Chapitre 8 : « Je suis entièrement une crotte »

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Nous sommes vendredi et j'ai les fesses écrasées sur cette chaise froide du cours de Géographie, dernier cours de la journée. Et, je déteste la Géographie du plus profond de mon intestin grêle.

Pendant que je me demande quel est le moyen le plus efficace de se couper les orteils, l'enseignant nous explique que la répartition du territoire français est inégale. Eh bien, selon moi, le monde entier est réparti inégalement, la vie en elle-même est répartie inégalement, punaise. Par exemple, pourquoi certaines personnes sont belles dans n'importe quelle robe, alors que dans mon cas, aucune ne me va ?

Au pire, j'irai à la fête de ce soir en jean et en pull, pas de quoi se casser la tête.

Une image s'affiche sur l'écran en face de nous. Je crois d'abord que c'est un Pokémon, mais en fait non c'est la carte de la France. Je m'ennuie. Oh, une mouche. Mon cahier est sale. J'ai envie de me gratter le creux de l'aisselle. Tiens, est-ce que j'ai rangé mon lit ? Je me suis toujours demandée, laquelle des deux est la plus grosse, ma fesse droite ou ma fesse gauche ?

En vrai, je suis juste angoissée. Pas seulement par la fête, mais aussi à cause cette nuit. Tout simplement parce que j'ai fait un rêve où tout le monde me traitait de merde, y compris mes amies Levy et Mira, et même Natsu - oui, c'est difficile à imaginer.

C'est pourquoi, en sortant de ce cours où je n'ai assimilé aucune information, je me dirige vers mon casier d'un pas rapide en évitant le regard des gens.

-Lucy, pourquoi tu ne m'attends pas ? S'écrie Lévy dans mon dos.

Je me retourne brusquement, l'arrêtant dans son élan, et décrète en plaçant ma main entre nous :

-Parce que je sais ce que tu vas dire !

-Ah bon ?

-Je suis une merde, je le sais déjà, pas la peine de me le rappeler ! Je crie dans le couloir, inutilement hystérique.

Quasiment tous les lycéens se retournent à mon passage pour m'observer avec étonnement. Levy semble perdue.

-Et puis, qu'est-ce qu'il y a de mal à être une merde, dites-moi ? je demande en m'adressant à présent à mon pseudo-public. La liberté de... d'être ! Voilà, la liberté d'être qui on veut ! Les homosexuels sont acceptés, les trans' sont acceptés, les colorations des cheveux sont acceptées, les talons sont acceptés, même les pégases tiens, alors pourquoi ne pas tolérer les gens merdiques comme moi ?

Il y a un court blanc pendant lequel Levy essaye d'attirer mon attention, mais je termine mon discours en levant mon poing dans un signe de victoire :

-J'annonce haut et fort que je suis entièrement une crotte et je l'assume !

J'attendais un effet spectaculaire avec des applaudissements, mais tout ce que je récolte est un gros silence gênant et une vingtaine de paires d'yeux ronds sur moi.

Soudain, on me tire par le bras et, je ne sais par quel enchantement, je me retrouve dans un autre couloir vide.

-Il faut vraiment tu arrêtes d'improviser ce genre de discours. N'importe qui ne peut pas devenir orateur, surtout pas toi, me sermonne Natsu en me lâchant enfin.

Je baisse les yeux sur mes pieds, honteuse.

-Désolée, je ne sais pas ce qui m'a pris. Je me sens un peu bizarre aujourd'hui.

Et c'est la vérité, depuis ce matin, j'ai l'impression qu'un oisillon tape son bec contre les parois de mon crâne.

Natsu met ses mains dans les poches de son pantalon avec un mince sourire :

UniqueWhere stories live. Discover now