit-t-il en bon samaritain sorti de nulle part, tel un miracle salvateur.

Salvateur car non seulement nos veines et nos poumons sont sacrément chargés, mais en plus de ça, il nous reste largement de quoi nous faire arrêter. Que faire, que faire... quelqu'un propose de tout planquer dans le soutif de la seule fille qui est avec nous, mais on se rend vite compte que ça ne sert à rien car il y a beaucoup trop à planquer. Les pochons sont limites plus gros que ses seins (et ce n'est pas une planche à pain ! (et non il n'y aura pas de photo...)). J'ai alors une idée, très modestement, de génie.

Plus haut je vous ai décrit mes attelles que je porte aux pieds à cette époque-là. Les chaussures que j'ai sont de deux pointures au-dessus de la mienne, ce qui fait qu'il y a un espace entre mes orteils et le bout. Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison que mes attelles ne rentrent pas dans toutes les chaussures, et que le modèle que je voulais (des chaussures de skate Emerica brunes desquelles je suis tombé amoureux en les voyant) m'avait forcé à l'achat à prendre deux tailles au-dessus pour que je puisse y faire rentrer mes releveurs en plastique.

Confessions InfirmesWhere stories live. Discover now