19.

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L'ambulance roulait à toute allure. Le visage abîmé d'Harry était éclairé par une petite lampe au dessus de nos têtes. Un infirmier était sur lui, en train d'empêcher son visage de saigner encore plus qu'il ne le faisait déjà. J'ai entendu qu'ils pensaient qu'Harry avait une côte cassée ou seulement fêlée. Je n'ai même pas eu le temps de penser une seule seconde. Nous sommes arrivés très vite à l'hôpital pour qu'ils fassent des points de suture principalement sur son arcade.

Je ne sais toujours pas ce qu'il s'est passé, ni de quoi est-ce qu'ils parlaient. Ils sont partit à une vitesse incroyable quand il ont vu que d'autres personnes entraient dans le parc. "T'as faillit tuer un de nos potes avec ta merde", quelle merde? Et pourquoi Harry aurait un quelconque lien avec ces hommes?

Quoiqu'il en soit, j'ai l'impression de ne plus appartenir à mon corps. Ni à mon esprit. C'est comme si mon âme était à côté de mon corps, et qu'elle observait tout sans jamais décider de quoique ce soit. Je n'ai aucune seconde pour me poser et penser clairement.

Mais, très sincèrement, je n'en ai pas envie.

« Exactement, » la voix de l'infirmier me parvient aux oreilles, me faisant relever la tête vers lui et mon bouclé, « je vous ai laissé tous les papiers, ils répondront à vos questions si vous avez oublié quelque chose. »

Harry hoche doucement la tête.

« Vous êtes libre de sortir. Bonne soirée à vous. »

Nous le saluons d'un rapide mouvement de tête avant qu'il ne sorte de la chambre, créant ce silence si pesant. Même si j'étais dans mes pensées, j'ai entendu que mon bouclé n'avait rien de grave au niveau des côtes ; juste un très gros hématome qui lui fera mal durant les quelques jours qui suivent.

Mon regard ne lâche pas une seule fois son visage, qui lui, regarde sur le côté, en se mordant la lèvre. Ses yeux brillent au fur et à mesure que les secondes passent, ce qui me fait soupire silencieusement.

Et soudain, sa tête se baisse, avant que des sanglots ne se fassent entendre dans cette chambre. Je m'avance vers lui doucement. Il est assis sur le lit, alors je me place entre ses jambes, en posant mes mains sur ses cuisses que je caresse doucement pour essayer de le calmer.

« Je ne pensais pas que ça allait arriver, » renifle t-il avant de passer la manche de son sous-pull sur sa joue, sans pour autant relever la tête.

« Explique moi, » soufflais-je à voix basse.

Il secoue la tête frénétiquement.

« Il te pointait avec son– »

« C'est terminé maint– »

« Bordel de merde, » lâche t-il, les dents serrées.

Je soupire lourdement. Il relève la tête pour planter son regard dans le mien. La façon dont il me regarde n'annonce rien de bon ; c'est le genre de regard où il n'arrête pas de jongler entre mes deux yeux pour essayer de chercher une réponse à travers eux.

« Dis-moi, » je l'encourage, toujours avec une voix relativement basse.

Il ferme les yeux.

« Il m'est arrivé de rentrer tard du travail. »

Je fronce les sourcils.

« Oui, » j'hausse les épaules, « parce que c'était toi qui devait fermer le magasin? »

Il secoue la tête négativement.
Plusieurs fois.

« Je n'étais pas au magasin. Et je faisais encore moins sa fermeture, » lâche t-il, ses paroles faisant l'effet d'une bombe dans mon estomac.

« Mais que faisais-tu a-alors? » demandais-je, ma voix cédant brutalement à la fin de ma phrase.

Il baisse la tête pour fixer ses genoux.
Silencieux.

« Harry, » soufflais-je anormalement.

« M-mon patron me forçait à f-faire passer de la drogue à ses client, » mon souffle reste prit dans ma gorge, m'empêchant de respirer normalement, « il-il me disait que si je venais à démissionner il viendrait s'en prendre à toi, »

Les mots me manquent pour exprimer ce que je ressens face à cette terrible nouvelle.

« J'ai tout essayé pour éviter les livraisons qu'il me donnait, » reprend t-il avant de renifler, et de relever la tête pour enfin rencontrer mes yeux, « ces mecs n'étaient jamais content de la quantité alors c'était moi qui prenait, à chaque fois, »

Mes joues sont inondées de larmes.

« Avant que l'on se revoit, ils m'avaient prit entre quatre murs, dans un quartier au sud de Londres, » il ferme fortement les yeux, « j'avais oublié de prendre leur plus grosse livraison alors ils m'ont montré que c'était une faute grave, pour eux. »

Mon premier réflexe est de le prendre dans mes bras. Je n'arrive pas à réaliser tout ce qui est en train de se passer en si peu de temps.

« Pourquoi ne m'en as-tu jamais parlé? » demandais-je, la voix enrouée.

« Parce que je te connais, » il renifle, « tu t'en serais mêlé, » il n'a peut-être pas tord, « parce que je trouvais ça humiliant, et parce que chaque personne au courant pouvait être en danger. »

Je resserre mes bras autour de ses épaules, tandis que les siens s'enroulent autour de ma taille. Je n'ai plus les mots. Tout m'a été arraché. Enlevé. Certaines pensées s'attachent, créant petit à petit les pièces du puzzle : au nouvel an, Harry ne m'a presque pas — voir pas du tout — parlé de son travail. C'était très vague. Ensuite, quand nous sommes descendu dans le sous-sol du magasin, et que son patron a débarqué, Harry semblait le craindre d'une façon inquiétante. Et hier soir, chez Michael, les tâches bleuâtres que j'ai vu dans le bas de son dos. Peut-être qu'elles venaient de là.

« Je suis désolé, » pleure t-il dans le creux de mon cou, « je ne voulais pas te mettre un autre poids sur les épaules. »

« Tout va bien, » chuchotais-je en caressant le haut de son dos, lentement, « ne t'inquiète pas. »

« Bien-sur que si je m'inquiète, » se fâche t-il, « j'ai tout fait pour te protéger, pour t'éloigner au plus de ces mecs, mais ça n'a pas marché tout ça parce que j'ai dû leur en donner de la fausse et qu'un de leurs mecs à faillit crever. »

"T'as faillit tuer un de nos potes avec ta merde." Tout s'explique.

Nous restons de longues minutes, silencieux. Je ne sais pas comment cette histoire va se poursuivre. Harry ne peut clairement pas continuer à livrer ce genre de choses au risque d'être surprit par la police ou quoique ce soit. Nous devons changer ça. Porter plainte s'il le faut. Mais il est hors de question qu'il retourne travailler pour cet enfoiré.

Mon cœur s'arrête violemment quand sa voix me parvient aux oreilles, et que ses mots forment une phrase qui retourne brutalement mon estomac — en plus de mon cœur.

« Rose, veux-tu partir avec moi, vivre à Los Angeles? »

thank you - hs. (III)Where stories live. Discover now