Chapitre vingt-neuf ➳ PDV Connor

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Trois heures plus tard, je termine de me préparer, passant ma main sur mes cheveux bruns plaqués par le gel. Sortant de la petite salle de bain après une bonne douche, avec pour seul vêtement mon pantalon, j'attrape mon Colt M1911 posé sur le lit de ma chambre d'hôtel et vérifie qu'il est bien chargé. Une fois fait, je le place dans la ceinture de mon pantalon, dans le bas de mon dos, et frissonne au contact du canon froid sur ma peau brûlante. 
J'enfile ensuite mon gilet pare-balle, mon t-shirt et mon Holster d'épaule dans lequel est logé mon précieux revolver Chiappa Rinho. Manquant de ma deuxième peau, j'attrape aussitôt mon blouson en cuir posé sur une chaise non loin de moi et l'enfile par dessus mon équipement. Me préparant à ce qui va suivre, je ne manque pas de faire craquer chaque articulations de mes mains, poignets, et d'un mouvement d'épaule, je fais craquer mon dos. Soufflant un bon coup, fin prêt, je sors de la pièce qui me sert de dortoir depuis maintenant deux semaines.

L'air de rien, comme si je m'apprêtais à partir faire mes courses, je ferme la porte de ma chambre d'hôtel derrière moi, emprunte l'ascenseur et sors du bâtiment en brique rouge par les portes tournantes, les mains dans les poches de mon blouson.

En y réfléchissant, c'est un peu comme si j'allais réellement faire mes courses. J'ai déjà choisi mon article, qui est Abbie, mais contrairement à ce que font les gens normaux, je ne me contente pas de passer à la caisse pour payer. Je supprime de mon passage les clients susceptibles de me voler mon article, et après, je vais à la caisse.
Ou pas.

Paye-t-on quelque chose qui nous revient de droit ? Je n'en suis pas certain.
Et, oui, Abbie me revient de droit.

 Je monte dans ma berline sans prendre la peine de boucler ma ceinture de sécurité et quitte le parking, prenant la route pour l'entrepôt.
Est-ce que je suis stressé ? Non.
Est-ce que je veux faire machine arrière ? Non.
Est-ce que je suis un putain d'enculé pour ce que je m'apprête à faire ? Oui.
Mais si c'est le prix à payer pour sauver Abbie et pour la venger, j'en ai rien à foutre.

 – Allô ? Connor ?
La voix de l'agent Kallagan retentit à l'autre bout du fil alors que je mets le haut parleur et pause le téléphone sur le tableau de bord. Mon smartphone glisse lorsque je tourne dans un virage pour finalement tomber dans une paire de chaussures posées sur le tapis, en face du siège passager. Un rire s'échappe de ma gorge lorsqu'une idée de surnom me vient en tête pour l'agent Kallagan : gueule de pompe. 
Pas mal. 
– Ouais.
– Tout est prêt. On n'attend plus que vous. Nos équipes d'interventions sont postées tout autour de l'entrepôt. Où sont vos hommes ?
– Déjà là-bas.
– Êtes-vous certain de vouloir faire ça ?
– Ouais.
Je grille tous les feus rouges, ne prêtant pas attention aux voitures qui me klaxonnent lorsque je leur coupe le passage.
Abbie n'aimerait pas ma conduite, me dis-je à moi même en riant.
Ta gueule, connard ! On s'en branle qu'elle aime ou pas ta conduite. 
Qu'est-ce qui m'arrive, putain ?
– Bien. Nous attendons votre signal.
– Je déclenche l'alarme incendie et vous entrez. Salut, gueule de pompe.
- Qu'est ce que vous venez de d...
Je raccroche en pouffant.
Prenant une seconde pour réfléchir à nouveau à notre plan, je grille à nouveau un feu rouge et me fait klaxonner par une minette mécontente.

