The Lords of the Silver Fountains - bagginshield

VI - La serviette

Bilbo se réveilla de bonne heure, fébrile. Tandis qu'il glissait son anneau dans sa poche, il se retourna vivement vers le miroir de pierre polie afin d'inspecter son reflet, impeccable, bien sûr. Son pantalon bleu nuit ne possédait aucun pli et sa chemise légère n'était évidemment pas boutonnée jusqu'en haut.
Il croisa son sourire un peu bête, sûrement dû au manteau de ouargue toujours sur une chaise, au fond de sa chambre et se maudit de rougir autant.
Ce n'était pas comme s'il l'avait invité au bal!
Enfin, si, c'était exactement ça.
Il se rendit dans les appartements de Thorin, comme prévu.

- Vous alliez voir mon frère?

Bilbo se retourna et aperçut Dís.

- Oh, ne faites pas cette tête, on croirait que vous avez vu un fantôme.
- À vrai dire, vous m'avez bien fait sursauter.

Dís lui sourit brièvement, puis l'instant d'après elle redevint grave.

- Dans ce cas, je vais vous laisser... vaquer à vos occupations. Vous viendrez à la fête?
- Évidemment, je ne manquerais ça pour rien au monde!
- Alors à ce soir!

Et elle disparût aussi subitement qu'elle était apparue. Le hobbit aurait sûrement eu la chair de poule s'il ne portait pas les fourrures...
Il chercha Thorin dans ses appartements mais ne le trouva nulle part. Il ne restait qu'un seul endroit où chercher. La seule porte close.
Sa chambre.
Bilbo cogna doucement, au cas où le nain dormait encore.
Aucune réponse.
Il posa sa tête sur la porte de pierre, mais n'entendit rien.
Il recogna.
Toujours rien.
Il décida d'ouvrir la porte.

Aussitôt qu'il posa le pied dans la pièce sombre, uniquement éclairée par la lueur dorée et vacillante d'une bougie, la douce odeur épicée du roi sous la montagne s'engouffra dans ses narines. La pièce était grande mais simple. Il y avait un lit immense, qui pourtant ne prenait pas beaucoup d'espace. Il y avait un miroir dans un coin, un coffre et un armoire contenant des vêtements dans un autre. Une bibliothèque bien remplie, car oui, Thorin était un grand lecteur désavoué. Quelques meubles. Une table dans un autre coin. Le cambrioleur s'en approcha et son cœur manqua un battement.

Il vit l'arme du crime, le crayon.
Puis le crime lui-même, son portrait, qui lui envoyait un sourire ravageur. Des traits esquissés avec exactitude, d'une ressemblance frappante. Seulement, Bilbo n'avait jamais fait un tel sourire. Pas à son souvenir. Ou il ne s'en rappellait simplement plus?
Tout ceci n'avait aucune importance. Après de longues minutes, qui semblèrent plus être des milliers d'années, il fixa le dessin, puis secoua la tête dans tous les sens. Encore un peu sonné, son regard revint à la table afin de s'assurer qu'il n'avait pas rêvé.
Mais non, le sourire radieux existait toujours.

C'est alors que le semi-homme entendit un cliquetis caractéristique.
Une porte cachée dans la pierre. Il se figea et se retourna vers le mur. Il savait qu'il ne tarderait pas à croiser son regard. Il entendit son juron sonore quand il tentait d'ouvrir la porte, manifestement coincée.
Puis la porte s'ouvrit d'un coup.
Et tout s'enchaîna dans un rythme effréné.
Il entra, beau comme pas possible, la crinière mouillée, seulement vêtu d'une serviette.

Cette maudite serviette, qui était si longue qu'elle touchait presque à terre, serrée à la taille grâce à un nœud.
Ce maudit nœud, qui avait souffert lorsque son propriétaire avait donné des coups de genoux à la porte.

Le regard que Thorin lança à Bilbo, à la fois charmant et agréablement surpris.
Puis il perdit pied dans sa serviette et tomba sur Bilbo.
Il tenta de se rattraper afin de ne pas écraser le hobbit avec son poids. Leurs visages étaient si près l'un de l'autre que les lèvres du nain effleuraient le petit nez retroussé.
Puis il réalisa, embarassé, que le maudit nœud n'avait pas tenu et que la maudite serviette gisait par terre, emprisonnant les jambes du semi-homme.
Puis ce dernier réalisa la même chose et rougit jusqu'à la pointe des oreilles. Avant de tomber dans les pommes.