Monstre

5.4K 197 2
                                    



- J'ai ... j'ai perdu mon sang-froid, c'est pas la première fois que ça m'arrive mais là, j'étais comme en transe, aveuglé par la colère, je ne pensais qu'à le démolir et je crois que si ses potes n'étaient pas intervenu il serait mort. J'envoyais coups après coups sans même me soucier de savoir s'il était juste inconscient ou mort. Tu comprends ? J'aurais vraiment pu le tuer, se livre-t-il en fixant ses phalanges abîmées. 
- C'était qui ce type ? demandais-je doucement ne voulant pas le brusquer.
- Un putain de dealer, souffla-t-il.
- Mais pas n'importe lequel n'est ce pas ? répliquais-je en comprenant.
Il hocha la tête.
- J'avais déjà vu ce connard quelques fois roder près du lycée, mon frère et lui se voyaient en cachette derrière le coin fumeur. Et puis une fois il s'est pointé à la maison et m'a demandé si Nate était là. J'ai plusieurs fois demandé à mon frère qui était ce type, je n'ai toujours obtenu que des réponses vagues. Et bon dieu, je savais que quelque chose clochait mais j'ai été trop lent. Une semaine après je l'ai retrouvé allongé sur le carrelage froid de la salle de bain, une aiguille planté dans le bras, le teint livide. C'était trop tard. Plus rien n'allait le ramener. Mais quand j'ai revu ce type essayer de revendre sa came à un gamin dans la rue, j'ai explosé. Je n'ai pas réfléchi, j'ai juste foncé sur lui. Je revoyais en boucle le sourire de mon frère puis son corps inanimé contrastant tellement avec la personne pleine de vie qu'il était.
Une unique larme roula le long de sa joue qu'il s'empressa de balayer ne voulant pas montrer sa faiblesse.
Je voulais tellement lui dire que tout irait bien, mais je savais que ce monde était merdique et que des choses dans ce genre là n'arrêteraient jamais de se produire.
Je me contentais donc de poser ma main sur la sienne, la serrant fort, espérant lui transmettre toutes les émotions que je ressentais.
- Tu me prends pour un monstre maintenant n'est ce pas ?
À cet instant il paraissait tellement vulnérable.
Comment pouvait-il penser ça ?
- Jamais, quoi que tu puisses faire tu ne seras jamais un monstre à mes yeux. Saches le.
Il soupira se massa les tempes, songeur.
- J'ai ... cette part d'ombre en moi depuis sa mort et ça me fait peur. Toute cette rage et cette colère en moi qui ne demandent qu'à sortir.
- Je te connais Aaron Miller quoi que tu puisses en penser et je sais que tu es quelqu'un de bien, tu ne ferais jamais de mal à personne.
Il eu un rictus.
- La preuve que si.
- Aaron, ce dealer, c'est lui le monstre, pas toi. Tu as peut être sauvé la vie de ce garçon en intervenant. Tu as le droit d'être en colère, ce gars est responsable de ce qui est arrivé à Nathaniel, il lui a vendu ce poison sachant très bien quel pouvoir destructeur il a. Et ton frère n'est pas le seul. Chaque jour des parents, des frères, des sœurs, des petits-amis, des enfants pleurent la mort de proche que la drogue a détruit. Ta colère est légitime et je comprend, crois moi je comprend cette haine, niché au creux de ventre qui te consume, te détruit un peu plus chaque jour.
Il m'offrit un sourire compatissant, comprenant que je parlais de Gabriel et du clavaire qu'il m'avait fait vivre à Londres.
Cependant, il continua ses confidences et je le laissais faire car je savais qu'il avait besoin de vider son sac et je voulais qu'il s'ouvre à moi. Lui qui s'était si souvent renfermé de peur de montrer ses sentiments et de se dévoiler.
- Je sais que mon frère a sa part de responsabilité, je veux dire personne ne l'a obligé à prendre cette merde. Plus j'y repense moins je comprend ces actes, il avait tout pour lui, alors pourquoi nous avoir abandonné ? Pourquoi m'avoir abandonné ?! Mais je ne veux pas entacher le souvenir qu'il me reste de lui ... pour moi il restera toujours mon modèle, ce grand frère aimant et protecteur, celui qui m'a appris à faire du vélo, à draguer les filles, à nouer une cravate.
Il secoua la tête, assailli par ses souvenirs. Mon cœur se serra pour lui. Il avait ce lien, ce même lien que j'ai avec mes frères. Je n'imagine pas ma vie sans eux, quelle douleur j'aurais ressenti, le sentiment de solitude, d'avoir perdu une partie de moi.
- C'est normal Aaron, je ... si ça avait Tyler ou Kyle, je ... je n'ose même pas imaginer ce que j'aurais ressenti.
- Je sais.
Il frotta ses yeux, rouges et cernés. Il paraissait épuisé pas seulement physiquement mais aussi mentalement.
- Tu ... tu veux rester dormir ici pour la nuit ? Enfin ce qu'il en reste, blaguais-je en regardant l'heure tardive.
Il haussa les épaules.
- Je ne veux pas déranger.
- Ce ne serait pas la première fois que tu dors ici, souriais-je en me rappelant sa tête endormie blottie dans ma couverture rose.
- Je me souviens des courbatures que j'ai eu après avoir dormi dans ton minuscule fauteuil, plaisanta le brun.
- Tu peux dormir dans mon lit ?
Il haussa un sourcil l'air peu convaincu.
- Avec toi ?
- Heu oui, c'est un lit deux places et on peut mettre des coussins entre nous deux.
- Tu es sûre ? Ça ne te dérange pas ?
- Si ça me dérangeais je ne te le proposerais pas, répliquais-je naturellement.
- Dans ce cas d'accord.
Il me fit un petit sourire reconnaissant puis nous entassâmes une pile de coussins au milieu de mon lit de façon à former une petite barrière. Il bailla, ce qui me fit rire.
Puis Aaron commença à enlever ses chaussures puis sont t-shirt.
Je mis ma main devant mes yeux et m'exclamais :
- Mais qu'est ce que tu fais ?
- Bah je me déshabille.
- Oui je j'ai  vvu merci, bafouillais-je rouge. Mais pourquoi ?
- Je dors toujours en caleçon.
- Oui bah tu pourrais faire une exception pour ce soir non ? Tu t'es bien tenu sur le canapé la dernière fois pareil pour quand tu as dormi dans le fauteuil.
- Deux situations très différentes. Et puis j'allais pas me mettre en calbut devant tes frères et on a pas fait exprès de s'endormir.
- Garde au moins ton jean d'accord ? Ou c'est trop demander ?
Il hocha la tête puis vint se glisser sous la couverture.
Même de l'autre côté des coussins je pouvais sentir sa présence et sa chaleur. Tout à coup je maudissais ces foutus coussins.
- Bonne nuit Ange, souffla-t-il d'une voix rauque.
- Bonne nuit Aaron, lui murmurais-je en retour.
Après avoir passé plusieurs minutes à me retourner dans tous les sens, essayant de trouver une position confortable, j'entendis la respiration régulière du brun près de moi et calquais la mienne sur la sienne. Inconsciemment, cela me rassurait.
Je me sentis alors doucement sombrer dans une brume noire.

Mon meilleur ennemiWhere stories live. Discover now