J'en ai rien à foutre. Mon cœur palpite d'impatience dans ma poitrine. 
Qui aurait cru que je ferai une alliance avec le FBI et la CIA pour libérer une fille ? Personne, pas même moi. C'est une première, mais j'ai tout de même réussi à négocier correctement : Si je les aide à démanteler le plus gros cartel de drogue de l'Oregon, ils me laissent sortir Abbie de là sans m'arrêter, et en bonus, ils laisseront mon cartel tranquille pendant un certain temps.
Ce qui est une bonne chose, même si cela ne durera que quelques mois.
D'ici là, j'aurais déjà trouvé un nouveau plan pour échapper aux flics. 

5 minutes plus tard, j'arrive à destination avec le cœur toujours fou, les mains moites et le visage fermé au possible.

C'est l'heure.
Ça y est.

Je jubile intérieurement. Abbie n'a aucune idée de ce qui l'attend, et ça me fait sourire. Elle ne sait pas que bientôt, elle sera une femme libre. Elle ne sait pas que je m'apprête à respecter ma promesse, la toute première que j'ai faite en vingt-deux ans d'existence. 

Je descend de ma voiture l'air de rien, claquant la portière derrière moi, un sourire diabolique sur les lèvres alors que je traverse le parking parsemés de quelques voitures par-ci par-là. J'aperçois non loin de là des voitures de flics, des fourgons, et des hommes cachés un peu partout. L'agent Kallagan, posté non loin des portes principales de l'entrepôt, sur le côté, me fait un signe de la main et je lui répond par un signe de tête.
C'est étrange d'agir ainsi. Habituellement, je n'aurais fait qu'une chose : fuir, ou tirer à bout portant. Hors, désormais, eux et moi sommes dans le même camp, et merde, c'est vraiment, vraiment bizarre.

Je pousse les portes qui grincent sur leurs rails et ne les referme pas derrière moi, ce qui est contraire au règlement de l'entrepôt. Pourquoi le faire ? Tout le monde va chercher à s'enfuir dans peu de temps, je leur facilite la tâche.
Je suis un ange.
J'ignore les regards accusateurs, curieux et désapprobateurs alors que je traverse l'entrepôt à grande enjambée, la tête haute, les mains toujours dans les poches de mon blouson. Je croise Ledell sur mon chemin, et je ressens une pointe au cœur lorsqu'il m'adresse un sourire et un signe de la tête.
On se reverra, l'ami, me dis-je en lui rendant son sourire, un brin de nostalgie dans le regard.
Aucun signe d'Emett et Cody, ils doivent être dans les pièces à l'arrière. Sans surprise, je ne vois pas Rivera et me dit qu'il a bien fait de partir.

Je pars en direction de la pièce où est Abbie et, sans grand étonnement, je la trouve endormie lorsque j'ouvre la porte et que la lumière de l'extérieur filtre légèrement dans la pièce. Avec le flash de mon téléphone que je pose dans un angle, j'éclaire en direction du matelas devant lequel je m'accroupis, attrapant Abbie par les épaules afin de l'aider à s'asseoir.
– Hey, tu m'entends ? chuchote-je en inspectant son visage.
Aucune réponse. Sa tête tombe en arrière, et je la redresse à l'aide de ma main.
– Réveille toi, ma jolie, je réitère en la secouant légèrement.
– Mhhh...
– Abbie, ouvre les yeux.
Elle le fait et je ne peux m'empêcher de sourire, sentant mon cœur s'accélérer d'excitation dans ma poitrine.
Mauviette.
– Tu me reconnais ?
– Oui, dit-elle la gorge sèche.
– Ils t'ont donné une autre dose, depuis que je suis passé ?
Elle fronce les sourcils, ferme les yeux et recule légèrement sa tête, comme si elle était prise d'une violente migraine. J'attends patiemment qu'elle réponde, ne voulant pas la bousculer.

