𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐈𝐗

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     Les révélations d'Ada me laissaient littéralement bouche-bée. Je me contentais de l'écouter, en adoptant de temps àautre une attitude plus ou moins surprise. J'attendais le bon moment pourcommencer à poser mes questions. Le fait qu'ils étaient presque sur le point demettre la main sur leur frère ne me rassurait guère. Que devais-je faire ? Avouer ? Hors de question, je mettrais absolument tout le monde en danger. Moi y compris. Si Ada faisait partie de la famille Shelby, elle devait être aussi dangereuse qu'eux. Pendant un moment, j'ai commencé à perdre le fil de la conversation. J'étais en train d'imaginer tout un tas de scénarios.

"Tes frères font des choses si terribles pour que tout le monde ait peur d'eux ? l'a coupai-je.

C'est arrivé une ou deux fois qu'ils transforment cette rue en champ de bataille car ils étaient en conflit avec un autre gang."

     Je me mettais maintenant à imaginer John Shelby en train de se battre là où je marchais actuellement. Cet homme ne devait avoir vraiment peur de rien. Et est-ce que j'étais censée lui dire que je passais des après-midi en compagnie de sa sœur, lorsque j'irais lui rendre une petite visite de courtoisie ? Certainement pas. Moi-même, j'avais un peu de mal à croire en ce qu'il se déroulait en ce moment. Je sympathisais avec la sœur du prisonnier de mon père. De quel côté est-ce que je devrais être au juste ? Plus le temps passe et plus je me dis qu'il y avait une injustice quelque part. Mais pour mettre le doigt dessus, il fallait éclaircir toutes les zones d'ombres.

"Et le gang se compose de beaucoup d'hommes ?

Je ne sais pas, avoua Ada, Mon frère Thomas a des contacts absolument partout. Tiens cet homme-là pourrait parfaitement travailler pour mon frère."

     Je regardais dans la direction qu'Ada m'indiquait. Ma tentative pour savoir si mon père et ses hommes seraient en mesure de faire face à une attaque de la part des Peaky Blinders a échoué. J'avais le vague sentiment que si ça devait arriver, ça serait un vrai bain de sang. Depuis que je me rendais à Birmingham, il était possible que j'aie plusieurs fois croisé des membres du gang sans le savoir. J'allais devoir doubler de prudence pour les prochaines fois. Soudain, j'entendis Ada interpeller une femme, plutôt d'âge mûr. Lorsqu'on la regardait, on pourrait croire que son visage avait été fait dans du marbre. Aucune émotion ne pouvait se lire et je ne doutais pas qu'elle devait faire preuve d'une grande autorité. Ada salua la femme en l'étreignant rapidement. J'en déduisais qu'elles devaient avoir un lien de parenté.

"Polly, voici Giuliana et Giuliana, je te présente ma tante Polly."

     Tout en regardant la femme, je lui souriais et lui adressa un "bonjour" des plus aimables. Jusqu'à présent, elle ne m'avait pas encore adressé un seul regard. Mais lorsqu'elle se tourna vers moi, son visage semblait se paralyser. On aurait presque dit qu'elle avait vu un fantôme. J'espérais qu'elle n'avait pas vu quoi que ce soit qui aurait pu lui rappeler un quelconque événement qui inclurait mon père. De plus, je ne me souvenais pas l'avoir déjà croisé. Si elle pensait m'avoir rencontré, elle devait sûrement me confondre avec quelqu'un d'autre.

"Polly, est-ce que ça va ? demanda Ada.

Ada, on se retrouve plus tard. J'ai beaucoup de choses à faire."

     Et elle s'en alla. Sans me dire quelque chose ou m'adresser un dernier regard. Je me tournais alors vers Ada, qui à ce moment aussi me glissait un regard. J'étais tellement choquée par ce genre de comportement, que je n'arrivais pas à articuler le moindre mot.

"Excuse là, elle n'est pas très ouverte aux gens."

