Chapitre 15 : Je te prie de dégager

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La sonnerie entêtante de mon réveil me sort d'un rêve un peu déstabilisant concernant encore une fois Amaël et ma mère. Je n'ai qu'une envie, c'est de pleurer et de relâcher cette pression qui comprime mon cœur. Mes nerfs sont à bout depuis plusieurs semaines. La motivation de bouger, de passer du temps avec mes amis ou même d'aller en cours disparaît progressivement. Ce qui est contradictoire, car je n'ai aucune intention de regagner mon lit en fin de soirée.

Alister m'a convaincue d'aller voir un psychiatre pour m'aider à traverser cette période difficile qui me gâche la vie. Dormir est un besoin vital, m'avait dit le docteur, un être humain doit profiter pleinement de sa nuit pour pouvoir être actif et en forme durant la journée. Il m'avait donc prescrit des médicaments, qui en théorie devaient m'aider à trouver le sommeil profond sans cauchemars, mais en pratique cela ne s'est pas réalisé.

Je prends mes pilules depuis plus de trois semaines maintenant, presque un mois après avoir fait une courte promenade avec Amaël et Taz sur la plage. Rien n'a changé depuis, les rêves sont toujours présents. Bien que je n'aperçoive presque plus Amaël à l'université, celui-ci ne cesse de venir me déranger la nuit.

En ce moment, mes cauchemars ne parlent que d'un vieux carnet aux bords émoussés que ma mère devait entretenir lors de son voyage sur Terre. Au début, je me pensais folle, mais plus je fais ce rêve, plus je me dis que je ne perds rien à chercher ce foutu calepin dans les affaires de ma maman.

Alister a entreposé la plupart de ses boîtes dans le grenier au-dessus de ma chambre après l'annonce de son décès. Il m'a épargné ceci, fort heureusement, car j'étais dans l'incapacité à l'époque de faire face à ses photos, ses vêtements dont son odeur était imprégnée. Ce qu'il restait de sa vie, de son passage sur Terre ne se résumait qu'à ses cartons enfermés dans les combles sombres où nous ne mettons jamais les pieds.

Repoussant avec ferveur ma couette de couleur pastel, je m'empresse d'enfiler mes chaussons en forme de tête de lapin. L'envie de découvrir ce que contiennent ses cartons et me remémorer les souvenirs de ma mère m'incite à trouver la force de me lever, une première depuis quelques jours.

Entendant du bruit provenant de ma chambre d'enfant, Ali accourt du salon pour comprendre ce qu'il se passe. Il est surpris de me voir tenir l'échelle menant au grenier dans mon pyjama à fleurs.

- Mets un pull, Kaelia, il va faire froid, halète Ali avant de reprendre sa respiration. Les boîtes de ta mère se trouvent tout au fond près de ton panier en osier contenant tes peluches.

Comment a-t-il deviné que je comptais regarder dans ses affaires ? Serait-il voyant ? Je le remercie en hochant la tête avant de continuer mon ascension vers les combles sombres où se trouvent tous mes souvenirs de ma jeunesse.

Mettre pour la première fois les pieds depuis des années dans ce lugubre endroit où aucune lumière ne passe me fait l'effet d'un coup de poing dans le cœur. Munie de ma lampe torche, je cherche ma fameuse panière en osier contenant mes doudous qui m'ont accompagnée durant toute ma tendre enfance. Elle n'est pas très dure à localiser dans ce désordre plein de poussières. Elle est tellement grande que je me demande comment il a fait pour pouvoir la monter ici sans avoir besoin d'aide.

Autour de celle-ci se trouvent différentes boîtes où il y a marqué au feutre noir légèrement effacé, Amélia. Je prends soin d'enlever les poussières les recouvrant avant d'essayer de les descendre une par une dans ma chambre. Il faudrait qu'on fasse un peu de tri dans ce grenier où les traces du temps qui passe s'amoncèlent.

Ma chambre qui n'était pas rangée à la base est devenue un vrai champ de bataille où se mélangent mes vêtements et ceux de ma mère. Comment est-ce que je vais faire pour trouver ce qu'il m'intéresse à l'intérieur de ses dizaines de boîtes en carton ? Un par un, je m'attarde sur chaque objet et je me remémore les souvenirs que chacun me renvoie. Je pleure, je pleure beaucoup, mais cela me fait du bien d'évacuer ce que j'ai sur le cœur. Tu me manques terriblement, maman.

