Chapitre sept ➳ Premier instant

146 15 11
                                    

– Tiens, reprend-t-il en se dirigeant vers sa commode placée sous sa fenêtre.
Connor ouvre le premier tiroir et en sort un bonnet gris. En trois pas, il se retrouve face à moi et, lorsqu'il me tend le bonnet en laine, je lis de la nervosité dans ses yeux. Il n'y a plus aucun signe de moquerie sur son visage, seulement de la gentillesse et je me surprend à aimer le regarder.
Je secoue la tête discrètement et prend ce qu'il me tend, le cœur battant.
– Tu peux me le mettre ? Demande-je doucement, peinant à retenir le rouge qui me monte aux joues.
– Oui, répond-t-il du tac au tac.
Il me reprend le bonnet des mains et me le met maladroitement sur la tête. Lorsque son corps s'approche si près du mien, je sens mon cœur s'emballer dans ma poitrine. La sensation de ses mains qui me touchent me fait frissonner, et je me gifle mentalement de réagir de la sorte. L'atmosphère autour de nous devient tendu, mais pourtant si calme et apaisé. C'est agréable.
Connor ajuste correctement son bonnet sur mes cheveux et me regarde, m'examinant avant de lever son pouce en l'air en signe d'approbation. Sous ses yeux admiratifs, je me sens étrange, engourdie : c'est bien la première fois que je le vois ainsi et cela me plaît étrangement.
Est-ce normal que mon cœur ne cesse de faire des siennes dans ma poitrine ?
– Il te va mieux qu'à moi, admet-il en fuyant le regard, les mains enfoncées dans les poches de son jean.
– Merci.
Pourquoi est-il si nerveux ? Je n'en sais rien. Cependant, je sais une chose : j'aime étrangement savoir que je porte quelque chose qui lui appartient. Mais pourquoi ? Ma réaction est totalement absurde. Je me giflerai bien, tiens. Je devrai fuir ce personnage impoli et arrogant, je devrai ne pas souhaiter m'approcher de lui hors des moments où nous nous croisons dans le couloir. Je devrai chercher à écourter les conversations que nous pouvons avoir, mais il y a quelque chose qui me pousse à faire l'exacte opposé de tout cela. Peut-être que je ne cherche qu'un ami, après tout ? Une compagnie sympathique, je cherche une compagnie sympathique. Ce doit être ça. Même si Connor n'a pour le moment rien d'une sympathique compagnie.
Quoi qu'il en soit, je sors de sa chambre avec un léger sourire de remerciement, pour le bonnet, et fais un arrêt par la mienne afin de récupérer une veste dans mon petit dressing. J'attrape celle que je porte depuis bientôt 3 mois, depuis ma libération, en fait. C'est une veste en cuir noire où est inscrit dans le dos, en lettres manuscrites blanches, « BOYD ». Je n'ai jamais su d'où elle venait, ni ce que signifiait ce mot à l'arrière, mais je l'aime bien. Elle m'apporte un réconfort que je n'ai pas en temps normal, et ce parfum à l'intérieur... C'est très masculin, très brut et doux à la fois. Cette veste est la seule chose qui me rattache à mon passé, et je refuse de m'en séparer. Lorsque je me suis réveillée sur le goudron mouillé, peu après qu'un ange me soit venu en aide, j'avais cette veste sur le dos. Et, en dépit d'avoir perdu tous mes souvenirs des deux dernières années, j'ai au moins ça pour me rappeler que je suis vivante, que je m'en suis sortie. J'espère un jour recouvrer la mémoire afin de savoir d'où vient cette veste en cuir que je mets sur mon dos à l'instant précis, car dès lors que je la porte, j'ai la sensation d'être en lien avec quelqu'un, d'être relié directement à la personne qui aurait pu me la donner... C'est fou, je sais. Mais c'est le sentiment que j'ai et je ne suis jamais parvenu à m'en défaire.
Alors que je me retourne, ma veste enfilée et la bandoulière de mon petit sac sur l'épaule, j'ai un petit sursaut en voyant Connor me regarder, l'épaule appuyé sur le montant de ma porte ouverte. Mon cœur palpite, encore sous l'effet de surprise, alors qu'il plisse les yeux en voyant mon blouson. Une expression étrange se place dans son regard, comme si... comme s'il aimait voir que je porte cette veste ?
– Qu'est-ce qu'il y a ? demande-je, immobile face à lui et son léger, très léger, rictus.
– Elle te va très bien.
Sa voix est pleine de nostalgie, comme si cette veste lui rappelait un souvenir. Peut-être connaît-il quelqu'un qui a le même blouson ? C'est certainement ça. Je note que c'est la deuxième fois en moins de cinq minutes qu'il m'adresse un compliment, et cela me flatte bien plus que ça ne devrait. Je le remercie avec un sourire timide, tentant de dissimuler mes joues rougissantes, et je remarque qu'il s'est vêtu également vêtu de son blouson en cuir. Je ne lui demande pas s'il va quelque part, trouvant cela indiscret, et me contente de sortir de ma chambre alors qu'il s'écarte pour me laisser passer. Je ferme la porte derrière nous et avance dans le couloir, Connor sur mes talons. La question me brûle les lèvres alors que nous arrivons devant la porte d'entrée dix secondes plus tard :
– Tu vas quelque part, ou tu me suis ?
– Les deux, répond-t-il l'air détaché et son honnêteté me surprend.
– Tu viens avec moi ? M'exclame-je brusquement, ne cachant pas ma surprise.
Et ma joie de passer un moment en sa compagnie.
J'ai vraiment un problème.
Il ne me répond pas et sors de la maison. Cette humeur froide qu'il arbore m'ennuie grandement, mais je ne dis rien. S'il ne voulait pas m'accompagner, il lui suffisait de rester à la fraternité. 
Et si il me faisait une blague ? Non, impossible. Du peu que je le connaisse, je sais qu'il m'aurait déjà envoyé balader en me voyant le suivre jusqu'à ce qui semble être sa voiture. Et, en parlant de ça....
Sacré bolide ! 
C'est une berline noire maculée, signé Mercedes Benz. Même si je ne suis pas du genre à rêver d'avoir une voiture de luxe, je suis forcé d'admettre que celle-ci est vraiment jolie. Nous montons à l'intérieur et je m'affale littéralement dans le siège, appréciant le cuir ultra confortable de celui-ci. Connor met le contact et fait vrombir le moteur de sa voiture, souriant en coin en appuyant sur la pédale d'accélération. 
Les mecs et leur voitures. Cependant, je me surprend à le regarder attentivement, ou plutôt à regarder son sourire. Quelque chose se contracte dans mon estomac alors que je me mets à imaginer que cela pourrait être moi, sous ce sourire et sous ce regard appréciateur.  

Bad Boyd - Remember | T1Where stories live. Discover now