10d : DEUX ANS ET QUATRE MOIS (4/5)

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1er janvier 1942.

A peine ma lettre finie, j'ai dû repartir au combat. Juste le temps de recharger mon fusil, de vérifier que ma chaîne, avec mon numéro de soldat était toujours autour de mon cou, et j'étais de nouveau sur le champ de batailles. Ce lieu meurtrier. 2828. Je suis le numéro 2828. Ironique n'est ce pas ? J'ai rencontré Harry le 28 mai 1939. Ce nombre me suivra jusqu'à ma mort.

Ah, Harry. J'espère seulement qu'il tient sa promesse. Je l'efface de mon esprit encore un instant, n'ayant pas le courage de repenser à lui, et ne voulant pas me laisser déconcentrer.

Je m'avance dans la tranchée, derrière mes compagnons. En deux ans, j'ai eu le temps de mes faire des camarades. Eux aussi ont tout perdu en partant combattre pour cette guerre. Femmes, enfants, famille.

Tom me tapote l'épaule, et me fait un sourire encourageant. C'est un jeune homme de 21 ans, il vient du village en contrebas du mien. En étant recruté, il a laissé sa femme enceinte de sept mois. Il n'a même pas assisté à la naissance de sa fille, sa petite Rose. Son épouse lui envoie une lettre tous les jours. Oui, parce qu'elle, elle sait où a été envoyé Tom, comparé à Harry qui n'en a aucune idée. Il est vrai que j'aurai pu lui écrire, mais la vérité est que j'avais peur. Peur qu'il ait tourné la page. Peur qu'il m'ait oublié. Alors j'ai tout enfoui au fond de moi, pour me concentrer sur ma survie.

"Eh mon gars, j'ai oublié de te souhaiter ton anniversaire la semaine dernière. T'aurais pu me le dire ! Du coup, tiens, c'est pas grand chose mais avec les mecs, on t'en donne une chacun, vu que t'en a plus. Me remercie pas ça fait plaisir. Allez moi j'y retourne, courage Louis !"

Des cigarettes. Ils m'ont chacun donné une cigarette pour mon anniversaire. J'ai eu 21 ans la veille de Noël, mais je ne l'ai dit à personne. En même temps, depuis la mort de ma mère je ne le fête plus alors à quoi bon le crier sur tous les toits. Je le sais c'est l'essentiel. Je me demande d'ailleurs comment Tom a pu être au courant. Enfin, revenons aux cigarettes. Je ne fumais pas avant d'atterrir ici, mais le stress permanent m'y a poussé. Nous n'en n'avons pas beaucoup, alors j'essaye de réguler mais bon c'est compliqué en cas de crise. De manque. De tristesse.

Ce présent, aussi minime soit-il, me redonne une bouffée de courage, et l'envie de me battre me reprend. Je ne donnerais pas raison à cette putain de guerre ce serait beaucoup trop facile, je vais retrouver Harry.

Je vais le retrouver et on sera heureux.

-----------------------------------------il y a deux ans et quatre mois----------------------------------

Deux mois. Deux mois depuis notre premier baiser et je suis toujours la personne la plus comblée sur Terre. Harry est un ange, un amour. Mon ange. Mon amour. Je suis encore plus amoureux chaque seconde qui passe. Parce que oui, je l'aime. Lui, ses grands yeux émeraude, ses bouclettes chocolat, sa bouche pulpeuse, ses petites fossettes, son sourire, son visage angélique, Il est devenu mon monde en très peu de temps, et malgré cela je ne vois pas ma vie sans lui, même si nous sommes jeunes, insouciants.

Pour ma part, j'ai toujours une part de doute, de peur, parce que notre relation n'est pas approuvée par la société dans laquelle nous vivons. Nous sommes obligés de nous cacher, dans la rue nous nous comportons comme deux amis, faisant attention de ne pas faire de gestes incriminatoires. Oui, aimer une personne du même sexe est un crime, un crime puni par la loi de notre pays. Alors, je ferais tout pour nous protéger d'eux, de leurs prisons, et de leurs regards haineux, de leurs mots méprisants. Ainsi, une fois à l'abri des regards, nous laissons libre court à notre affection, il nous est impossible de nous lâcher plus de trente secondes. Nous recherchons un contact permanent, que ce soit nos peaux qui se touchent, nos deux mains enlacées, un frôlement de doigts, nos genoux collés, nos étreintes prolongées.

