10f : DEUX ANS ET QUATRE MOIS (épilogue)

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LETTRE A HARRY

"H,

Je t'aime. Je t'aime de toute mon âme. Je t'aime à en mourir.
Je ne savais pas par quoi commencer cette lettre, la seule et unique que je t'enverrais, alors j'ai décidé de te répondre, parce que je n'ai pas eu la force de le faire quand je suis parti. Je t'en ai écrites plus de 800. Une par jour durant ces deux ans et quatre mois. Peut être que cela me rassurait d'un côté, de t'imaginer les lire alors que je savais très bien qu'elles ne te parviendraient jamais.
Celle-ci est la dernière de cette longue liste. Je vais mourir H. Je le sais, je le sens. Ne me demande pas comment, pourquoi, c'est seulement que je n'y arrive pas, je n'y arrive plus sans toi, sans ta présence.

Si tu lis cette lettre c'est que je le suis déjà de toute façon, mort. Donc, c'est pour cela que je tenais à te remercier. Tu m'as apporté tellement de choses durant les trois mois que nous avons passés ensemble, avant que cette putain de guerre ne nous sépare. Mais je sais que même si nous avons gardé le secret durant cette période, cela n'aurait pas duré éternellement. Tu me disais « nous nous enfuirons Louis, nous découvrirons le monde ensemble, et qu'ils aillent crever s'ils s'y opposent ». Envers et contre tous était ton slogan. Mais soyons réalistes, ils nous auraient retrouvés, ils nous auraient humiliés, ils nous auraient tués H. Tu le savais aussi bien que moi, même si ton optimisme était toujours présent.

Je commence à oublier les reflets dans tes yeux, la douceur de ta peau sur la mienne, les détails de ton visage, la perfection de ton corps. Et c'est ça qui me fait le plus peur. Moi qui pensait pouvoir retrouver un jour le goût de tes lèvres, je me suis bien trompé. Et je crois que c'est ça qui me tue le plus en réalité, pas les balles que je me suis déjà prises, mais le fait d'oublier ton image, ton odeur.

On ne sait pas quand cette guerre se terminera, mais j'espère que tu es en sécurité H, loin des horreurs que ce monde nous fait faire. J'ai tué des gens tu sais, et je n'ai rien ressenti. Comme si j'étais devenu une coquille vide le jour où ils sont venus chez mon père pour me chercher. Parce que je n'ai même pas pu t'embrasser une dernière fois avant de passer la porte. Je m'en veux parce que j'aurais dû t'écouter quand tu es arrivé à la maison en panique. Peut-être que j'aurais pu te toucher, te sentir une dernière fois. T'aimer une dernière fois.

On ne se reverra pas mon amour, mais sache que d'où je suis maintenant je veillerai toujours sur toi. Tu m'avais dit chercher ta bonne étoile, et bien je prends ce rôle dès maintenant. Ne me pleure pas H, souviens-toi de nos moments emplis de joie, quand nos corps ne faisaient qu'un, quand la barrière de mes bras te serrant contre moi nous protégeait du monde, d'eux. Refais ta vie, avec une personne que tu aimeras autant que j'ai pu t'aimer, et qui te traiteras avec respect, et tendresse. Mais, s'il te plaît, ne m'oublie pas, garde, ne serait-ce que mon prénom dans un petit coin de ton esprit, juste pour que « nous » ne soit pas effacé à jamais. Vis une belle vie, vis vieux, aies des enfants, ris, pleure, aime, hais, chante ou crie, pour toi, pour nous.

Je t'aime mon ange, nous nous retrouverons là-haut, dans très longtemps j'espère.

Ton L."

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                                                                                                                          Le 2 janvier 1942, à Vichy.

Cher Monsieur Styles,

Etant la personne à contacter dans ce cas, nous sommes dans le regret de vous annoncer le décès de Mr Louis Tomlinson, ce mardi 2 janvier 1942. Vous trouverez ci-joint sa plaque militaire portant le numéro 2828, ainsi qu'une lettre laissée à votre intention, écrite le jour avant sa disparition. Cette lettre étant confidentielle nous ne l'avons pas ouverte.

Nous nous permettons de vous préciser que Mr Tomlinson s'est fièrement battu pendant deux ans et quatre mois afin de défendre sa patrie.

Veuillez accepter nos sincères condoléances dans la perte de votre proche, votre ami.

                                                                                              Mr S. Cow, premier dirigeant d'infanterie.

RECUEIL D'OS • LARRY STYLINSON •Where stories live. Discover now