June

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Point de vue de June :

-« encore une cuillère Rosie » je dis joyeusement en donnant à Rosaleen une bouchée de son yaourt préféré. Au miel. Elle a bon goût.

Ce matin là pour une raison que j'ignore, ma tante Gloria m'a dispensé de travailler et j'avoue que je n'ai jamais été aussi heureuse qu'à l'instant où je l'ai entendu me dire de son ton hargneux : ne viens pas aujourd'hui ! Elle a raccroché sans me laisser le temps de lui répondre et j'en ai convenu qu'elle était forcée de me donner ma journée. Peu importe la raison, ce que j'ai retenu de notre brève conversation est qu'aujourd'hui moi, June St James, je suis libre comme l'air et je compte bien en profiter.

-« nous allons nous promener ! » je décrète d'un ton léger en habillant avec attention ma petite Rosaleen.

J'ai décidé que nous allions sortir elle et moi et profiter de cette magnifique journée ensoleillée pour marcher un peu sans penser à rien. Depuis combien de temps ne sommes-nous pas sorties seulement par plaisir et non pas par obligation ? Probablement jamais. Je suis tout le temps occupée à travailler pour nous deux et même si de temps en temps je songe sérieusement à tout plaquer et me tirer très loin de là, il me suffit simplement de regarder le visage innocent de cet adorable petit ange pour que tous mes doutes s'évaporent.

Je ne suis plus seule, je ne dois plus ne penser qu'à moi-même à présent que je suis responsable d'une vie je ne dois surtout pas l'oublier. Rosaleen n'est pas ma fille biologique pourtant je suis sa mère, c'est tout ce qu'elle aura besoin de savoir lorsqu'elle grandira. Je suis sûre qu'elle sera en mesure de comprendre notre situation lorsque je serai bien évidemment en mesure de la lui expliquer.

Après l'avoir habillée et m'être moi-même changée, nous sortons de notre appartement. J'ignore ma mère qui dort encore par terre entourée de bouteilles d'alcools presque vides et prends mes clés que je cache soigneusement dans la vieille bibliothèque du propriétaire. Je sais que ma mère ne s'y approche jamais. C'est une cachette infaillible. Je ricane face à mon génie diabolique et me demande soudainement si elle a déjà été à l'école.

Je ne sais absolument rien d'elle, je ne connais ni ses parents, ni l'endroit d'où elle vient ou même si elle a un jour été scolarisée. Nous ne parlons jamais, je ne l'ai jamais prise dans mes bras et le contraire ne s'est jamais produit non plus, je me souviens vaguement de ma tendre enfance mais je me rappelle très bien du fameux moment où complètement sobre cette fois-ci pour changer, elle m'avait fait comprendre droit dans les yeux que je n'étais qu'un accident et que je devais me débrouiller seule dans ce stupide monde. J'ai pleuré toute la nuit mais le lendemain matin, étrangement je me sentais mieux. Je me sentais libre et j'ai profité de ma liberté pour me construire comme moi je voulais être, je me suis forgée mon caractère et je n'ai jamais regretté ne serait-ce qu'une seule de mes décisions prises. Je n'aime pas ma mère mais je lui dois la vie, c'est la seule raison pour laquelle je n'ai jamais déménagé mais maintenant que Rosaleen grandit, je ne me vois sérieusement pas l'élever dans un tel environnement. Je ne pense pas rester encore longtemps dans les parages.

Les rues de la ville sont animées, comme tous les jours je présume mais d'habitude je ne suis jamais dehors à cette heure-ci pour simplement flâner. Rosaleen, tranquillement enfouie dans sa poussette et enrobée sous sa couverture ne cesse de rire, sûrement m est-elle émerveillée par tout ce joli monde qui comme nous profite de son week-end pour prendre du bon temps. J'aime bien ce concept, nous devrions sortir plus souvent.

J'entre dans une boutique que je juge convient à mes moyens et achète une petite robe fleurie pour laquelle j'ai eu un énorme coup de cœur, Rosie est absolument à croquer dans son accoutrement et je suis tellement comblée que je décide de lui en offrir une autre. Ça ne fait pas de mal de temps en temps de se faire plaisir et si ça lui permet de changer un peu de vêtements alors je suis d'accord. Ce qu'elle porte commence à devenir trop petit pour elle et je ne me permettrai jamais de faire la même erreur que ma mère. Combien de fois ne s'est-on pas moqué de moi à l'école parce que je portais des vêtements trop étroits pour moi ? Assez pour jurer solennellement sur ma propre vie que Rosaleen ne vivra jamais ça !

If OnlyWhere stories live. Discover now