18 : Départ précipité, ami disparu et découvertes choquantes

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Ce soir-là, quand j'ai poussé la porte de ma maison, j'ai senti que ça n'allait pas. J'avais la sensation que quelque chose avait changé. En m'avançant dans le couloir, j'ai remarqué que la porte du bureau de mon père était grande ouverte et la lumière n'était pas allumée. Il n'était pas dedans et c'était loin d'être normal. En plus de cela, son bureau était vide. Aucun papier, aucun dossier. La maison était plongée dans un silence de mort. Toutes les lumières étaient éteintes à l'exception d'une lampe de chevet. La lumière provenait de la chambre de mes parents. Quand je suis arrivée, j'ai découvert ma mère assise sur le rebord de son lit. Mon cœur s'est alors affolé. J'ai lâché mes affaires et me suis précipitée à ses pieds.

- Maman ? ai-je dit en m'accroupissant.

Pas de réponse. Ses yeux se perdaient dans le vague. Elle a levé la tête et m'a regardée sans me voir. Ses yeux étaient vides de toute émotion et rougis par les larmes qui avaient coulé.

- Maman, parle-moi. Qu'est-ce qu'il se passe ?

- Ton... ton père.

- Quoi papa ? Il est où ?

- Il est parti.

- Parti ? Comment ça ?

Ma mère semblait abattue. Sa respiration était saccadée et elle tremblait de froid. Je lui ai posé une couverture sur les épaules tout en attendant qu'elle me réponde.

- J'ai essayé de l'en empêcher, je te jure. Je n'ai pas compris pourquoi il faisait ça. Je suis perdue, Justine. Il m'a seulement dit que...

- Il t'a dit quoi, maman ?

- Tu sais ma chérie, ton père est comme il est, mais je l'aime. Je vois bien qu'il est distant avec nous. Et toujours absorbé par son travail, surtout en ce moment avec les ennuis qu'il a.

- Les ennuis qu'il a ?

- L'entreprise où il travaille n'a pas d'autre choix que de devoir licencier des salariés, a dit ma mère à toute vitesse. C'est pour cela que ton père bosse comme un fou en ce moment. Encore plus que d'habitude.

Je m'étais bien rendue compte qu'il était encore moins présent ces derniers temps mais je ne pensais pas que l'enjeu était si important.

- Mais tu comprends, s'il travaille ainsi c'est pour nous. Ce n'est pas avec mon salaire de misère... (Elle a secoué la tête.) C'est lui qui nous permet d'avoir une vie décente alors s'il doit travailler nuit et jour pour qu'on puisse survivre...

- Je sais bien.

On avait déjà eu cette conversation plusieurs fois. Au début de leur relation, ma mère ne supportait pas que mon père lui donne un coup de main pour payer ses factures, elle voulait être capable de le faire. Mais elle a peu a peu été contrainte d'accepter, sinon c'est elle qui aurait dû se démener au travail. Elle a souvent voulu quitter son poste de femme de chambre, elle rentre souvent épuisée à la maison et avec l'âge, elle supporte de moins en moins les conditions de travail.

- Mais qu'est-ce que papa t'a dit ? Pourquoi il est parti, à la fin ! me suis-je emportée.

- Il m'a dit que Youssef, son ami d'enfance... (Elle a soudain levé la tête vers moi.) Tu te souviens de Youssef ? Son fils a ton âge.

- Ce nom ne me dit rien.

- On se voyait souvent avant ta naissance. Papa et lui étaient très proches. Ils s'entendaient très bien jusqu'à ce que, vers tes quatre ans, une dispute éclate entre eux. Oh, quelque chose de bête certainement, je ne m'en souviens même pas. Mais tu connais ton père, il est très rancunier.

- Oui. Mais quel est le rapport, maman ? lui ai-je demandé sentant que son esprit dérivait vers des souvenirs lointains.

- Eh bien, Youssef est tombé malade il y a quelques mois. Gravement malade. Il avait besoin d'argent mais tu sais, il n'a jamais croulé sous l'or, enfin... Alors il a rappelé ton père pour qu'il lui en prête. Il avait promis de lui rembourser et je savais qu'il le ferait. Youssef est un homme honnête. Il lui fallait juste un peu plus de temps, il n'était même pas encore sorti de l'hôpital que ton père réclamait déjà l'argent. Certes, cela prenait plus longtemps que prévu mais l'argent, ce n'était pas ce qui nous manquait...

- Pourquoi tu parles au passé ? Maman c'est quoi le problème ? ai-je dit en m'impatientant de plus en plus.

- Justine, il y a de fortes chances que ton père soit licencié, malgré tous ses efforts. Tu sais bien que le dernier arrivé est le premier viré. Le problème c'est que ton père n'a pas eu la patience que Youssef lui demandait d'avoir. Alors... (Elle a pris une profonde inspiration.) Il a commencé à le menacer. Lui et son fils. Je te jure que je n'étais au courant de rien ! m'a-t-elle dit en éclatant en sanglots.

J'ai réajusté la couverture sur ses épaules et me suis mise à lui frotter le dos. Je n'arrivais pas à croire ce que ma mère venait de me dire. Je savais que mon père avait de nombreux défauts et était loin d'être parfait mais je ne pouvais tout simplement pas l'imaginer avoir un tel comportement. J'étais sous le choc. Qu'avait-il dit à Youssef et son fils ?

- Quand je suis rentrée après le travail, il avait déjà vidé les armoires de tous ses dossiers et les avait mis dans une grande valise, a continué ma mère. Et puis il est parti chez son frère. J'ai essayé de le retenir, je te le promets. Je lui ai dit qu'on allait s'en sortir, tous les trois. Mais il m'a jeté un regard plein de dédain et... il est parti. Comme ça. Sous prétexte qu'il a peur que le fils de Youssef et sa bande d'amis s'en prennent à lui. Non mais tu le crois ça ? Il a peur d'une bande d'ados !

Elle s'est essuyé les yeux d'un revers de la main et on a attendu de longues secondes ainsi sans rien dire. Puis au bout d'un moment, elle a repris d'une voix mal assurée :

- Quand Youssef nous a appelés, j'ai été heureuse que ton père et moi puisions l'aider mais jamais je n'aurais imaginé que cela puisse prendre de telles proportions. Ton père va être licencié, et sans cette somme d'argent, je ne sais pas comment... Et puis de toute façon il est parti. Je ne sais même pas s'il reviendra un jour. Il s'en est juste allé, comme ça, en nous abandonnant. (Elle a serré la couverture tellement fort dans sa main que les jointures de ses doigts sont devenues blanches.) Ma chérie, on va s'en sortir d'accord ? Toutes les deux, ensemble.

J'ai hoché la tête.

- Je ne sais pas ce qu'il a dit à Youssef et son fils mais ils feraient mieux de trouver l'argent rapidement. Je ne le reconnais plus Justine. Je ne sais pas de quoi il est capable.

𝐉𝐄 𝐍'𝐀𝐈𝐌𝐄𝐑𝐀𝐈 𝐏𝐋𝐔𝐒 𝐉𝐀𝐌𝐀𝐈𝐒Where stories live. Discover now