14: Moments volés

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Assise à la terrasse d'un café, Lisbon observait la rue à quelques mètres. En fait, son air rêveur prouvait surtout que ses pensées étaient loin, très loin de la scène devant elle.

Leur dernière affaire en date avait fait remonter de vieux souvenirs en elle. Des blessures mal cicatrisées, des regrets qui lui laissaient un goût amer dans la bouche. Ce matin, elle avait arrêté un jeune homme qui avait tué le meurtrier de sa mère. La pauvre femme s'était faite renversée par un chauffard ivre, qui s'était enfui ensuite. Le fils l'avait retrouvé et l'avait tué de sang froid. Quand elle lui avait passé les menottes, il n'y avait aucun regret dans ses yeux. Aucune satisfaction non plus. Juste un vide béant. Seule l'allusion à sa mère avait réveillé une petite lueur au fond de son regard. Mais elle s'était très vite éteinte.

Lisbon soupira. Ses souvenirs l'entraînèrent plus loin que cette matinée. Beaucoup plus loin. Ils retournèrent vers sa propre mère, sa mère dansant dans les bras de son père en plein milieu du salon, sa mère riant aux éclats devant les bêtises de James, sa mère lui apprenant avec un sourire bienveillant à retourner les crêpes en les faisant voltiger en l'air, sa mère soignant les égratignures que Michael ramenait immanquablement à la maison, casse cou qu'il était, sa mère serrant dans ses bras le petit Tommy... Tommy. Elle revoyait comme si c'était hier la froide détermination qui avait envahi ses yeux verts, l'obsession qui avait pris le pas sur cette même détermination... C'était ce qui les avait éloignés. Non, c'était ce qui les avait séparés. Mais c'était de sa faute. Elle n'avait pas réussi à le protéger de sa propre folie, il était resté prisonnier de sa rancœur et de sa douleur et elle n'avait rien pu faire.

- La place est libre ? demanda une voix.

Tirée brutalement hors de ses pensées amères, la jeune femme leva la tête pour croiser les yeux rieurs et le sourire étincelant de Patrick Jane. Qui d'autre que lui aurait pu venir la déranger alors qu'elle avait besoin d'air et d'isolement ?

D'un vague geste de la main, elle lui indiqua qu'il pouvait s'asseoir, ce qu'il fit avec une joie non dissimulée. Elle l'observa alors qu'il s'installait et songea que vraiment, il devait bien être la seule personne à pouvoir la retrouver et surtout, à avoir le culot de venir la retrouver dans un moment pareil. Le besoin de solitude, il ne connaissait pas ? Pour une fois qu'elle avait besoin d'être tranquille...

Son esprit revint au blondinet assis en face d'elle. Il était rayonnant, à croire qu'il essayait de concurrencer le soleil. Oui, réflexion stupide certes, mais son sourire était quasi éblouissant.

- Comment m'avez-vous retrouvé ? questionna-t-elle avec curiosité.

- Bof, j'ai deviné, répliqua nonchalamment Jane.

Devant le regard menaçant de l'agent, il sourit de plus belle et choisit de modifier son aveu.

- Je vous ai cherché. Avant de partir vous avez dit que vous aviez besoin d'un café. Et Marie à cinq minutes du CBI c'était trop loin pour vous ? l'embêta-t-il moqueur comme jamais.

- J'avais besoin d'un café et de calme, rétorqua la brune d'un ton presque acide.

- Je sais, répondit Jane en lui souriant plus gentiment. D'ailleurs, ça ne m'étonne pas que vous ayez choisi un café juste à côté du Tribunal ! s'esclaffa Jane après avoir jeté un regard circulaire aux lieux. Sacré vous ! finit-il sur un ton affectueux.

Lisbon leva les yeux au ciel mais lui offrit néanmoins un petit sourire. Etait-ce un crime de venir en toute tranquillité dans le restaurant qui faisait le deuxième meilleur café de la ville après Marie ? Enfin, pour la tranquillité, c'était raté. Sacré lui...

Quand elle croisa de nouveau son regard azur, elle remarqua qu'il l'observait, un air innocent savamment placé sur son visage mais un sourire magnifiquement espiègle sur les lèvres. Ok. Il préparait un mauvais coup. Et comme elle l'avait deviné, il lui parla de son plan diabolique.

Destination CalifornieWhere stories live. Discover now