Chapitre 5 : « Très belle rencontre »

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Aujourd’hui, je me réveille avec la gueule de bois et j’enfile une tenue attrapée au pif dans mon armoire. Vous voyez, il y a les gens qui se saoulent et ont la gueule de bois le lendemain, et il y a les gens qui se saoulent mais se lèvent en pleine forme le lendemain. Et puis, il y a moi, qui ai la gueule de bois sans même avoir bu. Tous les matins. Triste vie.

J’allume mon portable et remarque que j’ai un message. Hm, suis-je populaire ?
Possible, possible...

Numéro inconnu : Slt ! Ça va ?

Soit cette personne s’est trompée de numéro, soit cette personne me connait sans que je la connaisse (et il y a de quoi s’inquiéter dans ce cas). Ou alors, elle me connait mais je l’ai oubliée, du coup je ne la connais pas alors que je devrais la connaître.

Du bruit insupportable me tire de mes pensées. J’entends Roméo, Angel et Yukino rire et crier. C’est sans émotion apparente que je sors de ma chambre et regarde la scène qui se déroule sous mes yeux. Il n’y a que ma famille pour faire un truc pareil de bon matin. Des raquettes dans la main, mes frère et sœurs jouent au tennis de table (ou ping-pong si vous préférez) dans toutes les pièces de la maison en courant après la balle. Ce n’est plus du tennis de table dans ce cas, mais du tennis de parquet. Pouahaha, je rigole bêtement de ma propre blague. Question du jour à approfondir : si je me fais rire moi-même parfois, est-ce que ça veut dire que je suis drôle ?

Tout en y réfléchissant, j’entre dans le salon et aperçois sans surprise ma mère qui médite sur le canapé. Elle est assise en tailleur, les bras relâchés sur les cuisses, les yeux fermés. Sa poitrine se gonfle et se dégonfle très doucement au rythme de sa respiration. Layla est extrêmement concentrée sur sa méditation - malgré le vacarme que provoquent les joueurs du tennis de parquet dans la pièce -, c’est agréable à regarder, car elle semble très calme, tranquille, et respire la sérénité. Je m’assois à un mètre de là. Brusquement, elle ouvre grand les yeux et hurle à s’en arracher les poumons :

-FERMEZ-LA ET POSEZ VOTRE CUL QUELQUE PART, PUTAIN DE MERDE !

Ça me fait sursauter et je décide vite de filer dans la cuisine pour avaler mon petit-déjeuner. Je ne m’habituerai jamais aux changements d’attitude de ma mère, c’est certain. Elle n’est pas bipolaire comme tous les autres bipolaires, non : elle, c’est chaque cinq minutes qu’elle passe d’une humeur à une autre. Sans plus attendre, je me dépêche d’aller au lycée.

***

Je me souviens soudain que j’ai encore oublié de prendre la veste que Natsu avait laissée chez moi la semaine dernière.

-Merdeuh, je souffle sans réfléchir.

Pendant l’espace d’un instant, j’ai oublié que je suis en cours de maths. Mon professeur se tourne vers moi, comme tous les autres élèves, et plisse les yeux :

-Vous trouvez que ce chapitre est merdique, Lucy ?
-Oui, je réponds automatiquement, avant de rougir. Euh, enfin, ce n’est pas pour ça que j’ai dit merde…

Au final, je me suis fait virer du cours quand même. Ce prof ne supporte pas qu’on insulte le seul but de sa vie, il ne faut pas lui en vouloir. En traînant des pieds, je vais dans la cour de récré et prends place sur une des tables en bois installées à l’extérieur. Quelques élèves d’autres classes se trouvent aussi dehors, mais je ne fais pas attention à eux et sors mon portable de ma poche, juste pour la forme.

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