Chapitre 5 : J'ai besoin de parler

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Ma mère perd tellement de sang à mes côtés que mes larmes se mettent à couler instantanément. Qui plus est, l'odeur du fer est insoutenable et me donne des haut-le-cœur.

- Reste avec moi, je t'en supplie ! Je n'ai que toi dans ma vie, tu ne peux pas me laisser toute seule. Je te l'interdis, tu m'entends ! crié-je à l'intention de ma maman inconsciente sur le siège conducteur.

Tout d'un coup, je sens une présence à mes côtés. Un parfum à base lavande vient progressivement chasser celui du sang. Je peux deviner aisément qui est derrière mon épaule bien avant qu'il ne commence à parler.

- Tu sais que ça ne sert à rien, elle est déjà loin, murmure-t-il à mon oreille.

- Arrêtez, ne dites pas ça ! Elle ne peut pas être partie, elle n'a pas le droit.

- Tu dois passer à autre chose. Tu dois m'aider et cette fois-ci, c'est moi qui te supplie de le faire.

- Moi, j'aimerais que vous l'aidiez, mais on n'a pas tout ce que l'on veut dans la vie, n'est-ce pas ?

- Quelle têtue ! soupire-t-il dans sa barbe naissante.

D'un seul coup, la voiture encastrée dans la boutique de fleurs laisse place à une prairie verdoyante illuminée par un soleil de plomb. L'odeur d'herbe coupée me rappelle les journées de mon enfance en compagnie de ma mère et je me sens tout de suite rassurée.

Le changement brutal de situation ne me déboussole pas plus de cinq secondes. Je me lève en prenant soin de remettre en place ma belle robe jaune et cherche un indice pour savoir où je me trouve. Quand soudainement, une main très douce vient se poser sur mon épaule pour m'encourager à me retourner.

Face à lui, je perds ma capacité à parler. Il me perturbe à me regarder avec ses yeux d'un bleu comme je n'en ai jamais vu auparavant. Mon malaise ne fait qu'augmenter quand il décide de me prendre dans ses bras. Sa proximité est à la fois rassurante quant à la chaleur qui émane de son corps, mais tout aussi stressante.

- Cette fois-ci, écoute attentivement ce que j'ai à te dire et ne commence pas à me couper la parole, ajoute-t-il en supposant que j'allais le faire. Je t'en supplie, il faut que tu m'aides. Nous comptons sur toi, tu ne peux pas nous décevoir et surtout le décevoir. Fais un effort, s'il te plaît !

***

Je me réveille en sursaut comme approximativement tous les jours depuis quelques semaines. C'est sans doute la première fois que mon rêve ne se déroule pas que sur le lieu de l'accident. Mon cerveau doit carburer quand je dors pour avoir une imagination aussi étendue. Je devrais sérieusement penser à aller voir quelqu'un avec qui je parlerai.

J'ai une idée qui pourrait marcher. J'irai un peu plus tard dans l'après-midi pour être sûre d'être seule. Ça fait longtemps que je ne m'y suis pas rendue et aujourd'hui est malheureusement le jour parfait.

En attendant le moment fatidique, je décide de sortir de chez moi pour aller promener le chien de ma voisine comme tous les samedis matin depuis des années. La pauvre, elle ne peut plus se le permettre à cause de son vieil âge. Alors, je lui ai soumis l'idée, pendant un repas où nous l'avions invitée, que je puisse l'emmener en balade de temps en temps. J'adore depuis toujours les animaux et cela m'a permis de vivre partiellement le rôle de propriétaire le temps de plusieurs après-midi.

Taz, un labrador d'onze ans, m'attend sagement dans sa cour en aboyant joyeusement. Il sait pertinemment que je viens lui faire sa promenade et qu'il va pouvoir aller courir dans l'eau comme un fou. À peine lui ai-je mis sa laisse, que monsieur remue la queue, pressé de partir à l'aventure.

Dans les songes de Kaelia [Terminé]Where stories live. Discover now