Chapitre 33 : Je n'ai plus dix ans

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La conversation ne s'éternise pas à cause de mes bâillements incessants. La fatigue a pris le contrôle de mon corps, ne laissant pas le choix à Loukas que de nous congédier.

- Je pense que cela suffit pour aujourd'hui. Ton enveloppe corporelle a besoin de récupérer, cela fait bien longtemps qu'elle n'a pas été en action. Et la cohésion entre l'âme et ce dernier est toujours un peu délicate après un voyage sur Terre. Ton état est totalement compréhensible, mon enfant. Sophia, vous pouvez l'accueillir chez vous ?

Celle-ci prend son rôle très à cœur. Elle me serre dans ses bras, tout en disant que ce serait un honneur pour elle de pouvoir garder la fille de son amie d'antan. Nous saluons le chef des rebelles et partons toutes les deux de cet endroit, qui me donne la chair de poule, laissant Loukas ranger ses papiers.

Sophia me tend à nouveau le foulard que j'avais en arrivant ici. Celui-ci va pouvoir cacher ma longue chevelure et m'empêcher de me faire repérer. Je voudrais éviter de finir sur cette grande place avec une épée sur mon cou, pour mon premier jour parmi les miens.

Une fois sortie du bâtiment, elle me guide à travers les routes pavées, ressemblant fortement à celles que l'on peut trouver dans les vieux centres-villes de certaines villes sur Terre. Autour de nous, il n'y a pas un chat. Tout le monde doit encore être près de la place publique à regarder cet horrible spectacle.

Un sentiment de tristesse m'envahit quand je vois le nombre de maisons qui se retrouvent sans propriétaires. Les portes sont grandes ouvertes, les décorations ainsi que les meubles sont toujours présents, mais la nature semble avoir repris ses droits. Le lierre s'infiltre de partout. L'herbe et les racines des plantes poussent à travers les planches de bois qui naguère faisait office de plancher. Cela doit faire longtemps que cette rue n'existe plus pour les Malurniens.

Sophia presse le pas devant chaque maison avec un air triste, le fait d'emprunter cette voie, n'est clairement pas une partie de plaisir. Je me demande bien ce que sont devenus les propriétaires de ces maisons. Sans doute mort par la main du roi ou alors envoyé sur Terre comme j'ai pu l'être par le passé avec ma mère.

Une fois sorties de la section déserte de la ville, nous nous éloignons vers une étendue boisée où de grands eucalyptus se dressent fièrement. Les terrains de chacun sont plus espacés, les habitations et la nature vivent en harmonie avec les Malurniens.

Nous arrivons face à une maison en bordure de forêt encadrée d'arbres somptueux. C'est une vaste bâtisse faite avec des pierres de granite dont la devanture est embellie par diverses fleurs et plantes grimpantes. Je suis émerveillée, subjuguée par le charme du lieu.

Cet endroit semble si loin de la réalité horrifiante qui règne sur cette planète. Une vraie bulle de bonheur m'entoure, me rappelant mes rêves dans ce champ de coquelicot en compagnie d'Amaël. La même sensation de bien-être envahit tout mon corps et me détend. Sophia se retourne vers moi pour m'annoncer que nous sommes arrivées chez elle. Elle me dit qu'elle est très fière du rendu de ce qu'elle a construit avec l'aide de son mari. Et il y a de quoi, c'est somptueux.

- C'est ce que les gens aimaient autrefois sur Malurn. La beauté de la nature remplissait, à elle seule, notre cœur de bonheur et cela nous suffisait pleinement à vivre heureux. Mais il a fallu qu'une stupide guerre de pouvoir vienne s'interposer.

Je comprends ce qu'elle veut me dire, c'est vrai que sur Terre c'est un peu la même chose. Les gens sont plus préoccupés par l'argent ainsi que le boulot. Ils ne pensent pas à regarder ce que la nature peut leur offrir. Le matin avant de partir à l'université, j'avais pris l'habitude de contempler le ciel et observer l'environnement qui entourait mon quartier. J'avais déjà ressenti cet apaisement, ce petit moment de bonheur qui emplissait mon être.

Dans les songes de Kaelia [Terminé]Onde histórias criam vida. Descubra agora