Chapitre X

1.1K 110 6
                                    

La lune est haute dans le ciel lorsque Bertha me réveille pour assister une dernière fois le corps de Loki. L'enterrement a lieu demain et je souhaite passer quelques instants encore auprès de lui. J'enfile une robe mauve au tissu plus épais et à la coupe plus sobre, et me coiffe d'un chignon élevé. J'ai réservé trois heures près de lui, lorsque je quitterai ça chambre, le soleil aura pointé le bout de son nez.
Je m'engage dans les couloirs sombres où quelques torches sont allumées aux extrémités. Devant la porte, Bertha s'incline en me souhaitant courage. Aucuns gardes ne surveillent, je pénètre dans la chambre, seules deux flammes s'embrasent dans un bougeoir collé au mur. Je suis seule dans l'ombre de la pièce, Loki est allongé dans la même position. Pour accroître notre intimité, je ferme les grands rideaux de velours qui séparent la chambre du petit salon. Puis, m'avançant près du lit, je m'agenouille au bord du matelas de soie. Je joins les mains et prie de toute mes forces. Les paupières clauses, je sens des larmes goutter de mes cils et venir chuter sur le drap. Mes prières à cet instant précis? Qu'il séjourne pour toujours, heureux, auprès des dieux, qu'il trouve enfin sa place.
Je pose ma tête sur le bas de son ventre juste en dessous de ses mains, gardant les yeux fermés. Mon esprit encore fatigué vagabonde dans des rêves idylliques. Je sursaute sentant ma tête heurter le matelas. Je me redresse, et recule de frayeur. Le corps de Loki n'est plus là, une lumière verte la emporté sous les yeux. Je respire difficilement, et me colle au mur derrière moi. Un silence profond habite la pièce, pourtant quelqu'un doit avoir fait disparaître le cadavre. Je m'approche lentement et hésitante vers la couche où seul le casque est toujours posé. Je palpe les draps, la couverture mais cela ne m'apprend rien sur le fait qu'il s'est volatilisé. Je m'apprête à sortir en courant pour alerter les gardes mais une voix grave et caressante me fait trébucher.
« Je t'en prie Freyja, une tenue de deuil? Vraiment? (Une main vigoureuse attrape mon bras tandis que l'autre s'enroule autour de ma taille pour m'aider à me redresser).
Un frisson me parcourt la colonne vertébrale quand mes yeux rencontrent les siens.
— Loki?
— Qui veux-tu que ce soit?
Mes lèvres forment un o de stupeur. Mes doigts tremblants remontent vers le cou du dieu. Je sens la chaleur de sa peau, les battements de son cœur dans ses veines.
— Loki mais... mais...je t'ai vu mourir sous mes yeux...
— Tu sous estime les pouvoirs du dieu de la malice Freyja. Je suis vexé.
Dans toutes situations, Loki gardera toujours ces répliques ironiques. Ses mains toujours sur mes hanches, je pose les miennes sur ses épaules, contemplant à mon aise son visage.
— Pourquoi n'être par revenu plus vite?
— (Il lève le visage vers le plafond, réfléchissant à une raison valable). Je réfléchissais... partir pour toujours pour une nouvelle vie loin de mon passé et d'Asgard. Ou revenir...(il baisse ses prunelles vertes sur moi)... revenir pour faire face à...
Il s'arrête au milieu de sa phrase, sentant qu'il s'aventure sur un chemin dangereux pour lui et son ego. Je le regarde fixement, l'obligeant à finir.
— Faire face?
— Faire face à une évidence qui me trahit depuis trop longtemps.
Le sang affluent dans mes joues, une chaleur agréable me prend dans tout le corps. Ses mains glissent vers le bas de mon dos et me rapprochent plus de lui. J'entoure son cou de mes bras et lève le visage, nos lèvres sont à quelques centimètres les unes des autres.
— Une evidence?
— Toi Freyja. (Ses paroles ne sont plus que des murmures qui pénètrent au plus profond de mon âme). Tu es l'évidence que les dieux ont mis sur mon chemin.
   Il colle son front contre le miens et me rapproche plus encore de lui. Ma poitrine s'écrase contre son torse, ses bras m'enlacent fortement et ses lèvres se posent sur les miennes. Lentement je laisse ma bouche s'abandonner à la sienne. Nos lèvres s'éloignent, pour se rapprocher de nouveau, avec désir et amour. Mes mains glissent dans ses cheveux bruns, les siennes montent et descendent le long de mon dos se crispant sur le tissu.
   Il se recule lentement, sans pour autant desserrer son étreinte. Il passe sa langue sur ses lèvres légèrement rougis par l'ardeur de notre baiser. Je mords les miennes essayant de retenir mon envie de l'embrasser de nouveau.
— À quelle heure est mon enterrement? (Il sourit laissant découvrir ses dents blanches).
  Je secoue la tête et recule pour me concentrer à chercher une solution.
— J'en parlerais à Thor dès la première heure. Vous attendrez dans le hall de ses appartements que je vous fasse signe.
— Bien. Combien de temps avons-nous avant l'aurore?
   Je jette un regard sur le ciel étoilé, et fronçant les sourcils lui répond qu'il nous reste environ 2h30.
— Vous devriez aller vous coucher Freyja.
   Je tourne mon visage vers lui, soudainement douteuse de la réalité de la situation.
— Et vous disparaîtrez durant mon sommeil. (Je fronce les sourcils et serre les poings).
   Loki fait quelques pas vers moi et s'inclinant me tend sa main. J'y glisse mes doigts, il y dépose un baiser puis me lançant un regard malicieux se dirige vers la porte. Nous nous enfuyons parmi les couloirs en prenant soin de ne pas faire de bruit. J'ouvre violemment la porte qu'il referme après lui.
    Sur mon lit, une fleur blanche de même nature que celle du parfum et déposée près d'un petit carton où est écrit d'une écriture masculine:

