Chapitre quatre ➳ Hypnotisant

183 15 6
                                    

– Connor, aboie la voix de Sean dans mon dos.
Les garçons cessent tous de parler et nous observent attentivement tandis que Sean, dont les pas se rapprochent de moi, reprend :
– Tu passes tes nerfs sur qui tu veux, mais pas sur elle.
– Pourquoi pas ?
– Parce qu'elle ne mérite pas tes crises de nerfs, et tu n'as pas le droit de t'énerver gratuitement sur elle.
Je suis profondément touchée par l'attention de Sean et par le fait qu'il prenne ma défense, mais aussi terriblement gênée. Attirer l'attention sur moi est exactement la chose que je ne voulais pas, et voilà que maintenant, je suis au cœur d'échanges foudroyants entre deux amis de longues dates.
Mais... pourquoi Connor me parle-t-il ainsi, hein ? Qu'est-ce que j'ai fais si ce n'est me présenter à lui poliment ? Pourquoi me regarde-t-il avec tant d'amertume, pourquoi ses yeux reflètent-ils tant de chagrin et de regrets alors que le ton de sa voix laisse croire tout autre chose le concernant ?
– La mixité est interdite, crache-t-il en posant ses yeux sur son ami, posté à mes côtés.
– Arrête, Connor. C'est pas comme si elle allait te gêner ! Tu joues à quoi, sérieux ?
La question de Troy cache bien d'autre paroles, bien d'autre sous-entendus. Il ne lui demande pas simplement à quoi il joue, sa vraie question est « A quoi tu joues ? Je pensais que tu serais content ». Je le devine aux étincelles qui font briller son regard, à l'incompréhension qui règne dans ce dernier. Mais, ma question à moi, c'est comment pourrait-il être content alors que nous ne nous connaissons pas ? Cette interrogation reste muette, je n'ose pas dire un mot.
Et, pour l'amour de Dieu, pourquoi le visage de Connor me dit à ce point quelque chose ? Pourquoi ai-je l'impression qu'il essaie de communiquer avec les yeux tout en cachant ses émotions au reste des garçons qui nous scrutent ? Et Troy, hein ? Pourquoi lui aussi, me dit-il quelque chose ? Qu'est-ce qu'il se passe ici, à la fin ? Les autres garçons, eux, n'agissent pas si bizarrement avec moi. Même Paul qui s'est montré un poil irritant lors de mon arrivée semble plus gentil maintenant. Ma tête va exploser.
Ce Connor un poil désagréable ricane en me lançant son regard le plus mauvais et tourne les talons, marmonnant « oh, tu n'as pas idée à quel point elle va me déranger. » en réponse à Troy. Ses paroles me touchent plus que je ne le voudrai, je me demande ce qu'il sous-entend par là. Quelque secondes plus tard, une porte claque à l'étage et je prend une grande inspiration.
Je ne devais plus me laisser embêter, c'est ce que je m'étais promis. Je n'ai pas passé deux années enfermée à me faire battre pour me laisser marcher sur les pieds maintenant que je suis libre. Mais... C'était comme si je n'arrivais pas à m'énerver sur lui, comme si je ne le pouvais pas. Il y avait comme un lien qui nous reliait, je l'ai ressenti dès lors que nos regards se sont accrochés l'un à l'autre.
Un lien ? Stupide que je suis. Il n'y a pas de lien quelconque entre deux inconnus.
Je me sens vraiment mal et seule. J'ai l'impression d'être le vilain petit canard alors que je n'ai aucune idée de ce que j'ai bien pu faire pour m'attirer les foudres de ce brun au regard électrisant.
A côté de moi, Sean soupire et pivote afin de me regarder. Il s'excuse pour son ami, me demande si j'ai besoin de quelque chose et je lui assure que ce n'est rien sans répondre à sa proposition. En vérité, plusieurs questions me trottent dans la tête, seulement je ne lui en fais pas part.
Pour une première journée, je ne pense pas pouvoir faire pire. Je monte à l'étage peu après les pas de Monsieur Arrogant, prise d'une migraine, et m'enferme dans ma chambre avant de me jeter sur mon lit. Je ne m'endors qu'au bout d'une heure, après 500 moutons comptés et un brun aux yeux gris chassé de mon esprit

Le lendemain matin, j'ouvre doucement les yeux, m'habituant lentement à la lumière du jour filtrant à travers les rideaux de ma chambre. Je me lève après avoir vérifié l'heure sur mon téléphone ; 9h20.
Alors que je sors de ma chambre, mes chaussons en forme d'éléphants aux pieds, je ferme la porte derrière moi et du brouhaha dans la cuisine me parvient aux oreilles, signe que les garçons sont levés. Je décide d'aller d'abord prendre une douche. Comme indiqué par Sean, j'ouvre la porte à côté de celle de la chambre de Monsieur Désagréable et pénètre dans une salle de bain pour le peu étriquée, toute simple. Étonnant, si on en juge par le reste de la maison assez luxueux et spacieux. J'ôte mes vêtements, les déposes soigneusement sur un petit tabouret à côté du lavabo et ouvre les robinets, faisant couler l'eau de la pomme de douche emboîtée dans le support fixé au mur.
Je grimpe dans la baignoire, veillant à ne pas tomber, et ferme le rideau de douche. L'eau chaude qui coule sur mon corps me détend les muscles, pour mon plus grand bien. Je me plonge dans mes pensées, oubliant même de me laver, lorsqu'un son étrange me parvient à travers le bruit de l'eau s'écrasant sur le sol de la baignoire. Ouvrant les yeux, je vois la lumière changer à travers le rideau de douche. Durant une seconde, l'éclairage du jour pénètre dans la salle de bain, pour ensuite s'assombrir et laisser place à l'éclairage artificiel du néon, au dessus du lavabo. J'ouvre de grands yeux lorsque je comprend que quelqu'un est entré. Pourquoi n'ai-je pas pensé à verrouiller la porte, enfin ? A quoi je pensais ?
A l'un d'entre eux, ricane ma conscience.
N'importe quoi !
– Il y a quelqu'un ? Interroge-je en cachant ma nudité à l'aide de mes mains.
Stupide, sachant que le rideau de douche empêche quiconque de me voir.
Je n'obtiens pas de réponse. Peut-être ai-je parlé trop peu fort ? Je réitère :
– Il y a quelqu'...
– Ouais, me coupe une voix rauque portant encore les traces du sommeil.
Connor. Il ne connait donc pas l'intimité ?

Bad Boyd - Remember | T1Tahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon