9. Le nuage de Criquets (Erine)

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Jesse nous donne des boîtes de conserve que nous rangeons dans nos sacs. Les Masculins quant à eux, font leurs réserves d'armes et de munitions Selon Kéba, le nuage rotatif a dû ravager leurs abris alors nous risquons d'en croiser beaucoup sur notre chemin aujourd'hui. Psychologiquement, je me suis préparée. Je vais me défendre, et je ne veux pas que Seb pense que je vais m'enfuir à la première occasion. Il arrêtera de me traiter de GAMINE !

Lorsque je pose les pieds dehors, je remarque que les arbres du jardin sont déracinés et le grillage de la propriété a disparu. La ville est saccagée, et le canal, qui était vide la veille, est maintenant rempli d'eau emportant des cadavres de dévihomulus.

- Restons sur nos gardes, commente Kéba en fixant leur dépouille.

Nous rejoignons le centre-ville où la rue est submergée par des coulées de boues. Je fais de grandes enjambées passant par-dessus des corps de dévihomulus. Des kilomètres plus loin, nous montons une petite pente et atteignons un quartier présentant peu de catastrophes. Les maisons subsistent encore, seuls quelques lampadaires et des poteaux sont à terre, la boue a laissé place à un sol aqueux... Nous entendons brusquement un hurlement de douleur. Un dévihomulus. Il est coincé sous un énorme et ancien poteau électrique et, semble appeler à l'aide. En voyant ses longs cheveux et son visage, qui malgré sa laideur, est fin, il s'agit d'une femelle. Seb s'approche d'elle. Elle ne lui lance même pas un regard agressif, elle lui supplie du regard de l'aider.

Seb ne réfléchit même pas. La tête de la femelle vole en éclat. Je déglutis. Il est vraiment sans pitié. Je ressens alors une vague sensation désagréable et repense à la veille. Il avait une oreillette qu'il ne porte pas aujourd'hui. Qu'est-ce qu'il faisait avec ça ? Ils sont utilisés pour entrer en communication... Qui contactait-il ? Lunetta à Parisiorum ?

Nous reprenons la route alors que je me pose tout plein de questions sur lui, et je me demande même s'il n'aurait pas laissé entrer cet enfant dévihomulus.

Soudain des pas précipités et des plaintes m'immobilisent. Je retiens ma respiration alors que les autres dirigent leur regard vers le bruit. Un groupe d'enfants dévihomulus. Ils sont quatre. C'est comme s'ils étaient perdus et cherchaient leurs parents. Mais dès qu'ils nous voient, contrairement à la pauvre femelle, ils se mettent en position d'attaque... Je me suis trompée, il cherche plutôt désespérément de la nourriture.

Ils se précipitent sur nous mais certains tombent en butant leurs pieds dans des arbres renversés. Eric appuie sur la détente et touche le plus proche à la poitrine. Aussitôt, il s'effondre. Son compagnon s'arrête puis nous considère, apeuré. Il pousse un cri et saute sur le cadavre pour le manger, les deux autres le rejoignent et se battent pour leur mets.

- Laissons-les s'entre-tuer, déclare Jesse.

Un peu plus loin, nous nous retrouvons devant une impasse. Un mur imposant recouvert de lianes. Mais Kéba l'escalade et nous fait signe de le suivre... Au sommet, nous apercevons trois dévihomulus mâles dévorer un hyenas, certainement emporté par la tornade.

Attirés par le bruit de nos mouvements lorsque nous descendons, ils lèvent les yeux vers nous et grondent. Kéba et Seb bondissent sur le sol et les tuent. Leurs corps s'écroulent dans l'eau avec un impact terrible. Avec l'attaque de la nuit, je crois que la vue du sang commence à devenir quelque chose de normal. Peut-être que je deviens insensible... et même la senteur infecte de leur sang semble ne plus avoir d'odeur...

Nous traversons de la ville rencontrant de temps à autre ces cannibales, toujours groupés en petit groupe. Et c'est une chance qu'ils ne soient pas une centaine comme dans les Décombres de Parisiorum.

Les maisons se dispersent peu à peu et bientôt mes pieds foulent de hautes herbes. Nous avons atteint une plaine d'herbes couleur de paille.

Plus nous avançons et plus le soleil semble nous brûler. C'est comme si d'un coup, nous sommes en pleine canicule. Nous croisons de temps à autre des vautours qui s'empiffrent des cadavres. Kéba et Seb reproduisent leur cri pour les chasser de notre route. J'en suis étonnée, je ne savais pas qu'ils comprenaient le langage de certains oiseaux. Malheureusement, leur cri a attiré des dévihomulus...

Les Masculins imperturbables, ainsi que Jesse, les abattent. Moi aussi je m'empare de mon arme, mais ce n'est pas comme à l'entraînement, où les cibles ne bougent pas. Je tire. Soit je les rate. Soit la balle frôle leur bras et Saturn finit par leur donner le coup de grâce.

Nous entamons ensuite une petite foulée pour traverser une vaste bande de terre vallonnée afin d'éviter le moindre hyenas. Mes pieds recommencent à me faire mal, mais je ne me plains pas. Je n'ai pas le droit. Ce n'est rien en comparaison à la douleur que j'ai ressentie en perdant maman.

- Arrêtez-vous ! Vous entendez ça ? crie soudain Seb.

Les Masculins plissent leurs yeux puis dirigent leur regard dans la même direction.

- Non de dieu, grogne alors Lancelot.

- Qu'y a-t-il ? s'enquiert Jesse.

- Nuage de criquets.

- Nuage de quoi ? s'étrangle Palma.

La peur revient au galop, je ne veux même pas savoir ce dont il s'agit. Puis, je discerne un bruit étrange. Et au loin, le ciel s'obscurcit. Je déglutis et mes jambes flageolent.

- Encore une tempête ? je demande.

Saturn secoue la tête.

- Un essaim de criquets.

Je n'ai pas la moindre idée de ce que c'est. Voyant mon visage désarmé, il reprend :

- Ce sont des insectes qui cherchent juste de la nourriture.

Je hausse un sourcil. De la nourriture ? Sont-ils comme les dévihomulus qui se nourrissent de chair fraîche ? Une grimace étire mes lèvres rien qu'à y penser.

- Ne t'inquiète pas, ils sont inoffensifs, ils recherchent une terre fertile, des champs de fleurs, d'arbres pour se nourrir.

Ok, ils sont inoffensifs et pourtant, cela ne semble pas plaire à Seb.

- Tout le monde à terre ! crie ce dernier. Il va falloir attendre que cet essaim s'éloigne avant de reprendre la route, on ne verra rien sinon !

Une symphonie de stridulation résonne subitement. La nuée d'insectes s'approche. Vite. Tellement vite, qu'en peu de temps, le soleil disparaît, comme si les ténèbres s'abattaient sur nous avec une armée d'insectes. Saturn me prend la main et m'invite à m'accroupir.

Les premiers insectes me cinglent le visage et je pousse un cri. Je ferme les yeux tandis que Saturn m'attire dans ses bras pour me protéger. Ils deviennent de plus en plus nombreux. Je sens leurs ailes, leur patte, frôler les moindres parties de mon corps. Ces insectes ne sont pas agressifs, mais rien que de les sentir, demeure désagréable. J'ai l'impression que je ne sais même plus comment respirer. Je pose la joue sur le torse de Saturn me concentrant sur le battement de son cœur pour tenter de rester calme.

Le temps semble long avant que le tourbillon de criquets s'éloigne. Saturn s'écarte de moi et en retire un perdu dans mes cheveux. Il est tout noir avec quatre ailes immenses. Sans vie.

A Girl Reality - tome 2 (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant