Chapitre XVI

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       « Njord! Attendez!»
Je m'élance vers mon vieux professeur qui sort de la salle du trône. Il baisse vivement la tête et se met à marcher plus vite pour m'éviter. Je le rattrape sans trop de difficultés.
— Njord! (Je pose ma main sur son épaule, il se retourne et m'adresse un faible sourire).
— Emma, quelle surprise!
— Que faites-vous au palais?
— Je... je suis venu vendre au roi mes livres.
Il doit sûrement lire la déception sur mon visage car il continue en posant sa main ridée et tachetée de points blancs sur mon avant bras:
— Je ne peux plus tenir ce magasin.
Je lui souris en posant ma main sur la sienne:
— Je vous raccompagne.
Nous commençons donc à marcher l'un à côté de l'autre vers la sortie du palais. Aucun de nous ne parle, trop absorbé par des pensées intimes. Nous traversons la ville en silence, mon bras sous le siens, à une allure lente et reposante. Je ne perçois rien autour de moi, les Asgardiens, le paysage, rien. Seul la présence de mon vieil ami me lie encore à la réalité. Loki occupe mes pensées. Loki et son caractère incompréhensible. Loki et sa tristesse que je ressens à chaque instant. Loki et mon amour pour lui. Je suis tombée amoureuse d'un dieu, et pas n'importe le quel, celui qui fait souffrir, qui me fait souffrir.
— Que se passe-t-il Emma?
Njord me regarde inquiet, ses épais sourcils blancs sont froncés. Nous sommes devant sa boutique, je jette un regard autour de moi puis le repose sur lui.
— Rien d'important ne vous en faites pas.
J'ouvre la porte et le laisse entrer.
— Je commence à vous connaître Emma. Votre visage rayonne de joie d'habitude mais là, vos yeux décrivent bien plus votre état d'esprit.
Je ne peux retenir un sourire, et fermant la porte, je laisse verser une larme, puis deux, puis trois... mes doigts se crispent autour de la poignée, je me mords la lèvre pour empêcher aux autres de jaillir de mes yeux. Je sens la main de Njord sur mon épaule. Je m'effondre dans ses bras, secouée par de violent sanglots.
Il m'aide à monter les escaliers de bois et m'assois sur un petit canapé dans un salon aux couleurs délavées. Il s'assoit sur une petite chaise face à moi. Devant ce regard paternel et aimant je ne peux retenir mes angoisses. Je lui parle de mon arrivée à Asgard, de ma charge importante, de mon amour pour Loki, de ma volonté de ne pas céder... il m'écoute en acquiesçant, plaçant parfois des questions ou des conseils puis me laisse reprendre mes explications. Tout cela rythmé par le flot de larmes contenu trop longtemps...

***

Je me réveille avec l'impression d'avoir dormi des mois. Je me sens reposée, seul la sécheresse de mon visage ravagé par les larmes de la veille me rappelle ma tristesse. Je me redresse vivement en voyant que ces draps ne sont pas les miens. Ma robe jaune d'hier est toujours sur moi, un coup d'œil circulaire, je suis chez Njord, dans ce petit salon vieillot. Je me suis donc endormie ici. La lumière rouge du soleil m'informe de l'heure matinale. Je me lève et secoue ma robe avant de descendre les escaliers. Njord est là, feuilletant quelques livres.
« Merci Njord pour hier soir.
Il s'approche de moi et me lance un sourire avant de m'embrasser sur la joue.
— Ne te laisse plus abattre. Aimer, c'est... le plus beau cadeau que les dieux peuvent t'offrir. Et surtout pour toi, Freyja.
— Freyja? »
Son sourire s'efface peu à peu, il tapote gentiment mes mains et me souhaite une bonne journée. Je sors sans plus de questions. Freyja? Joli nom mais étrange.
Je cours me changer dans mes appartements pour être à l'heure, un Commandant en retard... ce serait un exemple déplorable. J'arrive et entend les bruits de soldats en plein entraînement. Une colère envers moi même me fais avancer plus vite encore. J'ouvre cependant la porte avec calme comme si mon retard était normal. L'instant d'après Loki se tient devant moi, m'attrape le bras et m'entraîne à l'extérieure.
« Qu'est ce qui vous prend?
Mon visage se crispe légèrement sentant sa poigne autour de mon bras.
— Où étiez-Vous?
Ses traits sont tendus, il est très énervé.
— Je me suis réveillée trop tard je l'avoue mais me voilà à présent donc s'il vous plaît ...
— Je parle d'hier soir !
Je sursaute devant le ton qu'il vient de prendre. J'ai l'impression d'être une enfant devant se justifier après une bêtise.
— Je n'ai pas de compte à vous rendre.
— Oh que si! Vous êtes sous ma... sous la protection de sa majesté! Si vous quittez le palais toute une nuit il faut que... qu'il soit tenu au courant!
— Vous inventez vos propos! Je suis assez grande pour décider de mes faits et gestes merci!
Nous nous tenons a quelques centimètres l'un de l'autre, tous deux énervés, la peau rougis et les poings serrés.
— Et si il vous était arrivé quelque chose!
— Je sais me défendre!
Il fait un pas vers moi et attrape mes poignets:
— Vous ne savez pas sur qui vous pouvez tomber.
— Je ne peux certainement pas tomber sur pire que vous!
Je lui ai lancé cette réplique au visage, prise de colère, sans prendre le temps de réfléchir. Il me lâche et recule avant de reprendre tout en baissant la tête:
— Balder est certainement plus respectable, je l'avoue.
Il s'en retourne vers le bâtiment. Je reste là, choquée de mes propres paroles à l'égard de ce dieu, ce dieu que j'aime par dessus tout. Un trou se forme dans ma poitrine, je l'ai blessé.
— Loki !
Les yeux grands ouverts, je le vois frissonner et s'immobiliser. Il ne me montre pas son visage, juste son profil.
— Je suis désolée, je ne voulais pas...
— Mais vous le pensez.
— Non, bien sûr que non...
Il s'engouffre dans le bâtiment. J'ai envie de pleurer, de le prendre dans mes bras et de me faire pardonner tout en baisant ses lèvres adorées. Mais au lieu de cela, je rejoins le groupe opposé à lui, pour donner des conseils qui ne me semblent pas cohérents.
Les heures défilent sans que ni lui ni moi n'échangions une parole, un regard. Je souffre de ce que je lui ai dit, mais cela vaut-il vraiment la peine de m'excuser une nouvelle fois?
Je suis interrompue dans mes réflexions par l'explosion du mur à quelques mètres de moi. Je suis projetée au sol, un sifflement me laisse étendue par terre. Une douleur violente m'attaque le crâne, j'ai mal, et je vois difficilement à travers cette fumée... du feu, mes hommes récupérants leur armes. Soudain, malgré ma faiblesse, je pense à Loki. Je me retourne et le vois se battre avec ce qui me semble être des elfes noirs... il leur tranche la gorge, les poignarde et me lance entre temps un regard affolé...

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