Ces yeux là [Tome 2 de Elle a les yeux bleus]

Chapitre 19

Point de vue de Lee:

J'ai peur pour eux.

Ce n'est pas par vague, ce n'est pas de tant en tant: c'est constant.

Ils sont ma famille, ils sont ce que je suis, d'où je viens.

Ils sont ma maison, mon chez moi.

Si ils leur arrivaient quelque chose je ne pourrais me le pardonner.

Les perdre ce serait me perdre moi-même.

***

Assise à même le sol sur le béton gelé et crasseux, je regardais les barreaux en soupirant alors que Liam était debout appuyé contre le mur.

Comment avait-on fait pour en arriver là? Comment avions-nous pu finir en prison? Si mon père l'avait su, j'aurais fini étripé au fond d'une poubelle.

-Si il découvre qui tu es... prévins-je dans un soupir.

-Je sais Lee. Je sais, me coupa-t-il.

Le silence retomba, pesant.

-Tu es censé être mort, repris-je.

-Espérons simplement que les autres arriveront à nous sortir de là d'une manière ou d'une autre.

-Et un de tes supers pouvoirs d'ange ne pourrait pas nous aider à nous échapper, demandai-je à mon meilleur ami.

-Ses pouvoirs sont faits pour faire le bien, pas pour s'évader d'une cellule, Lee, souffla-t-il agacé.

-Ne prend pas ce ton condescendant avec moi, m'énervai-je alors en me relevant.

-Je n'ai pas de ton condescendant.

-Tu rigoles? Il y a tellement de mépris en toi que ça asphyxie la pièce.

Je vis une étincelle de rage éclaté dans ses yeux.

-Ce serait moi la personne méprisante ici? C'est pas moi qui suis parti à l'autre bout du pays pour fuir mes responsabilités. Peut-être, que oui, tu voulais mener ta petite vie d'humaine sauf que nous on a du se casser le cul à réparer les dégâts. La trahison de John et Cyclen, le meurtre de ton père. Tu es partie sans réfléchir aux conséquences, sans réfléchir à tout ce qu'il restait à faire, à réparer. Tu as réagi comme une gamine. Tu t'es enfuie!

Son corps tremblait alors qu'il se rapprochait de moi en criant ces paroles.

-Ce n'était plus mon monde, j'ai murmuré, désarmée.

Il baissa la tête pour planter ses yeux dans le mien, furieux.

-Ça ne l'a jamais été.

Il y avait tant d'amertume dans cette si petite phrase, tant de violence, que je reculais soudainement, meurtrie. C'était comme se prendre un coup de poing en pleine face par la personne qui compte le plus, blessant et douloureux.

-Tu nous as abandonné, reprit-il d'une voix plus douce.

Je relevais la tête à ces mots. La rage dans ses yeux avait fait place à une autre émotion, plus dangereuse, plus ravageuse, plus destructrice. Son regard reflétait une tristesse infinie.

-C'est donc ça le problème? C'est cela la raison pour laquelle tu m'en veux tant? Ce n'est pas parce que tu penses que je vous ai abandonné, c'est parce que tu penses que je t'ai abandonné. Sauf que tu te trompes, jamais, crois-moi, jamais , je n'aurais pu faire ça. Tu ne comprends donc pas ce que je peux ressentir pour toi. Liam, vous tous, vous êtes ma famille tu le sais bien, mais toi? Toi, tu es bien au-delà, tu es ce que je suis, ce que j'étais, ce que je serais. Tu es mon chemin, ma constante, mon file rouge. Tu es la réponse à mes questions. Et durant ces cinq dernières années, il n'y a pas eu un jour où ton souvenir n'est pas venu me hanter. Tu étais la première chose à laquelle je pensais le matin et la dernière personne vers qui mon esprit se tournait le soir. Ne pas te voir chaque jours, ça me tuait, c'était destructeur, une plaie qui refusait de se refermer. Liam, tu es mon tout. Tu es la raison pour laquelle j'ai décidé de me battre et pour laquelle je me bat encore aujourd'hui. Et tu es celui pour qui je me battrai aussi demain, et pour dans dix, vingt, trente ans, et pour toute la vie, et même après. Tu es mon éternité, conclu-je finalement en reprenant mon souffle.