Chapitre vingt-huit ➳ PDV Connor

121 8 25
                                    

Durant l'heure suivante, je ne cesse de passer mes doigts rugueux sur la peau abîmée de cette fille à qui j'ai promis la liberté, cette fille désormais endormie, la tête confortablement installée sur mes genoux. Mon esprit est accaparé par sa voix, faible mais douce, et je ne peux pas arrêter de me demander pourquoi je tiens tant à lui offrir la vie qu'elle mérite.
Je devrais n'en avoir rien à foutre, marcher sans ne jamais me retourner vers elle. Je ne devrais pas avoir besoin d'être près d'elle dès lors que la pression autour de moi devient trop étouffante, je devrais m'assurer de ma propre survie avant la sienne.
Je ne sais plus qui je suis. Je sais qui je suis, seul, accompagné par mes démons et mes chaînes. Mais, près d'elle, je ne sais pas qui je suis. Le même homme de lorsque je marche à travers mes entrepôts, veillant à ce qu'il n'y ai aucune taupe parmi mes équipes ? Non. Le même homme qui n'a de pitié pour aucun foutu humain sur cette terre ? Toujours non.
Merde. Je suis qui, pour l'amour de Dieu ? Je refuse d'être le gentil petit ami qui vient chercher sa petite-amie à la sortie des cours et l'emmène voir le dernier film sorti au cinéma.
Je refuse d'être celui pour qui tout est simple, je refuse d'être celui à qui on chuchote des mots doux à l'oreille avant de s'endormir.
Je refuse d'être cet homme là, et, par dessus-tout, je refuse d'avoir besoin de toutes ces choses futiles pour avoir l'impression de respirer à plein poumon, d'avoir besoin de toutes ces choses puériles pour avoir l'impression d'être complet, comblé et compris.
Pourtant, une part de moi essaie tant bien que mal de m'y faire prendre goût. Et, plus je lutte, plus je sombre. J'ai l'impression de ne rien contrôler, qu'absolument tout ce qui m'entoure ne m'importe plus. J'ai la sensation de n'exister que pour une chose : Abbie.
Mais... merde. Je ne peux pas.
Pourquoi suis-je aussi torturé ? Pourquoi, merde ?

Je suis toujours ébahi d'avoir pu lui parler, toujours surpris qu'elle se souvienne de moi. Cette fille est un roque. Même certain mec de mon cartel sont plus fragiles et fébriles qu'elle.
Et je sais que je devrai pas, que ce n'est pas pour moi ces trucs, mais j'aime être ici avec elle. J'aime penser qu'elle se souviendra de moi une fois libérée et qu'elle me retrouvera, par n'importe quel moyen, lorsqu'elle se sera remise sur pied.
Elle ne se souviendra jamais, me répète encore une fois ma conscience. Je lui donne raison, encore une fois.
Abbie ne mérite pas mon monde, elle ne mérite pas un type qui baigne dans le crime. Son truc à elle, c'est la petite vie paisible dans un quartier tranquille, une maison avec une clôture blanche et un chien qui courre dans le jardin. Un mari qui rentre du boulot, qui s'excuse d'être en retard et qui la prend dans ses bras sous le perron où est installé un rocking-chair. Rocking-chair sur lequel elle tiendra son bébé dans ses bras, rocking-chair sur lequel elle le bercera.
Abbie mérite une vie sans embûches, et avec moi, elle ne l'obtiendra jamais. Tout ce qu'elle aura ne sera que de la souffrance, des problèmes et des larmes. Je suis pas fait pour l'amour, pour la belle vie de famille.
Pourtant, cette partie têtue de moi, celle que je m'efforce de repousser, refuse qu'elle ait cette vie tranquille, loin de moi. Mais cette part là est égoïste et je dois absolument la faire taire. Autant pour Abbie que pour moi. Pour elle, parce qu'elle ne sera jamais comblée à mes côtés.
Pour moi, parce que tomber amoureux n'est vraiment pas dans mes plans, et c'est une très mauvaise idée.
A reculons, je fini par m'en aller. Mon cœur se serre lorsque je me retourne pour regarder l'Ange endormie sur le matelas. Un sourire, faible mais bien présent, se dessine sur mes lèvres lorsque je me souviens que ce soir, je la sauverai et lui offrirai tout ce qu'elle mérite.
En sortant de la pièce, je tombe nez à nez avec Rivera et manque de lui coller mon poing dans la figure pour m'avoir -presque- surpris de la sorte.
Je déteste les surprises.
- Salut, dis-je dans un chuchotement en fermant doucement la porte.
Rivera fronce les sourcils et fronce le nez face à mes attentions, et je me gifle violemment mentalement.
Est-ce que je viens réellement de parler à voix basse et de fermer la porte avec douceur afin de ne pas réveiller Abbie ? Ouais.
Premièrement, je suis un vrai bouffon. Deuxièmement, je suis un gros bouffon. Troisièmement, ce comportement de lopette est le meilleur à adopter si je tiens à me faire griller dans mon plan.
Sans perdre de temps, je me racle la gorge et déclare d'une voix rauque :
- Salut.
Les épaules droites, la tête haute, j'arbore mon air le plus sérieux.
- Tu l'aimes bien, cette gamine ?
Surpris, mes sourcils se haussent l'instant d'une seconde. Je n'écoute pas mon cœur qui s'emballe face à l'air dubitatif de Rivera et reste stoïque. Faisant mine de le prendre pour un fou, je fronce les sourcils.
- Non. C'est un bon défouloir, hausse-je les épaules l'air désintéressé en pouffant comme une pétasse.
Je me déteste d'avoir eu à dire ça. Abbie, un bon défouloir ? Plutôt crever que de lever ne serait-ce qu'un doigt sur elle.
– Bon garçon, rit Rivera en me lançant une tape sur l'épaule.
Je le fusille du regard et plisse les yeux, ce qui le fait frissonner et, par la même occasion, se crisper. Il se gratte la nuque dans un geste purement nerveux après avoir retiré sa main ridé et dit :
– J'étais pas d'accord, moi, pour la kidnapper. Les deux autres sont des prostituées, on s'en tape. Mais cette petite méritait pas ça, c'est vrai.
Quoi ?
Pourquoi la garder ici, alors ? Demande-je d'un ton cinglant.
Merde ! Contrôle toi, connard !

Bad Boyd - Remember | T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant