4: Séance de thalassothérapie

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« Lisbon, vous ne devriez pas y aller, c'est risqué, » l'avertit Jane en voyant la jeune femme faire un pas prudent vers l'avant. Elle leva les yeux au ciel et fit un second pas pour s'engager dans la pente.

- Lisbon, vous allez vous faire mal, intervint encore le consultant.

- Oh la ferme Jane, c'est de votre faute si on est dans cette situation, rétorqua la brunette en lui jetant un regard exaspéré.

Et c'était vrai. Jane avait cru bon de contrarier un suspect dans leur enquête, qui s'était alors enfui dans la nature. Après une course poursuite brève mais éreintante – la pluie de ces derniers jours avait gorgée la terre d'eau et il fallait mobiliser toutes ses forces pour se défaire de la gadoue – l'homme avait fait une glissade non contrôlée qui lui avait valu de s'échouer au pied d'une pente assez abrupte de quatre mètres de hauteur environ. Couché de tout son long sous la pluie qui s'était remise à tomber, il ne bougeait plus et Lisbon craignait qu'il ne se soit blessé en tombant. Après tout, on ne savait pas tout ce que cette boue pouvait cacher.

Jane quant à lui, s'inquiétait plutôt pour sa supérieure, qui avait l'air déterminée à descendre pour secourir leur suspect. Suspect qui s'était enfui et ce n'était pas de sa faute s'il avait mal pris le fait qu'il lui demande ce qu'il y avait sous la latte de plancher à côté de l'armoire ! Si ce n'était pas le tueur, il n'en était pas pour autant angélique. Et maintenant, sa petite collègue sans peur voulait l'aider. Il n'y avait que Lisbon pour se préoccuper de tout le monde sans exception...

Sans plus faire attention à Jane, Lisbon entama sa descente lentement, avec prudence malgré son équilibre précaire. La pente était franchement glissante et elle eut plusieurs sueurs froides avant d'arriver finalement à bon port en bas. Poussant un soupir de soulagement, elle se tourna vers le blondinet, qui avait retrouvé son sourire habituel, visiblement soulagé. Elle haussa les sourcils d'un air qui voulait dire : « Vous voyez ? » avant de se pencher doucement vers leur fuyard.

Même si elle était de dos, Jane devina qu'elle était un peu dégoûtée quand elle retourna le suspect couvert de boue. Accroupie, elle vérifia qu'il respirait et Jane se surprit à se demander s'il ne faisait pas semblant d'être inconscient pour attaquer l'agent. Mais apparemment, au vu de Lisbon lui donnant de petites tapes pour le réveiller, il ne simulait pas.

- Est-ce qu'il va bien ? demanda Jane d'une voix forte du haut de sa colline.

En réponse, l'homme poussa un grognement de douleur et tenta de se redresser. Lisbon recula de quelques pas, prête à sortir son arme au besoin. Après s'être extirpé tant bien que mal de la boue environnante, il gémit encore et porta la main à sa cheville. De là où il se tenait, Jane eut l'impression de voir un sourire passer sur le visage de sa collègue. Etait-elle vraiment en train de se dire « Bien fait, ça t'apprendra à t'enfuir ! » ? Une chose était sûre pour l'instant, leur suspect n'était pas près de recourir...

Lisbon sortit son téléphone portable et entreprit d'appeler une ambulance – hors de question qu'elle traîne ce boulet jusqu'à la ville ! Au même moment, Jane eut la bonne idée de descendre la pente. Comment cela arriva, Lisbon n'en savait rien. Elle entendit juste un cri très peu viril et tourna la tête pour voir son consultant dévaler la pente et s'étaler dans une gerbe de boue à quelques mètres d'elle.

Dans sa position actuelle – appuyé sur les coudes – on aurait pu croire qu'il était à la plage, si ce n'était la boue répugnante qui le recouvrait et cet air hagard distinctif de celui qui n'a rien compris à ce qui vient de se passer. De son côté, Lisbon avait l'air distinctif de celle qui aimerait éclater de rire mais se retient par politesse.

- Jane, est-ce que ça va ? demanda la jeune femme en se mordant les lèvres pour ne pas rire.

- Je... commença Jane en tournant vers elle un regard absent.

En voyant son visage, elle ne put résister et laissa libre court à son fou rire. Voir Patrick Jane, le « Graaaaaand Patrick Jane », par terre, totalement ahuri et couvert de boue – il en avait même sur le front et la joue – était tout bonnement unique ! Elle riait à s'en tenir les côtes et était incapable de s'arrêter.

