6 : Nouvelle rencontre

385 23 6
                                    

Madame Lagarde nous a libérés un peu avant midi, c'était notre « cadeau de bienvenue » selon elle. Après quoi elle a ajouté « L'estomac est le deuxième cerveau de l'homme, ne l'oubliez pas ! Mangez, ça vous donne de l'énergie ! » Elle avait dit ça avec un peu trop d'énergie, justement, en frappant le sol de l'un de ses hauts talons jaunes en daim.

- Mais en fait, ils ont tous un grain dans ce lycée, c'est ça ? a dit Naomie.

- Viens, j'ai la dalle, ai-je rétorqué en guise de réponse.

Une fois dans le couloir, Gabriel nous a interpellées. Il était avec Adam et un autre garçon que je ne connaissais pas. Comme Adam, il était métisse, grand et bien taillé, mais pas autant que lui.

- Les filles, le pote d'Adam peut manger avec nous ?

- Nous ? Parce qu'on devait manger avec toi ? Contente de l'apprendre, ai-je dit en me tournant vers Naomie.

Elle a haussé les épaules d'un air coupable.

- Tu as toi-même dit qu'il était sympa, Gab.

- On va vraiment le traîner partout toute l'année ?

- Ça va Justine, c'est que le premier jour.

- Justement, je...

- Elias, enchanté, a dit l'ami d'Adam resté jusque-là muet.

J'ai serré la main qu'il me tendait.

- Justine.

Il a souri. D'accord, son sourire était assez charmeur, et je n'avais rien contre Gabriel en réalité. Ils étaient en fait assez mignons, lui et Naomie. Mais manger avec eux impliquait aussi de manger avec Adam. Et ça, j'appréhendais. Je n'avais aucune idée de la façon dont j'allais gérer la situation. Alors j'ai piqué une sorte de crise de jalousie ou je ne sais quoi à une fille que je connais depuis trois heures. Pathétique.

- Donc on l'adopte carrément ? ai-je continué en croisant les bras sur ma poitrine.

- Viens, mec, a dit Adam en donnant un léger coup sur l'épaule d'Elias. Je crois qu'on est pas les bienvenus.

- Non ! a crié Naomie tout en me lançant un regard noir. Vous restez. Vous et Gabriel.

Le ton autoritaire qu'elle avait employé était sans appel. C'est donc dans une atmosphère très moyennement agréable que nous avons tous les cinq rejoint le réfectoire.

En attendant notre tour pour se servir, l'ambiance n'était pas mieux. Naomie et Gabriel discutaient à voix basse, sans éclater de rire comme ils en avaient déjà pris l'habitude, Elias essayait d'engager la conversation avec moi, mais j'avoue que j'étais peu réceptive, partagée entre la colère que j'avais contre moi-même pour avoir trouvé comme seul moyen d'éviter ce repas de m'en prendre aux deux seuls amis que je m'étais faits dans la matinée – moyen qui n'a d'ailleurs pas été efficace, et l'appréhension de ce quasi tête à tête avec Adam. Adam qui, quant à lui, pianotait frénétiquement sur son téléphone. Finalement, s'il a cette attitude pendant le repas, ça ne sera pas plus mal, ça m'évitera de croiser son regard.

- Alors du coup t'es dans la classe d'Adam ? m'a demandé Elias au bout d'un moment.

En entendant son nom, Adam a levé la tête. Puis, voyant qu'on ne lui parlait pas, il a replongé le regard sur son écran, les sourcils froncés.

- Hein ? j'ai dit.

Encore une fois, Elias tentait d'engager la conversation. Malgré tout, j'ai trouvé ça mignon. Sauf que, plongée dans mes pensées, je n'avais pas entendu ce qu'il me disait.

- Adam et toi. Vous êtes dans la même classe ?

- Pourquoi tu me demandes ça ?

Il a eu l'ai dérouté, puis il s'est repris.

- Pourquoi pas ?

Il a souri en coin. Je me sentais un peu coupable de l'envoyer balader comme ça alors qu'il ne faisait rien de mal, il essayait juste de s'intéresser un peu à moi. Ce que j'avais du mal à comprendre, d'ailleurs, vu le ton que j'employais aujourd'hui avec tout le monde. Respire Justine, ils ne te veulent pas de mal. Respire.

- Ok, pardon. Oui, on est dans la même classe.

Au bout d'une demi-heure d'attente, alors que les estomacs commençaient sérieusement à s'impatienter, on s'est installés à une table. Naomie s'est assise en face de Gabriel – comme par hasard – et moi à côté d'elle. Adam, qui est arrivé le premier, s'apprêtait à s'asseoir en face de moi quand Elias l'a bousculé, manquant de faire tomber tout son plateau, et s'est empressé de prendre place en face de moi. Dieu merci. Le repas promet d'être long.


𝐉𝐄 𝐍'𝐀𝐈𝐌𝐄𝐑𝐀𝐈 𝐏𝐋𝐔𝐒 𝐉𝐀𝐌𝐀𝐈𝐒Where stories live. Discover now