     J'étais désormais rentrée au domaine, encore confuse dû au léger incident qui s'était déroulé avec la fameuse tante Polly. Lorsque Federico m'avait récupérée, je n'avais pas ouvert une seule fois la bouche. Même lorsqu'il m'avait annoncé qu'il nous avait organisé un dîner pour ce soir. Bien sûr, cela m'avait étonnée qu'en réalité, ce fût de ça qu'il s'agissait, lorsqu'il m'avait dit plus tôt qu'il n'avait pas que ça à faire à m'attendre. Organiser un rendez-vous galant qui ne m'enchantait guère. Tout le long du trajet, je fis mine de lire pour qu'il daigne me laisser en paix.
J'étais donc en train de me préparer, en compagnie de quelques servantes. J'avais enfilé une robe en soie rouge. C'était celle que je préférais et elle avait appartenue à ma mère. Mes longs cheveux bruns étaient tressés et tombaient ainsi jusqu'en bas de mon dos. Je les aimais bien comme cela. Mais je n'arrivais pas à penser à autre chose qu'à la famille Shelby, à la tante d'Ada, aux Peaky Blinders et à John Shelby. À choisir, j'aurais préféré partager un dîner en compagnie de cet homme-là plutôt qu'avec Federico. Je voulais descendre avant de devoir lui consacrer toute ma soirée.
Une fois que je fus prête, je congédiais les servantes et sortie de ma chambre aussitôt qu'elles l'avaient quittée. Depuis que ma balade avec mon père ne s'était pas terminée sur une note très joyeuse, je ne l'avais pas recroisé. Je me disais qu'il avait quitté le domaine pour rentrer très tard cette nuit, afin de laisser Federico faire son petit manège. Et cette soirée pouvait se terminer de n'importe quelle façon, j'étais bien décidée à refuser toute proposition.

     Entre le chemin de ma chambre et celui du sous-sol, je me suis demandée pourquoi finalement, je devrais y aller. Je n'avais rien de spécial à lui dire. Aucune nouvelle à lui apporter, en quel honneur lui devrais-je cela ? Mais c'était ainsi et désormais, je me trouvais face à la cage qui renfermait John Shelby, celui que je commençais à croire comme étant innocent. En m'entendant arriver, il se leva et se tourna vers moi, en s'appuyant contre les barreaux. Il avait l'air épuisé.

"C'est l'heure de m'interroger ? demanda-t-il."

     C'était évident qu'il ne voyait mes visites que sous cet angle. Toutes les fois où je suis descendue, c'était pour le torturer avec mes questions. Jusqu'à présent, je ne m'étais pas montrée très aimable envers lui. Cette situation allait me mettre mal à l'aise. Il ne méritait peut-être pas d'être un souffre-douleur.
Je vis que son regard me détaillait de la tête au pied. Cependant, ce n'était pas le regard d'un homme qui verrait une femme comme sa proie pour une nuit. C'était autre chose.

"Je vous trouve bien ravissante."

     Ce compliment me laissait sans voix. J'avais déjà entendu des hommes me complimenter, mais cette fois, c'était assez différent. J'avais apprécié le fait qu'il me complimente. Mais j'allais bien me garder de lui procurer du plaisir en l'avouant.

"J'ai rencontré votre sœur, Ada, expliquai-je, Puis votre tante, Polly. Votre sœur est persuadée que vos frères ne mettront que quelques jours à vous retrouver.

S'ils ne m'ont pas trouvé dans Birmingham, ils vont forcément chercher de ce côté."

    Évidemment, il savait qu'il ne se trouvait pas dans la ville. Sinon, les Peaky Blinders auraient mis moins de temps que ça à le retrouver. Je me rapprochai lentement des barreaux de la cage. Je fus si près, que je dus lever les yeux pour le regarder. Plus tard, j'allais sûrement regretter ce que je m'apprêtais à dire, mais je me disais que c'était la bonne chose à faire et je voulais tester sa réaction.

"Je vous ferez sortir d'ici avant que vos frères ne viennent."

     Je recherchais une quelconque réaction, une lueur dans ses yeux. Il ne se passait rien. Il ne me croyait pas. Cependant, en y réfléchissant, cela permettrait à mon père d'éviter un affrontement. Ou alors, seulement le repousser. Je ne voulais pas être témoin d'une chose pareille. Inconsciemment, mes mains s'agrippèrent aux barreaux. Cette réaction m'énervait au plus haut point, mais après tout, à quoi je voulais m'attendre venant d'un criminel ? Alors que je m'apprêtais à ajouter quelque chose, John Shelby s'écroula au sol.

Dans les yeux d'un Shelby || Tome I (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant