A Girl Reality - tome 2 (Terminé)

10. Des pertes subites (Erine)

- Faisons une pause, dit Kéba alors que nous arrivons à l'entrée d'un petit village.

Je m'assieds, le cœur battant la chamade, la gorge sèche, éreintée par notre voyage. Je bois un peu d'eau et prends la petite boîte de thon que Palma m'a donnée. Ça me redonne des forces. J'en propose à Saturn et Eric, mais ils n'acceptent pas. Palma termine donc le reste.

Je fixe le ciel et des questions sur le passé de mes parents se bousculent dans ma tête. Combien de fois mes parents sont-ils venus ici ? C'est vrai maman quittait souvent la Cité durant deux semaines... C'était pour son travail, mais maintenant que je n'en suis plus sûre, elle devait se rendre dans le Monde de Jadis ! Affronter des hyenas, des dévihomulus, des nuées de criquets, des tempêtes ! Mais alors, les armes ? Maman en a-t-elle utilisé ? Elle qui disait toujours que c'était une nuisance. Je me rends compte que malgré ces dix-sept années, je connaissais peu de chose sur mes parents et surtout mon père.

- Continuons, dit Kéba.

Le village dépassé, nous nous retrouvons dans une plaine sans la moindre brindille, puis atteignons un cours d'eau que nous suivons.

Le crépuscule embrasse bientôt le ciel.

- Avançons jusqu'au chêne, là-bas. Nous y passerons la nuit.

Nous nous installons contre l'arbre. Palma étend même sa couverture comme si nous allions faire un pique-nique. Elle n'a pas perdu ses vielles habitudes même si nous sommes ici-bas. Ça me fait sourire.

Nous mangeons nos boîtes de conserve dans un silence presque pesant. J'en suis mal à l'aise. Moi qui ai l'habitude de discuter lors des repas. Mais ici, impossible. Je vais devoir m'habituer à ce silence.

La nuit a vite fait de tomber. Nous n'avons même pas droit à de la lumière pour nous éclairer. C'est le noir complet comme si j'étais enfermé à l'intérieur d'une boîte. Seul les voix des autres résonnent me rassurant que je ne suis pas seule.

- Lancelot et Jesse, faites le guet, chuchote Seb. Réveillez-moi dans quatre heures.

- Je peux me charger du guet, annonce Saturn.

- Moi aussi, dit Eric. Vous n'avez pas dormi la nuit dernière.

Il grommelle mais finit par accepter. Il est toujours autant désagréable.

- Vous me réveillerez à quatre heures du matin.

- Non, c'est moi qu'ils réveilleront, dit Kéba. Tu as besoin de faire ta nuit, regarde comme tu es irrité !

Seb ne dit aucun mot à cette remarque, j'entends juste ses pieds frôler l'herbe. Est-ce que les Masculins voient dans le noir ? J'ai l'impression qu'il s'est éloigné.

- Bien, dit Jesse, dormez les filles... Vous aussi, les garçons, nous vous réveillerons vers minuit.

Je tâte le sol à la recherche des mains de Saturn. Il m'attrape la main et signe de m'endormir, de ne pas m'inquiéter, il veille sur moi. Il ne s'allonge même pas et reste assis près de moi. Le connaissant, je ne crois pas qu'il fermera l'œil. Moi non plus. Passer la nuit dehors, alors que je n'y vois rien me terrifie. En plus, il fait froid et ma peau est toute crasseuse. Sans compter que l'herbe n'est pas vraiment douillette. Et par-dessus tout, qu'est-ce qu'on ferait si nous étions attaqués ?

Pourtant, sans m'en apercevoir, je finis par trouver le sommeil.

Je me réveille à l'aube. Saturn est adossé contre l'arbre et dort. Je me tourne vers Palma sur ma gauche et la secoue. Elle n'a pas ronflé cette nuit... étrange.