Chapitre 1

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On ne baisse pas les yeux par soumission mais pour empêcher quiconque de lire notre âme.

23h38, avant dernier métro et des rues aussi illuminées qu'en plein jour. Les dernières boutiques fermaient leurs lourds rideaux de fer, un homme pressé de rentrer la dépassa en montant les marches deux à deux, elle elle releva la tête vers l'horloge fixée sur une poutre tout en fourrant ses mains dans ses poches. Il faisait frais ce soir, nous n'étions qu'au mois d'octobre mais un vent glacial avait envahi la banlieue Est de Paris. Elle remonta l'avenue la tête baissée, sa capuche sur la tête et ses écouteurs enfoncés dans ses oreilles, elle marchait assez rapidement en se frayant un chemin entre les groupes d'hommes adossés aux voitures ou vitrines. Même la tête vissée au sol elle remarquait toujours les billets qui passaient d'une main à l'autre, quelques fois c'était aussi des sachets qui s'échangeaient. Mais comme elle disait: ce qui se passait dans la rue restait dans la rue.
Elle souffla enfin en tournant dans une petite ruelle alors que le vent glacial lui mordait le visage, il lui restait encore quelques mètres et elle pourrait enfin arriver chez elle, se laisser tomber sur son canapé détruis depuis longtemps et souffler comme si elle avait retenu sa respiration toute la journée.

Elle monta les marches en bois grinçant le plus délicatement possible, sorti son unique clef attachée à un vieux porte clefs, l'enfonça dans la serrure, deux clics distincts et la porte s'ouvrit. La chaleur de son petit deux pièces envahit ses membres engourdis, aussitôt elle entendit un miaulement à ses pieds et y découvrit une petite boule de poils noirs la fixer.

« Bonsoir Max, moi aussi j'ai faim. Dit-elle en prenant le chaton dans ses bras avant qu'il ne monte sur son épaule. »

Elle se dirigea vers sa cuisine, ouvrit une conserve au chat qui sauta au sol et sortie à son tour un plat déjà préparé du frigo et une bouteille d'eau puis se dirigea vers le canapé où le félin avait fait ses griffes, son plat à la main.
Le calme de son appartement lui faisait du bien: ici elle n'entendait plus les voix trop fortes de ses collègues et les cris de ses clients qui regrettaient à la minute où l'aiguille touchait leur peau d'avoir passé la porte du salon de tatouages. Des fois ça la faisait rire puis elle se rappelait que les tatouages étaient censés être douloureux, alors elle commençait à se trouver anormale à cause de sa haute tolérance à la douleur, elle ne savait plus exactement quand elle s'y était habitué mais ça faisait déjà un bon bout de temps.
Elle ne finit son plat qu'à moitié alors qu'elle s'endormait presque, elle se leva tout de même, ne voulant pas s'endormir sur le canapé recouvert de poils et se dirigea vers la salle de bain. Elle se lava, appliqua une crème hydratante, l'un de ses rares produits cosmétiques, sur le visage, se brossa les dents puis traîna des pieds jusqu'à sa chambre plongée dans les pénombres, elle alluma la lampe en pied presque collée à son lit, éclairant aussitôt la pièce d'une lumière tamisée. Elle ne perdit pas plus de temps, ses chaussures atterrirent dans un coin de la pièce, son sweat et son pantalon les rejoignirent et c'est donc en sous vêtements qu'elle se jeta dans son lit. Elle n'avait jamais compris le but des pyjamas: pourquoi s'habiller alors qu'on vient de se déshabiller? C'était débile.
Elle éteignit la lumière quelques secondes après et s'endormit. Même si la fatigue l'avait assommé, elle savait qu'elle ne dormirait pas beaucoup et qu'elle finirait par se réveiller au beau milieu de la nuit en sueurs.
Ses cauchemars était en fait UN cauchemar qui se répétait encore et encore. Ça commençait toujours par le même brouillard, le même sifflement assourdissant puis le coup de feu et la même voix criant son nom. Et pourtant elle ne pouvait jamais rien faire, ni bouger ni parler, paralysée, par la peur peut être ou autre chose, elle ne le savait pas, ne voulait pas le savoir.
Comme prévu elle se releva brusquement, le cœur battant à la chamade et les larmes aux yeux. La couette atterris au sol, elle se releva, attrapa un de ses sweat et un bas de jogging puis se dirigea vers la cuisine récupérant la bouteille d'eau deja entamée. Il ne devait pas être plus de trois heure du matin puisqu'il faisait encore noir dehors. Elle n'allait pas réussir à s'endormir dans tous les cas, elle se prépara donc un café et s'installa sur le canapé où Max dormait, elle récupéra son carnet de croquis et finit ses projets en cours, consulta ses mails professionnels, répondant à ses clients et proposant des dates. Elle ne se releva que vers sept heure du matin, rangea carnet, trousse et portable dans son sac, prit une douche froide pour se tenir éveillée, avala un autre café, s'habilla en ne changeant que son jean, vérifia une dernière fois la gamelle de Max et que son pass pour le métro était bien dans la poche de sa veste et sorti à 8h43 de chez elle, refermant à double tour.
Aujourd'hui elle n'avait que quatre clients avec des tatouages allant de trois à cinq heures de travail, ça lui suffisait et elle devait aussi prévoir les clients surprises.
C'est notamment ce qui se passa ce jour là, trois jeunes gens passèrent les portes du salon de tatouage et se dirigèrent directement vers l'accueil. Ils devaient tous faire dans les un mètre quatre-vingt et possédaient déjà des tatouages dépassant de leurs manches et cous.
Un brun aux mèches plus claires était en tête et commença à parler avec la réceptionniste. Le corps droit, tout en noir allant de ses chaussures de marques à sa veste, le visage sans expression apparente mais ses yeux émeraudes semblaient pouvoirs sonder votre âme, il ressemblait à une statue grecque remise au goût du jour.
Lorsque Morgane, la réceptionniste et manager du salon, l'appela elle finissait son dernier tatouage de la journée, peaufinant les derniers détails et ombrages.

À l'ombre de nos viesOnde histórias criam vida. Descubra agora