Jane, étalé dans toute sa gloire – son ego lui faisait vraiment mal – observa d'un mauvais œil sa supérieure se fou... non, se moquer ouvertement de lui. Elle était rouge pivoine et en pleurait presque. Mais le plus humiliant dans toute cette histoire, c'était cet homme également assis qui riait à en perdre haleine en le regardant. Le suspect, qui avait les fesses dans la boue lui aussi, se moquait également de lui !

Lorsque Lisbon réussit enfin à se calmer, elle essuya les larmes au coin de ses yeux et s'avança vers son consultant. Elle était à peu près sérieuse, mais son grand sourire moqueur résistait.

- Jane, pourquoi êtes-vous descendu ? C'était risqué ! lui dit-elle d'un ton réprobateur, mais son sourire gâchait tout l'effet.

Jane crut même pendant l'espace d'un instant qu'elle allait repartir dans son fou rire, mais elle réussit à se contrôler. Dire que c'était lui qui n'avait pas arrêté de l'avertir... c'était franchement ridicule. Et humiliant. Saleté d'orgueil mal placé...

- Si vous croyez que j'ai fait exprès, maugréa le blond.

Il essaya de se redresser mais la matière spongieuse l'empêcha d'aller plus loin que de se tenir assis. Il grimaça en sentant la boue s'infiltrer dans ses vêtements jusqu'à sa peau, lui arrachant un frisson de dégoût. C'était mouillé, glacé et répugnant.

- Vous vous êtes fait mal ? questionna Lisbon en se méprenant sur l'expression de son visage.

- Nan, ça va, répondit Jane en extirpant sa main droite du sol pour la tendre à sa collègue.

Cette dernière hocha négativement la tête et retint difficilement un éclat de rire devant sa mine vexée. Derrière, le suspect recommença à rire à gorge déployée. Jane lui envoya un regard noir – au moins, il ne s'était pas blessé, lui !

- Ne m'en voulez pas, s'expliqua la jeune femme. Ce n'est pas que je prends plaisir à vous voir dans cet état... Une lueur amusée passa dans ses yeux. Mais vous êtes couvert de boue et... enfin, vous comprenez.

- Certainement, répliqua Jane en se relevant tout seul.

Bougon, il entreprit ensuite de s'essuyer les mains sur sa veste déjà irreprenable en grimaçant de plus belle. Lisbon devait s'en vouloir de s'être moqué de lui car elle sortit un mouchoir de la poche de sa veste et s'approcha de lui.

- Vous en avez sur le visage, se justifia-t-elle devant son regard interrogateur.

Elle essuya les tâches qu'il avait sur le front puis sur la joue avec des gestes doux, tenant son menton pour qu'il ne bouge pas la tête. Concentrée, elle n'avait pas remarqué que les yeux bleus de Jane la fixaient intensément. Ce n'est qu'une fois qu'elle eut terminé qu'elle se rendit compte de l'intimité de la situation et qu'elle rougit, embarrassée. Elle baissa les yeux et recula précipitamment. Jane, ne put s'empêcher de sourire en la voyant dans tous ces états. Mais où était la Lisbon morte de rire d'il y a quelques minutes ?

- C'était très gentil à vous, Lisbon. Ça mérite bien un câlin en remerciement, déclara Jane d'un ton joueur en ouvrant grand les bras.

- Hors de question ! riposta la jeune femme en reculant encore. Jane, n'oubliez pas que j'ai une arme !

Le blondinet sourit devant son visage paniqué. Il adorait la faire marcher ! Quoique... dans des circonstances différentes... Arrête ça tout de suite, s'intima-t-il en colère.

La sirène de l'ambulance se fit entendre au moment où un sourire apparaissait sur les lèvres de l'agent. Un sourire amusé qui se transforma très vite – et à son plus grand déplaisir – en un sourire goguenard.

- Faites le malin... Mais il est hors de question que vous montiez dans ma voiture couvert de boue, ricana Lisbon en retournant auprès de leur suspect.

Le sourire de Jane pâlit en quelques secondes. Puis il remarqua le regard que lui jetait Lisbon du coin de l'œil et cette étincelle immanquable qu'elle avait quand ils se taquinaient. Et son sourire revint. Riez bien Lisbon, vous n'avez pas fini d'entendre parler de moi...

Destination CalifornieWhere stories live. Discover now