A Girl Reality - tome 2 (Terminé)

5. Deuxième refuge (Erine)

Mon instinct prend le dessus et je m'élance sur ma gauche. Je vais courir. Courir en boucle jusqu'à ce que les Masculins me rejoignent. La grotte n'est pas loin, je sais que je ne me suis pas beaucoup éloignée. Je dois juste tenir deux ou trois minutes... Je ne vais pas pouvoir les éliminer avec mon arme, je n'ai pas d'autres choix que de faire courir ces idiots jusqu'à épuisement ! Je m'en sens capable.

Les cris aigus et perçants des dévihomulus se mêlent soudain à une détonation. Je ralentis ma course et m'arrête.

Les têtes de mes deux assaillants volent en éclat.

Je suis ensuite éblouie par une lumière vive.

- Saturn ? Kéba ? je marmonne en éclairant à mon tour celui qui vient de me sauver.

Et là, je me fige.

Un casque noir se dématérialise pour dévoiler le visage d'un Masculin. Il me fixe avec un regard sévère avant de lever sa main gauche. Il porte un gant et au milieu de sa paume, un écran numérique, me faisant penser à un œil, apparaît. Et je ne suis pas au bout de mes surprises, des rayons lumineux se projettent sur moi comme pour me scanner. Une voix digitalisée s'active :

« Mission Re... »

Avant que je ne puisse entendre la suite de la phrase, un tintamarre de coup de feu résonne. Le corps du Masculin soubresaute avant de s'écraser au sol.

- Pourquoi t'es-tu enfuie comme ça ? s'écrie Saturn, le visage paniqué.

Je plisse les yeux et le considère.

- C'est la première fois que tu me cries après...

Il déglutit fortement.

- Erine, c'est dangereux ici, réplique-t-il en tentant de rester calme. Il faut toujours rester groupé ! Surtout la nuit ! Et en plus, il y avait un Askaris !

- Je suis désolée... mais je pouvais plus respirer là-bas, j'avais besoin d'air !

- Bon sang ! crie Seb à son tour. Qu'est-ce qui t'a pris gamine ! ?

- Arrêtez de m'appeler Gamine ! Je suis une jeune Dame !

Il s'apprête à rappliquer mais Jesse l'interrompt :

- Seb ! Ce n'est pas la peine de crier ! Tu sais très bien que c'est nouveau pour elle ! Il ne faut pas traîner ! S'il y a un Askaris en patrouille ici, alors les autres ne sont pas très loin ! Ne perdons pas de temps !

Seb me lance un regard assassin mais finit par détourner la tête et nous reprenons la route. J'admets que j'ai pris un gros risque, et je ne pensais pas me retrouver nez à nez avec un Askaris. Mais je suis en vie, c'est ce qui compte, non ?

En chemin, nous rencontrons des petits groupes de mangeurs d'homme que les Masculins éliminent sans difficulté. Après avoir traversés une petite terre sédimentaire, nous finissons par atteindre une bâtisse en tôle entourée d'une clôture irrégulière.

Comme d'habitude, Kéba utilise des clés pour ouvrir la porte. Seb et Lancelot entrent les premiers pour inspecter les lieux. C'est une petite pièce avec beaucoup de foin éparpillé sur le sol. Des poutres en bois soutiennent le toit. Aucune ouverture n'indique que les dévihomulus ont pu s'infiltrer ici.

Eric aide Kéba à refermer le grillage tandis que Seb retire le foin au milieu de la pièce pour dévoiler une trappe. Nous nous y faufilons à l'intérieur descendant des escaliers.

Dès que nous atteignons le sous-sol, Kéba nous demande de patienter un moment. Il se dirige au fond de la pièce et disparaît. Nous entendons le bruit d'un disjoncteur, puis des lampes au-dessus de nos têtes s'allument. Cette fois, le refuge est plus grand, avec des parements en moellons de calcaire. Il y a une pile de vieux matelas au coin du mur et une immense étagère à munitions. Comme tout refuge, de la nourriture non périssable est enfermée dans les placards.

Seb s'approche de moi, aussi colérique que tout à l'heure. Le voilà qui me hurle après :

- Gamine ! Tu as vraiment été inconsciente ! Tu voulais te faire bouffer ou quoi ?

Je fronce les yeux et le détaille. Les femmes n'ont pas l'habitude de se faire réprimer par les Masculins... Les Masculins ne disent aucun mot... Même mon père n'a jamais haussé la voix contre moi. Mais je ne suis plus à la cité de Parisiorum, j'ai quitté le monde utopique d'Anne Syénite... Ces Masculins ont été programmés pour dire tout ce qui leur passe par la tête... Ils ressentent des émotions... Les règles que j'ai apprises n'ont aucune valeur ici-bas.

- Je suis toujours vivante, je finis par répondre un ton au-dessus de lui.

Il écarquille les yeux. Je n'ai pas l'intention de me laisser marcher sur les pieds. Maintenant, je comprends mieux les dernières paroles de Dame Helmet. « Montre leur que tu es une femme forte. » Certes, j'ai été inconsciente, je reconnais mon énorme bêtise, mais il n'a pas le droit de me parler sur ce ton ! Je suis une femme ! Une femme de l'Ère du Renouveau !

- Bon sang ! Tu te rends compte de qui tu es ? Tu te rends compte qu'on doit te ramener en vie au camp de Thoune ! Et toi, tu... (Il grogne et va donner un coup de pied contre le mur)

- Seb, arrête ! dit Jesse. Elle n'a pas l'habitude de tout ça. Elle vient de quitter son monde de princesse et de vie en rose ! Tu ne crois pas qu'elle se sent perdue ?

Il se met à rire nerveusement et secoue la tête.

- Un monde de connerie, oui !

Je laisse tomber mon sac par terre. Il m'a énervée. Franchement, je devrais peut-être le reprogrammer en mode « Dépendant » ! Il serait plus calme !

- Y a-t-il des toilettes ? j'interroge sur un ton agacé.

- Oui, au bout du couloir, là-bas, répond Kéba.

Je m'y dirige.

Je reste un moment à regarder les toilettes à la turque au sol. J'avais étudié les différents modes de vie des personnes avant notre Ère, jamais je n'aurais cru me retrouver devant ces toilettes. Mon regard fixe la crasse par terre puis, est capté par un seau d'eau à côté. Je le remplie et le vide sur la surface avant de l'utiliser. Je me lave ensuite les mains. Il y a un miroir devant moi. Mes yeux sont cernés, mes cheveux en pagaille...

C'est vraiment horrible. Tout ce qui se passe est vraiment horrible !