Soudain, la porte de ma chambre s'ouvre lentement dans un grincement, laissant apparaître un Trystan un peu déstabilisé par le désordre qui se trouve dans ma pièce ainsi que mon visage inondé de larmes. Je lui fais signe de rentrer et me remets à chercher un carnet pouvant expliquer mes rêves, bien que je sois persuadée qu'il ne peut pas exister.

- Que cherches-tu ? murmure Trystan, ne sachant pas comment m'adresser la parole.

Cela fait quelques jours que j'ai du mal à m'exprimer avec lui, je ne sais pas comment réagir en sa présence. Il va me prendre pour une folle si je lui raconte, encore une fois, mes rêves, comme il l'a déjà fait par le passé. J'ai alors tout gardé pour moi pour ne pas voir le désespoir au fond de ses yeux.

- Un carnet que ma mère entretenait quand j'étais plus jeune, déclaré-je en observant son regard étincelant d'amour et de pitié pour moi.

- Qu'est-ce qu'il y a dans ce cahier, des pistes qui pourraient m'aider à le trouver ? me demande-t-il pour participer à mon bazar.

- Aucune, juste un calepin, soupiré-je en omettant le fait qu'il doive posséder des mots venant d'une autre planète ou alors des constatations sur la Terre.

Nous cherchons pendant plus d'une heure jusqu'à ce que Trystan décide d'aller dans la cuisine pour nous prendre une petite collation. Je l'entends descendre les escaliers avec empressement puis discuter avec Alister. Je parviens à saisir des bribes de conversation où Trystan énonce à maintes reprises mon prénom. Je discerne plusieurs mots ou morceaux de phrases qui ne me font ni chaud ni froid : elle ne va pas fort, elle délaisse ses amis, sa famille, la faculté. Le mot aidé revient plusieurs fois à leurs lèvres, mais j'arrête d'y prêter attention et me concentre sur la seule tâche qui me tient à cœur, ce foutu carnet dont tout le monde parle dans mes rêves.

Trystan remonte me voir avec une assiette de cookies tout chauds sortant du four. Alister a dû les préparer quand Trystan a passé la porte de notre maison. Cela fait partie d'un des péchés mignons de mon copain, avec les burgers. Nous partageons la même passion des cookies, mais je refuse poliment celui qu'il me propose pour me replonger dans la lecture d'un des nombreux cahiers présents sur la moquette de ma chambre.

- C'est vraiment glauque de conserver les dates du début des guerres dans ses affaires quand même, déclare Trystan après avoir lu plusieurs journaux jaunis avec le temps. Et puis, celle des morts de personnalités un peu dérangés de son époque. Ta mère gardait des choses sans intérêt, soupire-t-il en reposant ses trouvailles dans le bordel qu'est devenue ma chambre.

- Garder des choses sans intérêt, aboyé-je en le dévisageant avec un regard noir. Comment oses-tu me dire ça ?

- Ne le prends pas mal, Kaelia, je disais juste ce qu'il me passait par la tête. Je ne suis pas le genre de personne à collectionner des journaux, c'est tout ! Ce n'est en rien un reproche.

Je fulmine, personne n'a le droit de dire quelque chose sur ma mère. Personne ne doit porter de jugement sur ce qu'elle faisait ou ce qu'elle conservait, même pas mon copain.

- Je suis comme elle, je garde des choses sans intérêt à mes côtés, un peu comme toi. Je te prie de dégager de ma chambre immédiatement ! crié-je à son intention en lui jetant au visage le pauvre carnet que j'ai dans les mains.

Face à ma colère grandissante, il sait qu'il ne peut rien dire pour arranger son cas et préfère quitter la pièce en silence après m'avoir murmuré avec sa douce voix un « je t'aime » qui a du mal à parvenir à mes oreilles tellement je suis énervée contre lui et ses paroles.

***

Coucou !

J'espère que vous allez bien. Me revoilà avec un nouveau chapitre, où l'on retrouve une Kaelia de plus en plus atteinte face à sa situation et ses cauchemars incessants.

Qu'en avez-vous pensé ?

Comme d'habitude, n'hésitez pas à mettre des commentaires et à voter !

Je vous dis à la semaine prochaine pour un autre chapitre axé sur un des nombreux rêves de Kaelia.

Bisous :)

Dans les songes de Kaelia [Terminé]Where stories live. Discover now