XVIII - Bouleversements

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Bilbo Baggins avait le regard perdu dans le vague. Il s'inquiétait. Pour Thorin. Pour leur relation. Pour leur avenir.
Il était changeant. Trop même.
Lors de leur première rencontre et des temps suivant celle-ci, il était réticent, Thorin était devenu un bon ami, qui s'inquiétait de sa survie. Puis Bilbo fut le seul ami qui lui resta, auquel il s'accrocha comme il le put.
Puis, à la suite de sa blessure, les sentiments avaient commencé à se développer, d'abord timides et maladroits puis fusionnels et passionnels.
Puis, d'un coup, le roi était devenu de plus en plus distant.
À leur retour, il arracha presque la couronne à Dís et menait d'une main de fer sa nation.
Thorin ne lui adressait presque aucune attention, ne serait-ce qu'un simple Bonjour, Maître Baggins.
Oui, parce qu'il avait recommencé à le vouvoyer et à l'appeler avec n'importe quel nom en évitant soigneusement Bilbo.
Il recommençait à avoir un penchant pour l'or et l'ammassait avec une avidité renouvelée.
Même Dís en était attristée.

* * *

Le roi était assis à la petite table, la tête entre les mains. Les engrenages de son cerveau fonctionnaient à toute vitesse.
La première partie de son plan était achevée; éloigner toutes ses relations les plus intimes.
La plupart avait été facile à berner, mais quelqu'un semblait toujours résister.
Et ce quelqu'un représentait inévitablement un obstacle.
Il ne pouvait l'éliminer. C'était contre sa morale.
Il voulait prendre sa vengeance. Il voulait le voir souffrir.
Il se leva, une idée tordue dans son esprit aussi troublé que calculateur.
Il devait pour cela éloigner Bilbo. Le dégouter à un point tel qu'il ne reviendrait pas.

* * *

Toc Toc

- Entrez!, répondit distraitement le hobbit.

Il se retourna quand il entendit sa porte se refermer.

- Thorin! Qu'est-ce qui se pa-...?

Il ne put avancer d'autres mots, car le nain l'avait plaqué au mur et l'embrassait furieusement. Bilbo se laissa faire, malgré la soudaine violence de celui qu'il aurait, quelques semaines plus tôt, appelé amant. Ses pensées refusaient de s'aligner correctement alors que le roi sous la montagne commençait déjà à lui ôter ses vêtements avec une avidité presque bestiale. Bilbo laissa pousser une petite protestation quand les lèvres de l'autre quittèrent les siennes. Il passa une main sous la chemise du nain et dirigea ses mains vers sa poitrine afin d'effleurer la peau encore douce et neuve de...

Bilbo écarquilla les yeux.
Voyons, c'était impossible.
Qu'est-ce qui se passaît?
Pourquoi Thorin n'avait-il pas...?
La vérité le frappa de plein fouet alors que le roi s'apprêtait à défaire les boutons de son pantalon d'une main pressante. Que le semi-homme empoigna vivement.
Leurs regards se croisèrent un instant. Bilbo frissonna en notant que celui de Thorin était froid comme la glace.
Le hobbit repoussa de toutes ses forces le nain et le gifla si violemment que son souffle se coupa. Avant de se diriger vers la porte, qu'il verrouilla de l'extérieur précipitamment. Et de prendre ses jambes à son cou.

* * *

Thorin se maudissait intérieurement. S'il n'avait pas quitté Bilbo ce soir là, à l'auberge, rien de tout ça ne serait arrivé.

- Qu'est-ce qu'il y a Thorin?

Ce qu'il avait? Il ne voulait pas retourner chez lui. À Erebor. Il répugnait sa vie. Convoitait une simple existence, comme celle des hobbits.

- Il faut que j'aille prendre de l'air.

Il s'était levé et l'atmosphère lourde de l'auberge se changea rapidement en un souffle d'air frais et léger. Il rêvassait à une vie simple, loin de la pression des sujets qui voulaient des héritiers.
Il était tellement absorbé par ses utopies qu'il ne vit pas les deux silhouettes imposantes qui, quelques instants plus tard, l'empoignaient et l'emmenaient loin, si loin de l'auberge, de celui qu'il aimait, qui le fesait rêver.

* * *

- Je ne sais absolument pas pourquoi ni comment, mais ce n'est pas Thorin.

Les deux nains le dévisagèrent. Le hobbit, essouflé de sa course, était venu les tirer de leurs occupations quotidiennes en catastrophe.

- Donc tu insinuerais-..., commença Balin.
- Que Thorin n'est pas Thorin. Oui, c'est ça., l'interrompit Bilbo.
- Et qu'est-ce qui te ferais croire cela?, insista le nain.
- Son éloignement soudain, certainement. Je connais mon frère, il n'est pas dans son état naturel, si c'est bien lui., renchérit Dís en se levant pour faire les cent pas dans la petite pièce.

Le semi-homme soupira avant de lâcher:
- Il n'a pas sa cicatrice.
- Sa cicatrice? Évidemment, c'est de la médecine elfique, sa cicatrice aurait pu se guérir très vite, dès les premiers jours, même., grommella Balin.
- Bilbo, te rappelle tu quand tu as vu la cicatrice le plus récemment possible?
- C'était à Cul-de-Sac.
- Et jusqu'à quand remonte la dernière fois où il s'est comporté normalement?
- À cette auberge, dans les Montagnes Bleues.

Dís se retourna vivement, le cœur empreint d'une crainte dévorante.

- Dís, ne me dites pas que vous croyez à... ça?
- Je crains, Balin, qu'effectivement Thorin ne soit pas Thorin. Et justement, c'est le plus effrayant.
- Et pourquoi ça?, se risqua le hobbit d'une petite voix.
- Voulez-vous dire que Thorin est... mort?, demanda Balin.
- Tout peut être possible. Seulement, il n'y qu'une personne qui peut être derrière tout ça. Qu'une personne avec l'esprit assez tordu pour prendre la place de Thorin avec tout le naturel possible.
- Qui est-ce?
- Quelqu'un qui, aux dernières nouvelles, était mort., fit Dís avec gravité en fixant l'amant de son frère.

The Lords of the Silver Fountains - bagginshieldWhere stories live. Discover now