𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐕𝐈𝐈

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     Je n'avais pas dormi de la nuit. Les dernières paroles de John Shelby m'avaient complètement perturbée, alors une fois machambre, il m'a été totalement impossible de fermer l'œil. Alors ce matin, entête-à-tête avec ma deuxième tasse de café, je piquais légèrement du nez. Etj'avais attrapé un léger rhume avec ça. Heureusement, c'était assez léger pourque mon père, qui entrait dans le salon, ne remarque rien. Il avait l'air debonne humeur contrairement à d'habitude et il portait une tenue d'équitation.Depuis quand est-ce qu'il avait recommencé à monter ? Cela restait unmystère, comme pour beaucoup de choses que j'ignore encore, même sur mon proprepère.

"Mia figlia adorata, me lança-t-il, Tu as petite mine ce matin.

Oui père, je n'ai pas beaucoup dormi à vrai dire, alors j'ai terminé mon livre."

     Il se rapprocha de moi et déposa un baiser sur mon front. Tout en s'installant sur un siège à côté de moi, il posa joyeusement ses gants d'équitation à côté de son assiette. Visiblement, le fait que je fasse une insomnie ne l'inquiétait pas du tout, du moment que je restais dans ma chambre et que je ne me risquais pas à une petite balade nocturne.

"Que dirais-tu d'une petite promenade à cheval autour du domaine ? proposa-t-il."

     J'essayais de me rappeler de la dernière foisqu'il m'avait proposé une activité père, fille. Cela devait être quand j'avais8 ans. À cette période, je demandais encore où était ma mère et mes nourricesne savaient jamais quoi me répondre. Ma gouvernante avait alors pritl'initiative de convoquer mon père afin de lui parler de cela. Elle lui avaitexpliqué qu'il était important de passer un peu plus de temps avec moi plutôtqu'avec son business. D'après ce que m'a raconté mon père des années plus tard,elle n'y était pas allée de main morte. Suite à cette discussion avec lagouvernante, mon père avait décidé de m'emmener à la plage d'Ischia pour lapremière fois. Après ça, il n'y a plus jamais rien eu. Car il m'avait expliquésur le chemin du retour qu'il était fortement occupé avec son travail, quequand je serais plus grande, je comprendrais. Je ne sais pas si je doiscomprendre ou pas, aujourd'hui.

Quoi qu'il en soit, cette proposition m'avait tellement étonné que j'avais oublié de répondre. Les yeux dans le vague, je m'étais laissé entraîner par ce souvenir qui n'était ni douloureux ni heureux. De ce fait, je reposais ma tasse de café pour me tourner vers mon père, à qui j'adressais un grand sourire.

"Avec plaisir, papa."

     C'était une magnifique journée pour monter àcheval. Certes, je m'étais un peu couverte à cause de mon petit rhume, car jene tenais pas à ce qu'il empire. Pour une fois, je me retrouvais seule avec monpère. Ce qui signifiait qu'on pouvait avoir une discussion sans d'oreillesindiscrètes. En général, soit il était avec ses hommes de mains, soit il yavait les employés autour de nous. Tout en gardant le contrôlé de mon cheval,je laissais mon esprit s'abandonner au grâce au chant des oiseaux, le paysage était si merveilleux qu'il m'étaitimpossible de ne pas prendre le temps de l'admirer. Le domaine était entourerd'une petite forêt d'arbres et en plein milieu se trouvait un étang.Malheureusement, je n'ai jamais eu l'occasion de passer un après-midi de cecôté du domaine, avec un pique-nique et un bon livre. Je gardais cette idéedans un coin de ma tête.

Je fus sortie de mes pensées et de mes rêveries par un raclement de gorge qui venait de mon père. Visiblement, il attendait de pouvoir me parler mais je prenais trop de temps à son goût pour revenir à lui.

"Alors ma fille, Birmingham te plaît ?

Je trouve cette ville un peu trop sombre mais en dépit de ce léger détail, elle me plaît bien. Les gens que j'ai rencontré là-bas sont très gentils, expliquai-je, Et vous ? L'appréciez-vous ?"

     Le visage de mon père devint un peu plus sombresuite à la question que je lui retournais. Je ne sais pas s'il s'attendait à ceque je lui retourne cette interrogation. Bien que je me doutais qu'il n'avaitpas vraiment eu le temps d'en faire la visite, l'air qu'il prenait me laissaitdes indices sur ce qu'il en pensait.

"C'est difficile de te donner une réponse qui me convient.

Il faut dire que vous êtes trop occupé par votre travail pour visiter Birmingham, père.

C'est vrai Giuliana, c'est vrai, affirmait-il, J'ai une petite histoire à te raconter, sur ta mère."

     Ces mots me suffirent à m'obliger à arrêter moncheval et à porter toute mon attention sur mon père. Il ne me parlait jamais dema mère. Donc, je tenais vraiment à écouter ce qu'il allait me dire.D'ailleurs, il comprit que ce qu'il allait m'apprendre me tenait à cœur,puisque lui aussi arrêta son cheval pour me regarder droit dans les yeux. Jen'arrivais pas à savoir si ce que j'allais apprendre sur ma mère allait meréjouir ou pas.

"Lorsque ta mère avait 15 ans, avec ses parents, ils ont quitté la France pendant quelques années pour venir vivre en Angleterre. Plus précisément ici, à Birmingham, avant qu'elle me rejoigne en Italie."

     Il fit une pause dans son récit. Pendant cetemps, j'essayais d'y voir clair, de comprendre ce qu'il aurait essayé de me diresans vraiment le vouloir mais je ne voyais pas du tout. J'attendais qu'ilreprenne, cependant, il n'avait pas l'air d'en avoir l'intention, puisqu'ilreprit son chemin. Je restais quelques secondes hébétée, car je m'attendais àce qu'il me donne la raison pour laquelle il détestait ce pays. Au petit trot,je le rattrapai et prit mon courage à deux mains pour lui reposer la question.

"Vous ne m'avez pas donné la raison pour que vous haïssiez cette ville.

Je l'as déteste car elle tué ta mère !"

     Dans ces mots j'ai pu ressentir toute cette haine. J'ai presque cru qu'il m'avait détesté pour avoir posé la question. Pour avoir voulu connaître une partie de cette vérité qu'on s'obstinait à me cacher. Y avait-il seulement du mensonge ? J'étais pourtant sûre qu'on me cachait certaines pièces d'un puzzle extrêmement difficile à reconstituer. L'opportunité se présentait afin que je pose des questions par rapport au prisonnier dont je n'étais pas censée me préoccuper. Mais j'avais le sentiment que si je commençais à poser des questions trop indiscrètes, j'allais sans aucun doute me trahir et mon père serait capable d'exécuter John Shelby à la seconde où il serait rentré. Et ce n'était pas le but que je recherchais. Cet homme était une des pièces de ce puzzle. La plus importante. Donc il devait à tout prix rester en vie.

Quitte à ce que je me mette à dos mon père, je devais faire tout mon possible pour protéger John Shelby. Ce n'était pas pour ce brigand que je m'apprêtais à faire tout cela, c'était pour moi. Afin d'obtenir les réponses, que même mon père ne comptait jamais me donner. Il était important pour moi de connaître la femme qui aurait été mon modèle et qui m'a été retirée beaucoup trop tôt. Par ailleurs, j'ignorais pourquoi mais je ressentais le besoin de retourner à Birmingham. Je me disais que si je retrouvais Ada, peut-être que j'en saurais plus sur les Peaky Blinders. Elle pourrait m'en apprendre plus sur leur histoire. Il fallait à tout prix que je fasse le lien entre mon père et ce gang. Même si cela pouvait devenir dangereux pour moi. J'avais déjà un plan qui se construisait dans ma tête afin de soutirer des informations. Ça n'allait pas être une mince affaire, mais il fallait essayer. Dès cet après-midi, je me rendrais au Garrison dans l'espoir d'y trouver Ada et j'espérais apprendre quelque chose qui m'aiderait à avancer.


Dans les yeux d'un Shelby || Tome I (en réécriture)Where stories live. Discover now