I - Un jour nouveau

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- adieu, maître cambrioleur.

Bilbo posa sa main sur le torse blessé du nain, avant de repousser les larmes incontrôlables qui lui brûlaient les yeux.

- non, ne dites pas ça Thorin. non, non, non. regardez, Thorin. les aigles, ils sont là...

hélas, le roi sous la montagne vit le monde basculer en des milliers de points multicolores devant ses yeux déjà vitreux. sous les doigts du hobbit, sa poitrine se soulevait péniblement. malgré le sentiment que les derniers filaments de vie lui échappaient, il sourit tendrement au maître cambrioleur.

- Thorin...

il ne put rien faire pour le sauver, le sachant mourant. il n'était pas un elfe, il savait qu'il ne pouvait le guérir. épuisé par la bataille, il se laissa tomber dans la neige ensanglantée et se recroquevilla contre le corps sans vie de Thorin Oakenshield. le pauvre hobbit, endeuillé, reposa sa main sur la poitrine du nain et se laissa emporter par un lourd sommeil sans rêves. 


* * * 


C'est à l'aube que Bilbo Baggins émergea du sommeil de pierre qui l'avait emprisonné, comme s'il avait tenté de le faire échapper à la dure réalité. Aussitôt que les doux rayons du jour neuf vinrent faire frémir son petit nez, il se remémora les événements épiques de la veille, de la bravoure des combattants, du claquement des cordes des arcs, des cris de guerres et des pertes subies. La lame de Sting, abandonnée à ses côtés, ne brillait plus d'un bleu argenté. Un horrible mal de tête lui martelait les tempes tels des marteaux. mais pire encore était la peine du petit hobbit. Les larmes se remirent à couler à flots et les sanglots, toujours plus violents, secouaient le petit corps, toujours blotti contre celui du roi tombé.

Bilbo referma ses yeux rougis de chagrin et enfouit le nez dans la fourrure du manteau de ouargue, comme pour sentir pour la dernière fois la douce odeur épicée du nain.

C'est alors qu'il s'en rendit compte. cette main, non pas glacée comme la mort elle-même, mais chaude. Cette main qui tenait la sienne dans une emprise à la fois tendre et ferme.

Le hobbit ouvrit les yeux brusquement et tourna la tête lentement vers le corps de Thorin. Celui-ci avait toujours les yeux fermés mais sa poitrine se soulevait et s'abaissait fluidement. Étrangement, rien n'avait l'air avoir changé dans son visage depuis la veille, même qu'il avait l'air plus coloré, plus vivant même. Il souriait toujours vaguement. Bilbo s'assit précipitamment en tailleur et posa doucement les doigts de sa main libre sur la jugulaire du roi, où il sentit le sang la faire palpiter à un rythme régulier. ce contact le réveilla.

- Bilbo...

Le hobbit se sentit soudain vacillant. Il ne pouvait croire ses yeux, ni même ses oreilles, mais pourtant c'était bien vrai. Jamais il n'aurait cru entendre à nouveau cette voix chaude, grave et rassurante de son vivant.

- Thorin?

Le nain élargit son sourire.

- Bilbo, suis-je- sommes nous...

Il hésita avant de murmurer:

- ...morts?
- morts?

Le hobbit lui rendit son sourire, malgré la peur qui lui tenaillait le ventre.

- Non. Enfin, pas moi. C'est vous qui avez eu une lame plantée dans le corps. Vous, peut-être que vous ne survivrez pas. Comment vous sentez-vous?
- Honnêtement? Je ne me suis jamais senti aussi vivant.

Malgré les dires de Thorin, il se leva pour chercher quelqu'un, n'importe qui du regard. Des secours ne tardèrent pas à se pointer au loin, alertés par les appels empreints de désespoir de Bilbo. Il n'avait presque plus de voix et semblait imiter une feuille dans une bourrasque fraiche d'automne. Le hobbit se laissa s'écrouler au côté du roi nain puis posa sa tête sur sa poitrine, à bout de forces. Ce dernier reprit délicatement la main du semi-homme dans la sienne, en guise de réconfort. Ils attendirent les secours ainsi, l'esprit en bouillie, le cœur empreint d'une d'une douce chaleur et les yeux clos sur des fleuves de larmes.

The Lords of the Silver Fountains - bagginshieldDonde viven las historias. Descúbrelo ahora