Freyja, veuillez être certaine de ma présence à vos côtés durant ces temps douloureux. J'espère pouvoir vous apporter le réconfort dont vous avez besoin. Je ne vous laisserais pas perdre votre sourire.
    Balder

    Le souffle de Loki dans mon cou m'informe qu'il a lu le mot. Je le presse contre ma poitrine pour le lui cacher.
— Balder. Donc votre cœur est habité par cet homme.
— Balder est un ami précieux.
   Les sourcils noirs de Loki se lèvent, il secoue la tête et soupire.
— Un ami précieux... (répète il dans ses pensées).
   J'attrape la fleur et pose ces deux cadeaux sur la table du petit salon.       
   J'avance ensuite vers Loki qui regarde au dehors le ciel illuminé. Je passe mes mains autour de sa taille et colle ma joue contre son omoplate. Le souffle irrégulier du dieu me fait comprendre qu'il n'est pas maître de ses émotions. A chaque contact, ses muscles se contractent, ce qui me fais intensifier mes gestes. Je me dresse sur la pointe des pieds et colle mes lèvres chaudes contre son cou brûlant. Il se tourne lentement vers moi:
— Que veux-tu de moi Freyja? (Il fronce ses sourcils, et pose la paume de sa main contre ma joue).
— Je veux tout de toi. (Son pouce glisse sur ma lèvre inférieur).
— Et si je te déçois?
   Le visage de Loki est de nouveau triste et angoissé. Comment lui prouver à quel point il compte pour moi? A quel point je veux passer le restant de ma vie à ses côtés.
— Tu ne peux pas me décevoir Loki...
— Mais si...(Ses doigts continuent de tracer les traits de mon visages)...si c'est le cas.
— Et bien je recommencerais à t'aimer, et je recommencerais, encore et encore, jusqu'à ce que tu comprennes que tu es tout pour moi.
   Son index s'arrête au milieu de ma joue. Ses prunelles vertes me fixent quelques instants. J'entends les battements de son cœur déchirer sa poitrine.
— Tu devrais aller te reposer.
Je lui souris et me détache lentement de lui pour m'accorder quelques minutes dans la salle de bain. Quand j'en ressors, je suis vêtu d'une nuisette bleu nuit en soie. Loki est allongé sur le lit, les yeux rivés sur le plafond. Je pose une main sur l'une des colonnes du lit à baldaquin:
— Loki je me demandais...
Il redresse la tête et se positionne sur un coude pour pouvoir m'écouter. Je m'assois sur le lit, le dos contre l'obélisque et hésite avant de me lancer:
— Pourquoi ne pas m'avoir dit que tu étais adopté ?
Il ferme les yeux et baisse la tête. Il aurait de toute évidence préféré éviter cette conversation.
— C'est une honte pour moi.
— Pourquoi cela? Au contraire c'est une preuve d'amour de la part d'Odin et de Frigga.
— (il secoue la tête et s'allonge de nouveau). Odin avait un but en m'enlevant.
— En t'enlevant?
Loki se lance alors dans le récit de son adoption. La trouvaille du bébé de Laufey sur Jötunheim, le fait qu'il ait grandi sans savoir ses véritables origines, qu'il ait appris il y a quelques années seulement d'où il venait. Le but d'Odin était de faire un pacte entre les deux planètes, à travers Loki. Je reste persuadée que le père de toute chose aimait véritablement son fils.
— [...] J'ai donc compris d'où venait cette préférence pour Thor... (il s'interrompt soudainement, pensant en avoir trop dit).
   J'allonge mon corps à côté du siens, posant ma tête dans le creux de son bras, et mes jambes recroquevillées sur les siennes.
— Quand accepteras-Tu que tes parents aient pu t'aime réellement.
— Ce ne sont pas mes parents...
— Loki... (j'enroule son torse de mon bras)... aimes-tu Frigga comme une mère?
   Je sens son corps se raidir à la mention de ce nom.
— Oui.
— Et bien soit sûr qu'elle t'aimait comme une mère. Et Odin de même. »
   Il ne répond rien à cela, se contentant de fermer les yeux. J'imite son geste, et sens la fatigue me rattraper.

New Soul Where stories live. Discover now