 – Non. Tu es... passé ? Ah, oui. Tu.. tu es revenu ?
– Tu croyais que j'allais te laisser ? Demande-je les yeux plissés. Je n'attend qu'une chose, c'est de te voir à nouveau sur pied. Tu vas sortir d'ici.
– Tout le monde m'a... abandonné. Pourquoi es-tu là ? Je... suis un fantôme... aux yeux de tout le... monde.
J'ai l'impression de recevoir une gifle en pleine gueule. La colère boue dans mes veines à l'entente de ses paroles. Je fronce le nez et pince les lèvres avant de lui faire lever la tête à l'aide de mon pouce et de mon index, que je place sous son menton, la forçant à me regarder. Abbie lève sur moi des yeux brillants, mi clos, et je plonge mon regard dans le sien. 
– Je t'ai fais une promesse, grogne-je d'un ton sévère.

Mon cœur se serre presque automatiquement. Un tel sentiment ne m'avait jamais attaqué, avant.
Mais, là, à cet instant précis, je ne veux plus la laisser partir.
Je ne veux pas qu'elle vive sans moi.
Merde ! Je dois me reprendre. Il le faut.
Je ne peux pas l'emmener avec moi. Je ne peux pas kidnapper une kidnappée.
Ou... peut-être que si ?
Non !
– Merci, chuchote la fille qui a abattue toutes mes rempares avec un simple regard.
Et, soudain, sans que je n'ai le temps de réagir, elle caresse ma joue de sa petite main et s'avance. Je suis incapable de bouger alors qu'elle pose ses lèvres sur le coin des miennes. Mon cœur bat fort dans ma poitrine tandis que mes paupières se ferment. Ma peau se couvre d'une chair de poule déstabilisante, et je me laisse emporter par les feus d'artifices qui explosent par centaine dans mon estomac. Mes épaules d'ordinaire tendues, s'affaissent d'une traite.

– Merci d'être venu... d'être resté et revenu, murmure-t-elle faiblement en reculant.
C'est plus fort que moi, je suis obligé de nicher ma main contre sa joue et de coller mon front au sien, comme si ce geste allait m'aider à accepter que je dois la sortir d'ici et l'abandonner, à mon tour. Tout en moi explose à la sensation de cette proximité entre elle et moi. Tout devient plus... simple, lorsque je la sens près de moi. 
Vraiment très près.
Abbie ne bouge pas d'un centimètre et souris même du mieux qu'elle le peut. Elle est probablement à bout de force.
– Souviens-toi, dis-je en la suppliant, laissant désormais mon cœur parler à ma place. Souviens-toi de moi, Abbie. N'oublie pas mon visage. Mon regard. N'oublie rien. 
– Je ne t'oublierai pas.
– C'est ce qui se produit après un choc émotionnel. Tu... tu vas perdre tous tes souvenirs.
– Non.
Si sûre d'elle, si naïve. Je baigne là dedans depuis tout petit, je sais de quoi je parle. Lorsqu'une victime est libérée, le choc d'être à nouveau libre prend place et alors, le cerveau agit et fait oublier à la personne tous les mauvais souvenirs.
Suis-je un mauvais souvenir pour elle ? Putain, non.
Je refuse de l'être.
Je la serre contre moi sans réfléchir. Ses petits bras s'enroulent autour de mon cou et m'attire plus près d'elle. Je niche mon visage dans son cou, et soudain, je me rend compte que c'est moi qui ai besoin d'être rassuré, d'être réconforté.
Pas elle.
Merde. 

Qu'est-ce que je suis entrain de faire, pour l'amour du ciel ?
– Connor. Je m'appelle Connor, dis-je dans son cou.
– Moi c'est...
– Abbie, je sais, la coupe-je en riant amèrement.
Comment pourrait-elle se souvenir de moi alors qu'elle ne se souvient même pas de m'avoir dit son prénom ?
Je prend son visage entre mes deux mains et sourit alors qu'elle émet à son tour un petit rire. C'est le son le plus adorable qu'il m'ait été donné d'entendre.
Et je suis officiellement devenu une mauviette.
– Connor, chuchote-t-elle pour elle-même. On se retrouvera. 

Bad Boyd - Remember | T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant