A Girl Reality - tome 2 (Terminé)

11. Askaris 400D régiment 16 (Saturn)

J'étais enfermé dans un wagon, avec les autres. Entassés comme des sardines dans une boîte de conserve. J'avais à peine dix ans. Dame Carmen, notre tutrice, nous avait toujours appris à mettre de côté ce que nous ressentions. Les émotions n'étaient que le fruit de notre imagination et cela ne pouvait que nous nuire... Il fallait les combattre. Mais je n'arrivais pas à les combattre à ce moment-là. Mes poils s'étaient dressés sur l'échine. Mon ventre me faisait atrocement mal comme si je recevais plusieurs coups de couteau dans l'abdomen et ce, sans répit. La directrice m'avait choisi avec une vingtaine de mes camarades après nos examens de fin de cycle, et au petit matin, ne nous laissant pas le temps de prendre notre petit-déjeuner, des Masculins vêtus de noir et une femme au regard sévère, un chapeau noir sur la tête, étaient venus nous chercher.

Je ne savais pas où se dirigeait le train, je n'avais jamais quitté la tour Grow, ou encore la cité. Ne plus revoir Dame Carmen ou mon ami 511 me terrorisait. Qu'allais-je faire sans eux vers ce monde inconnu ? Mon attention se dirigea vers mes compagnons autour de moi. 117 ne cessait de battre les paupières, 216 avait les bras sur ses genoux, tremblait comme une feuille et se balançait d'avant en arrière. Cela me réconforta, je n'étais pas le seul à ressentir cette « émotion » terrifiante qui me submergeait.

Le voyage fut long. J'avais faim et l'envie pressante d'aller aux toilettes. Je sentis d'ailleurs l'odeur d'urine s'élever dans la cabine. 319, en face de moi, avait d'ailleurs le pantalon mouillé et ses joues étaient cramoisies.

Fort heureusement, le train finit par s'arrêter. Un masculin armé d'un fusil ouvrit la porte. Puis, la femme au chapeau noir apparut devant nous.

- À partir d'aujourd'hui, vous ne portez plus le nom de Masculin ! À partir d'aujourd'hui, vous êtes des Apprentis Askaris ! Vous avez passé des examens et les résultats ont montré que vous serez compétents pour ce poste. Vous allez tous vous mettre en rang et me suivre !

Je me levais instantanément. Obéir. Ne pas discuter. Obéir. C'était notre devoir quelle que soit notre tutrice. Dame Carmen nous avait avertis. Certains d'entre nous iraient dans une autre cité, avec une nouvelle tutrice. Jamais je n'avais pensé faire partis de ceux-là. Je voulais rester au Centre, je voulais continuer à planter des arbres avec mes camarades, je voulais continuer d'écrire des histoires et les raconter à Dame Carmen qui me récompensait toujours en m'empruntant sa tablette pendant dix minutes. Dix minutes ce n'était pas beaucoup, mais dix minutes avec une tablette et je pouvais jouer à Mario Crash !

Ici, j'allais apprendre de nouvelles règles et je ne savais pas quelles punitions m'attendaient. À la tour Grow, au moins, j'étais de corvée à la cantine si je faisais des bêtises. C'était quoi un Apprentis Askaris ? Je ne savais pas ce qui allait advenir de moi et c'est ce qui m'effrayait le plus.

Je me rangeai derrière 450. Il était le plus grand de notre dortoir, et le seul avec qui j'étais assez proche. Le voyage n'avait pas semblé le terroriser. Il était resté calme durant tout le trajet. Je l'admirai.

La femme nous fit signe de la suivre. Nous longeâmes un long corridor avant d'emprunter une passerelle et atteindre une grande porte noire blindée. Elle s'ouvrit automatiquement à notre approche. Mais la dame s'arrêta.

- Apprentis Askaris, vous allez entrer un par un, et vous présentez. Ensuite, vous suivrez l'Askaris qui attend de l'autre côté.

Se présenter ? Devant qui ? Me demandais-je, le sol se dérobant sous mes pieds.

L'attente me parut longue. Une quinzaine de mes compagnons patientaient devant moi, et mon mal de ventre ne faisait qu'empirer. Mais mon tour arriva enfin et la femme me fit signe d'entrer.