Nous nous sommes mis d'accord pour n'en parler à personne, que ce soit nos parents ou nos amis respectifs, même s'il est vrai que nous passons la plupart de notre temps ensemble. C'est notre secret. Secret lourd à porter, mais nos moments d'amour en valent la peine.

Seulement une fois, ça aurait vraiment pu déraper, et devant une personne chère à Harry en plus. Même si je reste persuadé qu'elle a compris à peine entrée.


J'étais invité chez les Styles pour manger, en tant que simple ami bien sûr. Harry m'avait raconté que sa mère voulait absolument rencontrer le nouveau "meilleur ami" de son fils, celui dont il parlait en permanence paraît-il (je l'ai joué décontracté mais j'étais tellement heureux grâce à ces paroles !), alors elle avait proposé un dîner. Seules sa mère et sa soeur étaient présentes, son père était parti vers la capitale pour un dîner d'affaires. Le repas n'était pas encore prêt quand je suis arrivé, alors nous sommes naturellement montés dans la chambre d'Harry. C'est la première fois que j'y mettais les pieds et elle était à son image. Bien rangée, aucune affaire ne traînant à terre. Pas de photos, beaucoup de livres, des journaux, des manuels d'école. Des toiles, des pinceaux, un tablier. Un piano.

Harry s'est assis sur le lit pendant que je faisais le tour du propriétaire, m'arrêtant devant le piano. Je lui ai lancé un regard, et il m'a immédiatement compris, acquiesçant d'un hochement de tête. J'ai alors pris place derrière l'instrument de musique, laissant mes doigts courir sur les touches. Puis une partition que j'avais composée deux ans auparavant m'est revenue en tête. (média *) Mes doigts bougeaient d'eux-mêmes sur les notes, me plongeant corps et âme dans la mélodie, que je dédiais à mon bouclé. J'avais toujours cherché la muse de cette musique, et une fois trouvée, elle lui correspondait tellement bien que j'en avais les larmes aux yeux. Gouttes qui tombaient librement, à quoi bon les retenir ? Elles étaient bien preuves de mon amour.

La mélodie s'est achevée, et quand j'ai relevé la tête, je suis tombé sur un Harry qui me fixait, les yeux rouges, les joues baignées de larmes. Il s'est levé, je me suis retourné sur le petit banc pour lui faire face, puis nous nous sommes embrassés, passionnément. Il m'a soulevé, j'ai enroulé mes jambes autour de sa taille, et il nous a allongés sur le lit. Nous n'avions jamais été aussi proches, dans le sens physique du terme, même si nos étreintes étaient parfois très prolongées. Les boutons de ma chemise commençaient à être déboutonnés, ou plutôt presque arrachés par mon bouclé, mais des pas se sont faits entendre dans le couloir, et j'ai à peine eu le temps de m'écarter d'Harry et de remettre ma chemise en place que sa soeur ouvrait déjà la porte. Elle a dû remarquer nos expressions débraillées, mais n'a rien dit, et a lancé un regard en coin à son frère avant de reporter son attention sur moi.

"Le dîner va être servi. Louis, restez-vous dormir ce soir ?"

Je me suis tourné vers Harry, qui a répondu positivement, un grand sourire aux lèvres. Nous sommes alors descendus, et le repas s'est bien passé. Gemma n'a fait aucune allusion à ce qu'elle avait vu, la mère d'Harry était adorable, et nous avons partagé un beau moment. Puis, Harry et moi sommes remontés, nos mains enlacées.

Après un léger passage dans la salle d'eau, où nous avons parlé en riant de ce qu'il s'était passé dans la chambre, nous nous sommes changés, Harry me prêtant un bas de pyjama légèrement trop long. Légèrement j'ai dit.

De retour sur son lit, nos regards se sont croisés, pour ne plus se lâcher. Doucement, puis fougueusement, nos baisers s'accentuaient, et ensemble, lentement, nous avons découvert le corps de l'autre pour la première fois. Chaque parcelle de peau était passée au crible, embrassée, caressée. Nous voulions prendre notre temps, toutes ces sensations étaient nouvelles, et je voulais en profiter, que le temps s'arrête pour nous laisser nous aimer en paix, librement. Puis, au milieu de la nuit, dans des draps immaculés, j'ai lentement basculé au-dessus d'Harry. Je me suis approprié son corps, doucement, amoureusement, et pendant de longues minutes nos corps ont fini par ne faire qu'un. C'était doux, c'était romantique, à notre image. C'était parfait.

Et si nous n'avons pas dormi de la nuit, personne n'a à le savoir.

RECUEIL D'OS • LARRY STYLINSON •حيث تعيش القصص. اكتشف الآن