10e : DEUX ANS ET QUATRE MOIS (5/5)

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9 janvier 1942

Dire que je ne vais pas bien est un euphémisme. Je dépéris de jour en jour, au détriment de mon entourage. J'ignore où à été envoyé Louis, donc quand mon père me rapporte le nombre de décès des batailles, je ne sais même pas s'il pourrait en faire partie. S'il est actuellement allongé sans vie, ou s'il est toujours debout, à combattre. J'ai besoin d'un signe, d'une lueur d'espoir pour me prouver que tout n'est pas fini. Que tout va bien, que tout ira bien. Que dans ce monde injuste, le destin peut être clément, peut accorder un moment de répit à ceux qui en font la demande, à ceux à qui le bonheur et la paix ont été arrachés. Alors je prie, chaque matin, chaque soir, je prie pour qu'il aille bien, pour qu'il soit préservé de ces atrocités, qu'il me revienne vite. Qu'il me revienne en vie.

On toque à la porte de ma chambre, c'est ma mère. Le visage neutre, la tête baissée. Elle  ne laisse paraître aucun sentiments, contrairement à d'habitude où elle a toujours un sourire encourageant. Alors je me suis immédiatement mis à paniquer. En même temps c'est la première fois en deux ans qu'elle arrive comme ça, sans son optimisme habituel. Je remarque qu'elle tient une enveloppe dans les mains. Mon coeur s'emballe directement, mes mains deviennent moites en un quart de seconde.

"Tiens. Je ne l'ai pas lue, ça vient d'arriver à l'instant." Elle hésite. "Mon coeur, je suis dans la cuisine au cas où. Appelle moi, ou descends d'accord ?"

J'acquièsce, lui souris, et prends l'enveloppe d'une main tremblante. Une fois qu'elle a fermé la porte avec un dernier regard encourageant, je me lève, et vais me passer de l'eau sur le visage. D'un coup d'oeil rapide dans le miroir, je me rends compte que je suis blanc comme un mort. Je tapote mes joues pour me redonner contenance.

"Allez Harry. Ca ne va pas te tuer, s'il écrit c'est qu'il va bien, que tout va bien" soufflais-je.

Je retourne sur mon lit, et récupère l'enveloppe.

Je décachète, ouvre, tremble.

Je déplie, ferme les yeux, souffle.

Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer.

Je regarde le rectangle de papier, il a une si belle écriture, penchée, un peu féminine.

Une bouffée de courage et de détermination me prend, et je commence à lire la lettre que l'homme de ma vie m'a écrite. S'il écrit c'est que tout va bien. S'il écrit c'est que tout va bien.

"H,

[...]"


2 septembre 1939, 7h54


Nous sommes chez Louis, dans son canapé pour être précis. Lui contre l'accoudoir, moi entre ses jambes étendues, ma tête contre son torse. Il me serre, d'un bras contre mon ventre, l'autre main étant prise par un livre que nous sommes en train de lire ensemble. Enfin qu'il lit à haute voix pendant que je le détaille des yeux, et caresse son avant-bras. Cet homme me fait tomber un peu plus à chaque seconde. Cela ne fait peut être que trois mois que nous nous connaissons, mais peut importe. Quand la personne est la bonne, je suppose qu'on le sent et c'est tout. Je le sens. Point.

Mais, malgré le fait que je suis dans les bras de mon... amoureux ? je ne suis pas pour autant complètement serein. Hier, j'ai entendu des nouvelles inquiétantes en passant devant le bureau de mon père. Je n'aurais pas dû, mais je n'ai pas pu m'empêcher de tendre l'oreille.


RECUEIL D'OS • LARRY STYLINSON •Donde viven las historias. Descúbrelo ahora