Chapitre 29 : Rien ne nous lie, lui et moi

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Comment ai-je pu passer à côté de ça durant toutes ces années ? Je n'ai jamais songé à ce petit détail, si insignifiant à mes yeux, étant encore jeune et en pleine adolescence. Par le passé, j'ai juste cru qu'elle venait fouiller dans ma vie privée à la recherche de divers secrets me concernant, par exemple, ma situation amoureuse. Que j'ai, par ailleurs, toujours cherché à cacher de peur de me faire réprimander !

Je dégage la couette qui se trouve sur moi et file à toute vitesse dans le grenier. Mes pas sont lourds, les planches de l'escalier craquent, mais qu'importe, je veux enfin avoir des réponses claires et précises provenant de ma mère. À cause du bruit que ma précipitation provoque, Ali ouvre, dans un état de panique, la porte de sa chambre.

- Kaelia, qu'est-ce que ce boucan ? me demande-t-il encore endormi tout en se frottant les yeux pour mieux me voir.

- Ce n'est rien, retourne te coucher Papy, répliqué-je en m'empressant de grimper vers la pièce sombre et poussiéreuse.

Il me regarde monter quatre à quatre les escaliers puis regagne son lit comme si de rien n'était. Une once de remords me traverse l'esprit. J'aurais dû faire un peu moins de bruit, je ne voulais pas le réveiller d'aussi bonne heure.

Une fois la lumière allumée, les quelques cartons mis sur le côté et après avoir épousseté celui qui m'intéresse, je m'assois au milieu de mes nombreux carnets. À l'approche de mes dix-huit ans, j'avais pris une grande résolution, fini les agendas secrets et bêtises d'adolescents. Tout a été placé dans une boîte, caché sous des pulls de Noël et rangé, loin de moi, au grenier. Je n'ai plus jamais voulu en entendre parler. Cela me rappelait beaucoup trop de souvenirs et puis, il était temps que je passe à autre chose.

Le calepin rose, orné de différentes paillettes de toutes les couleurs accompagnées de multiples têtes de mort, se détache nettement des autres. C'est bien celui qu'elle a pris quand elle est venue me dire de mettre mes affaires à laver dans mon rêve. Je le survole brièvement, mais rien n'a été glissé parmi les pages. Je l'empoigne alors par le dos et décide de le secouer dans tous les sens, persuadée qu'un papier provenant de ma mère si trouve. Et bingo ! Une enveloppe un peu jaunie par le temps se détache des feuilles qui étaient collées entre elles.

Je la saisis tout en poussant avec soin tous les carnets qui jonchent le sol du grenier et impatiente, je l'ouvre délicatement. Je reconnais assez facilement sa fine écriture qui est apposée sur longue lettre. Prenant mon courage à deux mains et en soufflant un bon coup, j'entame la lecture de ce qui est, sans doute, ses derniers mots adressés à mon égard.

« Ma chérie,

Si jamais tu trouves cette lettre, c'est que c'est déjà trop tard. Ils m'ont retrouvée et je ne suis, probablement, plus de ce monde, à mon plus grand regret. Je suis vraiment désolée, mon amour, de t'avoir abandonnée, mais sache que je n'ai jamais cessé de t'aimer. »

Face à ces mots, je ne peux empêcher le flot de larmes dévaler le long de mon visage. Les souvenirs de ma mère reviennent au galop dans mon esprit, entre sa voix, ses caresses et son odeur, tout me semble encore si réel, comme si cela ne fait pas six ans qu'elle n'est plus à mes côtés.

« Je pense que je te dois des explications face à ma mort, qui a sans doute été brutale et impromptue.

Cela fait plusieurs semaines que mes nuits sont perturbées par un homme du nom de Soen. »

Étrangement, ce prénom me rappelle quelque chose. Il me semble avoir déjà rêvé de lui.

« Au début, je me suis dit que je délirais, mais plus les nuits s'enchaînaient et plus je rêvais de lui sans jamais l'avoir rencontré. Du moins, c'est ce que je croyais. En temps normal, je ne me souviens jamais de ce qu'il se passe durant mon sommeil, mais étrangement, ceux-ci me restaient en tête toute la journée. Au fin fond de moi, j'étais persuadée que je le connaissais, mais cela me paraissait bien improbable, sachant qu'il venait de mon inconscient.

Dans les songes de Kaelia [Terminé]Where stories live. Discover now